Distribution d'électricité : les collectivités reprennent la main
Des dizaines de collectivités auront renouvelé d'ici la fin de l'année leurs contrats de concession de distribution et fourniture d'électricité. Qu'elles soient fluides ou complexes, ces négociations locales peuvent s'appuyer sur un modèle de contrat national opérationnel depuis six mois. Cette nouvelle génération de contrats clarifiant les engagements de chacun en termes d'investissement, de modernisation des ouvrages mais aussi de transition énergétique et de transmission des données, a fait l'objet d'un éclairage le 26 juin par la Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR).
Avec la montée en puissance des nouveaux contrats de concession de distribution et fourniture d'électricité se joue un changement de culture dans les collectivités : "Renégocier avec les concessionnaires Enedis (distribution) et EDF (fourniture) les conduit à s'acculturer, à monter en compétence sur ce patrimoine qu'elles redécouvrent et à construire une vision du devenir de leurs infrastructures électriques", a résumé lors d'un point sur le sujet, le 26 juin à Paris, la sénatrice des Pyrénées-Atlantiques Denise Saint-Pé.
La seconde vice-présidente de la FNCCR, une association d'élus qui a validé fin 2017 avec France urbaine et les concessionnaires historiques un nouveau modèle contractuel servant de base aux négociations locales qui s'accélèrent avec l'arrivée de l'échéance des contrats en cours, a détaillé aux côtés d'autres représentants de collectivités les spécificités de cette nouvelle dynamique à fort accent de transition énergétique.
Un modèle global, des "respirations locales"
"Les contrats arrivant à terme étaient obsolètes, il fallait entre autres intégrer les dispositions liées aux lois Maptam ou celle sur la transition énergétique", souligne Xavier Pintat, président de la FNCCR. Les nouveaux contrats intègrent des enjeux d'insertion des énergies renouvelables, d'autoconsommation collective, de recharge de véhicules électriques, de maîtrise de la demande en électricité (MDE) ou encore de transmission des données issues des compteurs communicants ou celles nécessaires à l'élaboration de leurs politiques énergétiques locales (plans climat PCAET et schémas de planification Sraddet).
Un peu partout en France, de premiers contrats sont ou s'apprêtent à être signés. Le Lot-et-Garonne, la métropole de Nice ou la communauté urbaine du Grand Poitiers sont les premiers à se lancer. "Dans les cinq prochaines années, une centaine de contrats arrivent à échéance. La montée en charge sera progressive. On est effectivement en plein tournant", insiste Guillaume Perrin du département Energie de la FNCCR.
Par exemple dans le Calvados, la nouvelle concession sur trente ans pour le service public de la distribution d'énergie électrique sera signée ce 29 juin. "Ce nouveau contrat co-construit avec Enedis et EDF est le fruit d'un compromis forgé avec les élus. Il a nécessité quatre ans de négociations et un état des lieux patrimonial qui a pris du temps ! Entre un village du bocage et une ville comme Caen, l'usager paie le même tarif mais les problématiques n'ont rien à voir. Ce contrat qui s'adapte aux réalités du Calvados est bien meilleur qu'avant", estime Bruno Delique, directeur du syndicat d'énergie de ce département, le Sdec énergie, auquel adhèrent plus de 500 communes et intercommunalités.
Une logique nouvelle de programmation
Grande nouveauté des contrats passés ou en cours de négociation : la mise en place de schémas directeurs (SDI) et de programmes pluriannuels d'investissements (PPI), assortis de pénalités en cas de non-respect par Enedis des engagements pris. "Les investissements prévus visent notamment à réduire le temps moyen de coupure pour l'usager ou à remplacer le réseau fragile en fils nus en secteur rural et urbain. Chaque PPI de quatre ans détermine les quantités d'ouvrage à réaliser durant cette période", illustre Bruno Delique. Ces PPI intègrent aussi un volet consacré à des études et expérimentations à réaliser, par exemple sur le lien entre l'âge des réseaux et leur accidentalité. Autre nouveauté, des efforts de sécurisation et d'adaptation des infrastructures en zone côtière ou inondable et d'enfouissement du réseau basse tension.
Clarifier et phaser les engagements
Cet enjeu d'enfouissement des réseaux se retrouve à la fois dans le modèle de contrat national, qui en défend le principe (article 8), et plus concrètement dans des contrats locaux comme celui fraîchement signé pour 2018-2048 dans le département du Gard. Le fil rouge du contrat gardois, comme la plupart des autres, est la recherche d'un équilibre dans la répartition de la maîtrise d'ouvrage des travaux d'électricité entre Enedis et l'autorité organisatrice de la distribution d'électricité, soit ici le syndicat mixte d'électricité du Gard (Smeg 30). La participation d'Enedis à l'aménagement et l'enfouissement des réseaux y est chiffrée (4 millions d'euros par an). "Obtenir des engagements chiffrés sur la limitation des temps de coupure reste plus compliqué", prévient Pierre Roman, directeur du Smeg 30. Le premier PPI acté pour 2018-2021 représente 57 millions d'euros d'investissements sur le réseau gardois dont une dizaine pour réduire sa vulnérabilité climatique et autant pour résorber les incidents et intégrer des smart grids. Le bilan dressé en fin de PPI permettra d'ajuster le tout. Dans le Calvados un point d'étape est également prévu dans quatre ans pour recalibrer si besoin les investissements à réaliser. "Prévoir des clauses de revoyure garantit l'évolutivité des contrats", appuie Xavier Pintat.
Les données, ce nerf de la guerre
Qui dit rééquilibrage des forces entre l'autorité concédante et son concessionnaire dit transparence accrue des données techniques, comptables et financières. Un décret paru il y a deux ans (voir notre article dans l'édition du 26 avril 2016) liste déjà les informations que le concessionnaire du réseau de distribution doit transmettre aux autorités concédantes. Le modèle de contrat national va plus loin et intègre des données d'inventaire du patrimoine concédé, de cartographie, de production-consommation ou de qualité d'alimentation. Enedis a l'obligation de transmettre ces données. Sans quoi des pénalités s'imposent. "L'argument fréquemment invoqué est que ces informations relèvent du secret commercial. Il reste du chemin à faire", conclut Guy Hourcabie, vice-président délégué de la FNCCR et maire d'une petite commune de la Nièvre.