Diagnostic de performance énergétique : un plan pour mieux encadrer le dispositif

Pour rendre le diagnostic de performance énergétique (DPE) "irréprochable", la ministre chargée du logement, Valérie Létard, a annoncé ce 19 mars une série de mesures visant notamment à mieux encadrer les professionnels chargés de le délivrer.

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est "un outil essentiel pour définir le niveau de qualité d'un bien au regard de sa consommation énergétique, des factures qu'il va générer en termes de charges pour son propriétaire ou pour son locataire et aussi de l’impact qu’il a sur le climat, car plus son étiquette est dégradée, plus il va impacter en émission de gaz à effet de serre" a déclaré Valérie Létard sur TF1 ce 19 mars.

Plus d'encadrement

Ce système est "tout jeune, il est monté en puissance en 2022", et chaque année, "on progresse dans son encadrement", a assuré la ministre chargée du logement. Mais parce qu’il est aujourd’hui "au cœur de la valeur d’un bien, du fait de pouvoir le louer avec ou sans travaux", il faut qu’il soit "irréprochable" et donc être "davantage encadré".

Pour rappel, une nouvelle version du DPE est entrée en vigueur le 1er juillet 2021 (lire notre article). Conformément à la loi sur l’évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), le DPE, qui était auparavant délivré à titre informatif, est devenu pleinement opposable à cette date, acquérant ainsi une véritable portée juridique. Cela signifie que toute personne concernée (locataire, acquéreur, vendeur, bailleur) peut se retourner contre le diagnostiqueur immobilier en cas de faute, erreur ou manquement lors de l'établissement du diagnostic. 

Celui-ci donne une note de A (la meilleure) à G (la plus médiocre) et prend en compte un certain nombre de paramètres, comme l'isolation des murs et du toit, le système de chauffage, la présence de logements mitoyens, etc. Devenue déterminante pour fixer la valeur d'un bien immobilier à vendre - elle peut faire varier le prix jusqu’à 28 %, soit plus de 1.000 euros/m² dans certaines zones -, l'étiquette énergétique a aussi une influence sur les loyers - l’écart de prix entre un logement classé A et un logement classé G peut atteindre 20%. De plus,  depuis le 1er janvier 2025, les propriétaires de logements classés G ne peuvent plus les mettre en location sans rénovation ou s’engager dans une démarche de travaux. À défaut, ils s’exposent à un recours de leur locataire. Pour les candidats à l'achat d'un bien immobilier, certaines banques vont même jusqu'à intégrer le DPE dans leurs critères d’octroi de prêts.

70.000 fraudes sur 4 millions de DPE réalisés chaque année

Quatre millions de diagnostics sont réalisés chaque année. "Une énorme partie des diagnostiqueurs sont des gens qui font parfaitement leur travail", mais selon le conseil d'analyse économique, "à peu près 70.000 fraudes DPE, de complaisance" ont été identifiées (1,7% du nombre total de diagnostics), soit autant de personnes "lésées", a souligné la ministre, qui a fustigé des écarts "inacceptables" qu'il faut "traiter". 

Une "liste noire" de diagnostiqueurs radiés existe déjà : depuis mi-2024, 500 personnes y figurent, a indiqué Valérie Létard. Mais le gouvernement veut encore intensifier sa surveillance. Désormais, les 10.000 actifs du secteur "vont faire l'objet de contrôles" sur site et sur dossier, à raison d’"au moins un par an", autrement dit "quatre fois plus" qu'à l'heure actuelle, a-t-elle expliqué.

Dématérialisation du DPE

Pour "mieux repérer et mieux contrôler", Valérie Létard souhaite utiliser l'intelligence artificielle et la base de données de DPE de l'Agence de la transition écologique (Ademe) et relier chaque diagnostiqueur et chaque DPE à un QR code. Ces QR codes permettront aux propriétaires de vérifier sur le site de l'Ademe que leur "DPE remplit toutes les conditions et a bien fait l'objet de toutes les exigences attendues", a pointé la ministre et que le diagnostiqueur n'a pas été radié. 

Un outil de géolocalisation permettra également de s'assurer que le diagnostic a bien été réalisé dans le logement, et pas par téléphone, "sinon ce n'est pas fiable", a-t-elle insisté. "On va éviter toutes ces fraudes", a-t-elle fait valoir, précisant que pour un diagnostic en règle, il fallait compter "45 minutes au moins" et un prix moyen "de 150 à 250 euros", en fonction de la taille du logement. 

Pour limiter les pressions qu'un propriétaire peut faire peser sur un diagnostiqueur, le DPE ne sera plus remis juste après l’expertise mais sera délivré de façon dématérialisée le soir ou le lendemain de la visite dans le logement, sur le site de l’Ademe. À partir de septembre prochain, tous les diagnostics intégreront un QR code renvoyant vers le site internet de l’Ademe pour vérifier leur authenticité, assure le ministère. "Le cas échéant, le nom de l’agence immobilière sera désormais renseigné sur le DPE", précise-t-il.

Durcissement des contrôles et des sanctions contre les "comportements anormaux"

Pour chaque diagnostiqueur "répertorié", "on aura la teneur de tous les diagnostics qu'il aura réalisés", a indiqué Valérie Létard. Le QR code permettra d'identifier des "comportements anormaux", comme des DPE systématiquement à la limite entre deux classes, des évaluations incohérentes par rapport à des biens similaires ou encore des diagnostics réalisés en un temps anormalement court. En cas de suspicion de fraude, un contrôle sera automatiquement déclenché par l’organisme de certification. L’objectif est d’analyser les 4 millions de DPE les plus récents et d’évaluer 10.000 diagnostiqueurs d’ici décembre 2025 avec un suivi continu par la suite.
Les sanctions à l'encontre des diagnostiqueurs frauduleux seront également plus sévères : leurs certifications seront suspendues immédiatement avec une interdiction de se réinscrire avant 18 mois en cas de fraude et 2 ans en cas de récidive.  Ils seront identifiés via une liste noire pour les empêcher d’avoir une certification en cas de demande avant la fin de la sanction. Pour revenir dans la profession de diagnostiqueur, une formation sera nécessaire et aboutir à une certification. "Cela ne se fera pas facilement", a mis en garde la ministre.

Le gouvernement souhaite aussi mieux contrôler les organismes de certification et de formation des diagnostiqueurs par le Comité français d’accréditation (Cofrac), pour éviter les conflits d'intérêts, a indiqué le ministère.  Le rythme des contrôles augmentera de 30%, avec un contrôle tous les 10 mois et non plus tous les 15 mois.
Valérie Létard a également annoncé lancer une mission parlementaire pour examiner s'il est utile de créer un ordre pour les diagnostiqueurs. Une mission a en outre été confiée à Henry Buzy-Cazaux, membre du Conseil national de l’habitat, pour la création d'un cursus spécifique de formation post-bac pour les futurs diagnostiqueurs "afin de garantir un haut niveau de compétence", souligne le ministère.

 

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