Des voeux prudents pour 2021...

Localtis interrompt ses éditions quotidiennes jusqu'au 4 janvier. Cette édition vous propose de revenir sur quelques-unes des actualités importantes des derniers mois, y compris sur le terrain législatif et budgétaire, et d'anticiper un peu les débuts de 2021. En commençant par évoquer à grands traits ce que l'on pourrait retenir des sujets de préoccupation des collectivités depuis le début de l'automne. Et en vous souhaitant malgré tout une fin d'année, si ce n'est joyeuse, du moins paisible...

Début août, en bouclant notre édition spéciale de l'été, nous avions tenté de résumer un printemps happé en plein vol par la crise sanitaire et d'évoquer les répercussions de cette crise dans à peu près tous les domaines de l'action publique locale. Mais sans savoir alors à quel point l'automne serait lui aussi marqué par la "deuxième vague" et par la mise à l'arrêt, de nouveau, de pans entiers de la vie du pays. Le tout rythmé par les courbes de l'épidémie et les allocutions du chef de l'État ou du Premier ministre. Couvre-feu, reconfinement, re-couvre-feu… Prolongation de l'état d'urgence sanitaire, suites de décrets, nouvelles attestations, arrêtés préfectoraux… Avec, certes, des règles du jeu assez différentes de celles de mars dernier, entre autres parce que beaucoup plus de monde a continué à aller travailler et parce que les établissements scolaires sont restés ouverts – avec les protocoles, ajustements et incompréhensions que l'on sait.

Restées en première ligne, les collectivités n'ont eu de cesse de s'organiser au gré de cet environnement changeant. Et de faire entendre leur voix. Ainsi, dès septembre, lorsque le ministre de la Santé classait en trois nuances de rouge les départements les plus touchés par le covid et décrétait la fermeture de certains établissements dans les "zones d'alerte renforcées", l'Association des maires de France s'indignait de voir les élus locaux ainsi "mis devant le fait accompli", bien loin de l'idylle du couple maire-préfet. Un zonage qui, dès la mi-octobre, devait cette fois servir à la mise en œuvre du précepte "à 21h, chacun devra être chez soi". Fin octobre en revanche, le reconfinement aura été d'application nationale. Comme tout ce qui a été décidé depuis.

C'est certainement sur la question de la fermeture des commerces non-alimentaires que cette voix des élus a été la plus forte, y compris lorsque cela est passé par des arrêtés municipaux nécessairement très vite déclarés illégaux. On l'a ensuite entendue sur l'enjeu des stations de sports d'hiver. Elle apparaît aujourd'hui moins distinctement sur la fermeture des lieux culturels, même si la Fédération des collectivités pour la culture par exemple a plaidé ce 17 décembre pour leur "réouverture rapide".

"La concertation, ça ne peut pas être un coup de fil une heure avant"

Parallèlement, bien au-delà de la question de savoir ce qui serait fermé ou interdit, les collectivités ont continué à gérer leurs écoles, leurs Ehpad, "leurs" populations précarisées, à adapter leurs transports collectifs, à maintenir ouverts une bonne partie de leurs guichets tout en pilotant l'autre partie de leurs effectifs en télétravail, à s'associer aux campagnes de tests, à aider "leurs" commerces de proximité à vendre malgré tout…

Sur le plan sanitaire, il semblerait que les choses aient été plus fluides qu'au printemps dernier, notamment dans les relations avec les Agences régionales de santé. C'est par exemple ce dont témoignait il y a un mois Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France, lors d'une audition des associations d'élus par la délégation sénatoriale aux collectivités, évoquant une ARS qui désormais "transmet chaque jour des points de situation sur les Ehpad, les collèges…".

Tous disent toutefois, à l'instar de François Baroin, le président de l'Association des maires de France, que "toutes les leçons du premier confinement n'ont pas été tirées" par l'État. Et qu'il faudra le faire. Entre autres en termes de concertation : "La concertation, ça ne peut pas être un coup de fil une heure avant", dit-il. Et c'est selon lui le problème qui s'est posé avec la fermeture des commerces : "Le délai a été de 24 heures. Si on avait eu une semaine, les problématiques de commerce auraient pu être gérées, il n'y aurait pas eu ces tensions."

Dans une interview accordée à Localtis en novembre – pour le premier numéro de "Localtis Mag", paru en partenariat avec l'AMF –, François Baroin le redit : "Le gouvernement aurait pu tirer un meilleur parti de notre capacité d’adaptation et de réalisation en lien direct avec les territoires. Il dispose, avec nous, d’interlocuteurs fiables pour mieux saisir les inquiétudes et les incompréhensions. Les collectivités ont démontré leur capacité à venir en renfort de l’État – masques, tests, organisation des services publics comme l’école et l’accompagnement des aînés… – non en fonction de schémas théoriques mais dans la réactivité et l’efficacité. Or, l’État prend ses décisions seul (…). Il aurait été préférable de confier clairement le volet logistique au ministère de l’Intérieur et aux préfets. Cette période nous renforce dans notre conviction que les missions de proximité doivent être confiées aux collectivités locales."

4 D : transferts à la carte

Ce constat et cette conviction se retrouvent évidemment dans les propositions des élus sur le terrain institutionnel de la décentralisation. Privées de congrès, du moins dans leur forme habituelle, les associations d'élus ont à plusieurs occasions échangé là-dessus avec le gouvernement, notamment avec Jacqueline Gourault, en vue du futur projet de loi 4 D (différenciation, décentralisation, déconcentration… et désormais aussi décomplexification). Un texte dans lequel la santé va faire une entrée certainement plus significative qu'elle ne l'aurait été hors crise. On sait ainsi déjà que la présence des élus au sein des conseils d'administration des ARS va être renforcée. Et que les départements se verront transférer la médecine scolaire.

C'est en tout cas ce qu'a fait savoir la ministre de la Cohésion des territoires le 17 décembre, en dévoilant les grandes lignes de ce projet de loi devant la délégation sénatoriale aux collectivités. Ce texte, qui devrait être présenté en conseil des ministres en février, comprendra à la fois des transferts de compétences obligatoires (la gestion des sites Natura 2000 par exemple), des transferts à la carte (routes, petites lignes ferroviaires, gares) et des expérimentations (logement, RSA…). Ainsi que des dispositions en matière, notamment, d'urbanisme ou de simplification administrative. Ce sera donc l'un des gros morceaux législatifs de 2021.

Dans l'immédiat, s'il y a eu des discussions entre les représentants des collectivités et l'exécutif, c'est aussi voire surtout pour parler relance… et donc finances. Le gouvernement a clairement besoin des collectivités pour que le plan de relance prenne l'ampleur espérée en termes d'investissement public. Et les collectivités peuvent trouver dans ce plan un appui pour financer une partie de leurs projets. Sauf que la méthode choisie n'est pas simple, avec une kyrielle d'appels à projets, des contrats pour chaque niveau territorial (dont, à l'échelle locale ou intercommunale, des "contrats de relance et de transition écologique"), un certain flou parfois entre ce qui relève du plan de relance et ce qui sera plutôt à rattacher, notamment, aux futurs contrats de plan État-région. Le ministère de la Cohésion des territoires vient d'ailleurs de publier un guide pratique pour aider les maires à s'y retrouver.

"Comment continuer à investir ?"

Sauf, aussi, que les élus ont maintes fois prévenu que la santé financière des collectivités risque fort de les empêcher d'investir. "Pour participer à la relance de l'investissement public, encore faut-il avoir de l'autofinancement, sans quoi nous ne pouvons pas emprunter", résumait récemment Caroline Cayeux dans une interview à Localtis, poursuivant : "Comment continuer à investir ? Non seulement pour profiter de l'opportunité du plan de relance mais aussi, sachant que le plan de relance ne concerne pas toutes nos actions, pour que villes et agglomérations puissent emprunter et mener à bien leurs propres projets".

Certes, ils ont fini par obtenir gain de cause sur l'une de leurs revendications : en toute fin de parcours parlementaire du projet de loi de finances pour 2021, l'Assemblée a voté, avec l'accord du gouvernement, la reconduction l'année prochaine du dispositif de garantie des recettes des communes et de leurs groupements. Ce ne sera sans doute pas suffisant. Mais d'autres mesures ne sont pas exclues. En sachant qu'un groupe de travail chargé d'étudier les conséquences de la crise sur la situation des finances locales a été installé début décembre. Et que le ministre délégué en charge des Comptes publics s'est récemment dit ouvert à la création, dans une prochaine loi de finances rectificative, de nouveaux dispositifs de soutien pour le secteur public local.

Nombre de rapports ou études en font en tout cas le diagnostic : Cour des comptes le 15 décembre, Banque des Territoires pour l'AMF, Banque postale pour l'Association des petites villes et pour l'Assemblée des départements de France, et d'autres encore… Les incidences de la crise sur les finances des collectivités vont être réelles. Y compris, pour une partie d'entre elles, en 2022. Avec une problématique particulière pour les départements, qui redoutent une forte hausse, déjà amorcée (tel que l'a par exemple pointé le 17 décembre l'Observatoire national de l'action sociale), du nombre de bénéficiaires du RSA.

Car si tout le monde espère naturellement que l'on échappera à une troisième vague du covid, personne ne doute que malgré les multiples filets de sécurité mis en place puis prolongés et élargis – chômage partiel, fonds de soutien, exonérations… –, sous les décombres de la crise sanitaire, les dégâts économiques et sociaux en cascade ont à peine commencé à se faire jour.

 

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