Des plans de restauration de la sécurité du quotidien réellement départementaux
À la demande du ministre de l’Intérieur, les préfets ont présenté, le 21 février dernier, leurs "plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien". Ces plans visent à prioriser et mettre en musique, "au plus près des réalités locales", leurs actions contre le "bas du spectre de la délinquance" dans leur territoire. Si plusieurs lignes de force se dégagent – lutte contre les stupéfiants, renforcement du continuum de sécurité… –, le principe de "subsidiarité" semble, dans l’ensemble, bien avoir été respecté.

© @BrunoRetailleau/ Bruno Retailleau à l’hôtel de police de Lille le 27 février
"Paris ne sait pas tout !" C’est fort de cette conviction que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (à l’époque avec Nicolas Daragon), avait demandé fin 2024 aux préfets de concevoir, "au plus près des réalités locales", des "plans d'actions départementaux de restauration de la sécurité du quotidien" (PADRSQ) qui correspondent "aux problématiques observées dans [leurs] territoires" (voir notre article du 25 novembre). Avec un même objectif, rappelé le 12 février dernier dans la circulaire "Villes de sécurité renforcée" (voir notre article du 18 février) : attaquer "le bas du spectre de la délinquance" et "protéger tous les Français, où qu’ils résident". Après "un travail exceptionnel et inédit pour dresser, à travers des diagnostics territoriaux, une cartographie précise et complète de la délinquance dans chaque département", dixit le ministre, les préfets ont présenté le 21 février dernier ces plans de bataille décentralisés.
Des lignes de force
Sans surprise vu le cahier des charges commun, des lignes de force apparaissent. Ainsi de la lutte contre les stupéfiants, "mère de toutes les batailles" tant pour le gouvernement (voir notre article du 1er mars 2023) que pour le Parlement (voir notre article du 24 juillet dernier). C’est l’un des axes de travail prioritaires des préfets de l’Eure, de la Drôme, de l’Hérault, des Hautes-Alpes, du Nord, du Gers, de Guadeloupe, de la Corse du Sud ou encore des Côtes d’Armor. Et s’il ne figure par exemple pas dans ceux du Loir-et-Cher, le préfet de ce département prévoit néanmoins qu’"une cellule dédiée sera constituée pour traiter rapidement les points de deal émergents et maintenir une pression constante sur les réseaux de trafiquants". Le plan du préfet de police en fait aussi la "première des préoccupations" pour les Hauts-de-Seine ; elle arrive également en tête pour Paris, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.
Autre priorité majoritairement affichée, l’intensification de la présence des forces de sécurité intérieure sur la voie publique. C’est le premier des trois axes du plan du préfet de Loir-et-Cher et des quatre axes du plan du préfet du Nord, et que l’on retrouve sous différentes formes dans d’autres plans – par exemple "renforcer le sentiment de sécurité" dans celui du préfet de l’Hérault. Un objectif qui constitue même l’unique priorité du plan du préfet de police de Paris, lequel s’articule autour des trois axes suivants : "sécurisation des points chauds de l’agglomération ; sécurisation des lieux de grande fréquentation et de rassemblement ; présence confortée dans les transports et dans les gares les plus sensibles".
De même que le renforcement du continuum de sécurité, que l’on retrouve dans les plans des préfets de Guadeloupe, du Nord ou de Loir-et-Cher, où il est d’ailleurs doublement affirmé puisque le préfet en fait 2 de ses 3 axes prioritaires : "coconstruire l’offre de sécurité avec les partenaires locaux" d’une part, "renforcer la coordination entre les forces de sécurité intérieure" d’autre part.
Parmi les thématiques qui reviennent régulièrement, relevons également la sécurité routière – placée en tête des priorités des préfets de l’Eure, des Hautes-Alpes, de la Drôme ou encore de la Corse-du-Sud – ainsi que les violences intrafamiliales, dans le Nord, où le sujet est particulièrement sensible (voir notre article du 31 janvier), mais aussi dans les Hautes-Alpes, dans l’Eure ou en Corse-du-Sud.
Des spécificités "territoriales"
Dans l’ensemble, l’examen de ces plans montre que les préfets se sont bien approprié l’exercice demandé, puisque l’on retrouve dans certains de ces plans des thématiques plus prégnantes localement. Le préfet de la Corse-du-Sud entend ainsi conduire un "plan d’action spécifique prioritaire de contrôle de la détention d’armes à feu" (il vise également une "meilleure coordination des efforts de lutte contre la délinquance environnementale"). Figurent par ailleurs en tête des priorités locales l’immigration illégale et clandestine dans les Hautes-Alpes, la lutte contre le communautarisme et le séparatisme dans la Drôme ou le développement de la coopération policière et judiciaire avec les États voisins en Guadeloupe.
De même, dans un axe "Réprimer la transgression des règles", le préfet de l’Hérault fait notamment de la lutte contre la cabanisation, contre les rave-party ou les installations illicites de gens du voyage des actions prioritaires. Pour lutter contre ces dernières, le préfet de Loir-et-Cher rappelle qu’il a déjà instauré une "task force" dédiée (voir notre article du 24 octobre). Dans les Côtes-d’Armor comme dans l’Eure, la lutte contre les cambriolages et les violences aux personnes figurent également parmi les priorités. À Paris (avec la fréquentation des lieux touristiques et la tranquillité publique) et dans les Hauts-de-Seine (avec les cambriolages et les ventes à la sauvette), ce sont les rixes et phénomènes de bande qui figurent parmi les objectifs prioritaires, alors qu’en Seine-Saint-Denis l’accent est mis sur la sécurisation renforcée des transports en commun.