Déconfinement dans l'UE : des dates de départ proches, des rythmes différents
Les États membres les plus touchés par l'épidémie – Italie, Espagne, France, Allemagne – commencent peu ou prou à lancer le processus de sortie du confinement. Les modalités et le rythme varient toutefois d'un pays à l'autre, certains ayant d'ores et déjà bien balisé le processus, tout en se laissant des marges de manoeuvre.
En matière de sortie du confinement, "une harmonisation au niveau européen n'est ni possible, ni souhaitable", expliquait la secrétaire d'État Amélie de Montchalin lors de son audition par l'Assemblée nationale le 27 avril dernier (voir notre article).
Si le Covid-19 a frappé tous les États membres sans exception, l'épidémie ne les a pas touchés en même temps ni avec la même intensité. Il est donc logique que les sorties de confinement soient distinctes, et ce quand bien même les États membre s'efforcent de suivre la stratégie de déconfinement promue par la Commission européenne le 15 avril dernier et adoptée par le Conseil (voir notre article).
Sortie graduelle
Les États du nord et de l'est (Danemark, Autriche, République tchèque...), relativement peu touchés, ont assoupli depuis la mi-avril les restrictions, quand elles existaient (pas de confinement en Suède). Les plus touchés – Belgique, Italie, Espagne, France, Allemagne – ne commencent, eux, qu'à entrapercevoir le bout du tunnel, en espérant qu'il n'y en ait qu'un... Certains ont d'ores et déjà commencé à lâcher çà et là un peu de lest, comme l'Allemagne. Mais globalement le lancement du processus de sortie du confinement ne commencera réellement qu'entre le 4 mai (Belgique, Italie) et le 11 mai (Espagne, comme la France).
Conformément aux lignes directrices communautaires, plusieurs pays ont d'ores et déjà décidé la mise en place d'une sortie par paliers, déjà bien identifiés. Tout en conservant une marge de manoeuvre sur la date de début de chacune des phases ou le contenu des mesures. Comme en Espagne, où le conseil des ministres a adopté le 28 avril un plan de transition vers une "nouvelle normalité", qui prévoit quatre phases – chacune d'une durée minimale de deux semaines, soit la durée moyenne d'incubation du virus – qui seront appliquées "de manière asymétrique", en fonction de la situation de chaque province ou île. Et à la condition que différents critères soient remplis – qui seront rendus publics une fois définis – relatifs aux capacités du système de santé, à la situation épidémiologique, aux mesures de protection collective mises en place dans les commerces, transports, lieux de travail et espace public ainsi que de certaines données économiques et de mobilité. Ce que résume le Premier ministre espagnol d'une phrase : "Nous n'avancerons pas à la même vitesse, mais avec les mêmes règles et de façon coordonnée."
Sur la base d’un avis du groupe d’experts en charge de l’Exit Strategy (GEES), le Conseil national de sécurité belge a également arrêté, le 24 avril, une stratégie de déconfinement en quatre phases. Le processus devait débuter, "si les conditions le permettent", à compter du 4 mai.
En Allemagne, si gouvernement fédéral et Länder ont décidé le 15 avril que les principales mesures en vigueur depuis la mi-mars seront prolongées jusqu’au 3 mai 2020 – la chancelière et les chefs de gouvernement des länder devant évaluer à nouveau la situation d'ici le 4 mai et décider d’éventuelles mesures supplémentaires –, certaines restrictions ont déjà été levées. Avec parfois trop d'empressement au goût de la chancelière Angela Merkel : "Selon moi, elles sont appliquées en partie de manière très brusque, pour ne pas dire trop brusque […]. Il serait infiniment dommage que nous soyons finalement punis pour avoir espéré trop tôt", prévenait-elle ainsi dans sa déclaration gouvernementale du 23 avril dernier.
En Italie, le président du Conseil, Giuseppe Conte, a pris un décret du 26 avril lançant à compter du 4 mai, et jusqu'au 17 mai, la phase 2 dite de la "coexistence avec le virus". Comme en Allemagne, les régions peuvent toutefois adopter un certain nombre de dispositions assouplissant ou au contraire renforçant les mesures adoptées au plan national.
Entre Charybde et Scylla
Dans tous les pays, on retrouve la même ligne de partage. D'un côté, les tenants d'un desserrement rapide des contraintes, comme le président du Bundestag, Wolfgang Schäuble, pour qui "nous ne devons pas laisser les décisions aux virologues seuls ; nous devons également peser les énormes effets économiques, sociaux, psychologiques et autres" (Tagesspiegel, le 26 avril) ou le président de la Toscane, qui a exhorté le 18 avril dernier le gouvernement central à laisser redémarrer certains secteurs exportateurs (mode, orfèvrerie…) pour éviter de perdre des parts de marchés : "Dans les pays qui sont les principaux concurrents, le travail se poursuit", avertit-il.
De l'autre, ceux qui redoutent comme Angela Merkel que l'on "remette en jeu les résultats obtenus". "La vérité, même si elle ne fera plaisir à personne, c’est que nous ne sommes pas dans la phase finale de la pandémie, mais toujours au début", clame-t-elle. Au Royaume-Uni, on en est bien conscient, alors que le pays n'est toujours pas sorti de la première vague. Pour l'heure, le 10, Downing Street s'est borné à déterminer cinq critères nécessaires pour lancer "l'ajustement du confinement" : que le NHS [le système de santé] dispose des capacités suffisantes pour apporter les soins critiques et un traitement spécialisé dans tout le Royaume-Uni ; une chute importante et prolongée des morts journaliers du coronavirus ; des données fiables montrant que le taux d'infection est en train de décroître à des niveaux gérables dans tous les domaines ; des masques et des tests à disposition, avec des stocks suffisants pour répondre à la demande dans le temps ; la confiance dans le fait que tout ajustement des mesures n'entraînera pas un risque de second pic d'infection qui dépasserait les capacités du NHS.
Allemagne | Belgique | Espagne | Italie | |
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Début du processus | Déjà lancé | 4 mai | 11 mai (le cas échéant une semaine plus tôt dans certaines îles) - précédée d'une phase 0 ou préparatoire déjà lancée. | 4 mai |
Phases suivantes | 4 mai |
Phase 1 - à compter du 11 mai (estimé) Phase 2 à compter du 18 mai (estimé) Phase 3 au plus tôt le 8 juin (estimé) |
Phase 2 - à compter du 25 mai (estimé) Phase 3 - à compter du 8 juin (estimé) |
Non déterminées |
Déplacements |
Les citoyens restent tenus de renoncer à tous déplacements et visites à titre privé Une distance de 1,5m doit toujours être respectée |
Phase 2 Étude de la possibilité d’organiser des excursions d’une journée dans certaines régions du pays ou de se rendre dans sa résidence secondaire. Phase 3 Le cas échéant, voyages à l'étranger. |
Phase 0 ou préparatoire Les enfants de moins de 14 ans, dans la limite de 3, peuvent sortir accompagnés d'un adulte pendant une heure au plus, entre 9h00 et 21h00, dans un rayon d'1 km autour de leur domicile |
Possibilité de déplacements au sein d'une même région pour des raisons de santé, de travail, de nécessité ou de visite à des proches (muni d'une attestation)
Possibilité de déplacements entre régions pour raisons de travail, de santé, d'urgence et de retour au domicile (muni d'une attestation) Accès aux parcs publics à la condition de respecter les distances sanitaires et en ajustant les entrées des aires de jeux. Les maires pourront toutefois en interdire l'entrée dans la mesure où il n'est pas possible de faire respecter les règles de sécurité Les personnes ayant une fièvre supérieure à 37,5 degrés et des symptômes respiratoires seront contraintes de rester chez elles et d'en informer leur médecin. |
Port du masque | Fortement recommandé, en particulier dans les transports publics locaux et lors de leurs achats dans le commerce de détail. Rendu obligatoire dans 10 des 16 länder. | Fortement recommandé dans l’espace public, et obligatoire dans les transports en commun pour les usagers de 12 ans | Recommandé, notamment dans les transports publics | Obligatoire dans les transports publics. Une ordonnance a fixé le prix des masques chirurgicaux à 0,5€ maximum l'unité. |
Ecole |
Réouverture progressive à partir du 4 mai, en commençant par les classes terminales du secondaire (général et professionnel) et du primaire. Les examens et préparations aux examens de l’année scolaire en cours auront à nouveau lieu. Chaque école doit se doter d'un "plan d'hygiène". Maintien des accueils d’urgence l'élargissement à d’autres catégories professionnelles et groupes de besoins |
Réouverture progressive à partir du 18 mai. Elle ne concernera pas tous les élèves. Chaque communauté aura la charge d’élaborer, en concertation avec le secteur, "l’opérationnalisation" de cette décision. | Reprise en septembre (mais reprise plus tôt des activités de soutien ou pour les enfants dont les parents doivent travailler sur place). | Les écoles ne rouvriront qu'en septembre. Dans un entretien à La Repubblica publié le 26 avril, Giuseppe Conte indique "que tous les scenarii développés par le comité technico-scientifique préfigurent des risques de contagion très élevés en cas de réouverture des écoles", soulignant que la "santé de nos enfants est en jeu, sans pour autant négliger celle de l'âge moyen du personnel enseignant, l'un des plus élevés d'Europe". |
Travail |
Artisans et professions libérales peuvent exercer. Mais les activités de soins impliquant un contact physique (tatoueurs, salons de massages...) restent interdites. Les activités économiques "à fort trafic public" restent interdites. Les employeurs ont la responsabilité particulière de protéger leurs employés contre les infections et doivent mettre en œuvre idoines, qui feront l'objet de contrôles. |
Phase 1 – a Pour les industries et les services B2B, le télétravail reste la norme. Il sera permis de pallier l’impossibilité de respecter les distances de sécurité dans une entreprise par le biais du respect d’une série de recommandations sanitaires, dont le port du masque. |
Reprise des activités de fabrication, construction, courtage immobilier et commerces de gros ; les opérations préparatoires à ces réouvertures (assainissement, sécurisation des lieux) sont autorisées depuis le 27 avril | |
Commerces |
Les magasins de moins de 800 m2 ainsi que, indépendamment de la surface de vente, des concessionnaires automobiles et de vélos et des librairies ont déjà pu rouvrir, à condition de respecter des règles d’hygiène, de gérer les entrées et d’éviter les files d’attente. Les coiffeurs le pourront à compter du 4 mai, à la condition de se porter un équipement de protection individuelle. |
Phase 1 - a Phase 1-b Phase 2 |
Phase 0 Sur rendez-vous, pour un service individuel Phase 1 Réouverture partielle de certaines activités, avec horaires préférentiels pour les plus de 65 ans. Les centres commerciaux ne seront pas concernés car "ils impliquent des foules plus importantes". Phase 3 |
Les commerces de détail de vêtements pour enfants, les libraires et papeteries sont rouverts depuis le 14 avril. Les commerces autorisés doivent respecter un certain nombre de consignes, parmi lesquelles le nettoyage au moins deux fois par jour, une ventilation naturelle, fournir des gels et utiliser des masques dans les environnements clos où la distanciation sociale n'est pas possible, utiliser des gants jetables pour l'achat d'aliments et de boissons, un client (et deux opérateurs) maximum dans les pièces de moins de 40 m2, un accès régulé pour celles de plus de 40 m2. |
Restauration |
Phase 3 Examen des modalités de réouverture éventuelle et progressive des restaurants, puis des cafés et des bars, sous conditions strictes. |
Phase 0 Vente à emporter Phase 1 Ouverture des terrasses dans une limite de 30 % de leur capacité |
Vente à emporter et la livraison à domicile uniquement | |
Hébergement touristique | Disponibles uniquement à des fins "nécessaires et expressément non touristiques". | Phase 1 Réouverture partielle des hôtels et hébergements touristiques, à l'exclusion notamment de tout espace commun. |
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Culte / Cérémonies | Rassemblements et cérémonies demeurent interdits. |
Phase 2 Autorisation de la présence d’un plus grand nombre de personnes aux mariages et aux enterrements à l'étude |
Phase 1 Les lieux de culte peuvent rouvrir dans la limite d'un tiers de leur capacité. Phase 2 Les lieux de culte pourront ouvrir dans la limite de la moitié de leur capacité. |
Autorisation des obsèques avec un maximum de 15 personnes, parents aux premier et deuxième degrés seulement. Un protocole est à l'étude pour autoriser les célébrations liturgiques ; |
Culture / Loisirs |
Phase 2 L’ouverture des musées pourra être envisagée, sous conditions également. Phase 3 Le cas échéant, camps des mouvements de jeunesse, attractions touristiques, événements en plein air de petite envergure |
Phase 2 Autorisation de la chasse et de la pêche ainsi que des théâtres, cinémas ou auditoriums, dans la limite d'un tiers des capacités et avec siège préattribué. Monuments, salles d'exposition et de conférences pourront également rouvrir dans la limite d'un tiers de leur capacité, de même que les salles de spectacle fermées de moins de cinquantaine personnes aux tiers de leur capacité et de moins de 400 personnes à l'extérieur, à condition qu'elles soient assises. |
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Sports /activités physiques |
Phase 1 - a Possibilité de pratiquer d’autres activités sportives à l’air libre et sans contact. Si ces activités nécessitent une infrastructure, l’accès aux vestiaires et aux douches communes ainsi qu’aux cafétérias reste interdit. Phase 2 Pour les sports d’équipe, l’entrainement physique en plein air sera permis au sein d’un club reconnu uniquement, et moyennant le respect de certaines consignes. Étude de la possibilité de permettre à plus de deux personnes de pratiquer une activité en extérieur |
Phase 0 Entraînements individuels des sportifs professionnels
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Autorisation des séances d'entraînements, individuels et à huis-clos, des athlètes. | |
Grands rassemblements | Interdits jusqu'au 31 août | Interdits jusqu'au 31 août | ||