Crise automobile : la pression monte sur la Commission européenne

Alors que la Commission doit présenter ce jeudi son "dialogue stratégique" pour un secteur automobile qui s'enfonce dans la crise, les critiques sont de plus en plus vives contre la politique européenne, notamment sur l'énergie.

La "Boussole de la compétitivité" - qui est la nouvelle ligne qu'Ursula von der Leyen veut donner à son second mandat - subit de fortes perturbations magnétiques dans le secteur automobile. Alors que celui-ci s'enfonce dans la crise, la Commission va lancer ce jeudi 30 janvier son "dialogue stratégique sur l’avenir de l’industrie automobile en Europe", annoncé par sa présidente le 27 novembre dernier, sur le modèle de celui mis en place l'an dernier pour l'agriculture. À quelques jours de l'échéance, Paris hausse le ton : trois ministres – Marc Ferracci (Industrie et Énergie), Agnès Pannier-Runacher (Transition écologique) et Benjamin Haddad (Europe) - se sont fendus d'une tribune publiée dans les Échos ce lundi pour appeler Bruxelles "à prendre ses responsabilités". Car les ventes de véhicules sont à la peine : pour la première fois depuis des années, elles ont reculé l'an dernier en Europe pour occuper 13,6% du marché contre 14,6% un an plus tôt. Dans la course au véhicule électrique, "l'Europe a pris du retard, faute de pouvoir soutenir autant que les États-Unis ou la Chine l'achat de véhicules électriques européens par les ménages", déplorent les trois membres du gouvernement. Or le recul de la demande engendre "une double peine" puisque les constructeurs ne répondant pas à la trajectoire qui leur est imposée se voient appliquer de lourdes amendes avec la norme dite "CAFE". Amendes qui, en plus, risquent d'enrichir leurs concurrents. Car pour échapper aux pénalités, les constructeurs "peuvent acheter des 'crédits d'émission' à des constructeurs extra-européens 100% électriques", expliquent les ministres. C'est ainsi que Toyota, Ford et Stellantis ont annoncé "l'achat d'un milliard d'euros de crédits à Tesla, équivalent d'une subvention estimée à 4.000 euros par véhicule pour un concurrent". "C'est plus que le bonus automobile de l'an dernier !" Ils demandent à la Commission de revoir sa copie, par exemple en lissant les objectifs sur plusieurs années. 

Coût de l'énergie

Pris en étau entre la concurrence croissante de la Chine et les menaces de droits de douanes venus des États-Unis, les constructeurs européens ont de quoi faire grise mine. C'est l'essence même du Pacte vert (qui a prévu l'interdiction de la vente des véhicules thermiques en 2035) et la politique énergétique de l'Union européenne qui se voient de plus en plus remis en cause. Ainsi du président en exercice du conseil de l'Union européenne, le Polonais Donald Tusk : "Réfléchissons un peu et passons en revue tous les actes juridiques, y compris ceux du Pacte vert. Nous devons identifier les problèmes, mais nous devons aussi avoir le courage de modifier les règles qui pourraient entraîner des prix de l’énergie excessivement élevés, voire prohibitifs", a-t-il tancé, devant le Parlement européen, le 22 janvier. Et là, c'est toute la chaîne de production qui se trouve impactée. Auditionné le même jour par la commission des affaires économiques du Sénat (une semaine après les propos tonitruants d'Olivier Lluansi), le patron de Michelin, Florent Menegaux, a détaillé pendant plus de deux heures les difficultés auxquelles le leader mondial du pneumatique était confronté. Difficultés qui ont conduit récemment à l'annonce de la fermeture de deux usines à Vannes et Cholet. Pour le dirigeant, la principale d'entre elles est le coût de l'énergie, sachant que l'industrie du penumatique est très consommatrice. "Vous avez, d'un côté, l'énergie qui s'est envolée et, de l'autre,vous avez l'inflation cumulée (…). Ce qui fait que nous ne sommes plus en capacité d'exporter à partir de l'Europe. Or, tout notre modèle de croissance au cours des 50 dernières années, ça a été d'utiliser l'Europe comme moyen d'investir le monde."

"Cauchemar administratif"

Alors que la Commission travaille à un un plan d'action pour une énergie abordable annoncé pour la fin février (parallèlement au Pacte pour une industrie propre attendu dans quelques jours), Florent Menegaux est revenu dans le détail sur les écarts de coûts avec les Etats-Unis : "Le coût de l'électricité en Europe, en moyenne, est à 132 euros mégawattheure, lorsqu'en Amérique du Nord, c'est 68 euros du mégawattheure." "La France a la chance d'avoir une électricité décarbonée, mais son coût est encore à 108 euros du mégawattheure," bien plus que l'Espagne qui est à 97 euros. Même constat pour le gaz naturel : il est à 53 euros du mégawattheure en moyenne en Europe, à 51 euros en France, à 39 en Espagne mais à 16 euros en Amérique du Nord ! Depuis vingt ans, le groupe travaille à passer du gaz vers des presses électriques pour fabriquer ses pneus. Mais la bascule mettra 15 ans à se faire.

Florent Menegaux a également pointé les coûts salariaux trop élevés en France, le poids des prélèvements obligatoires, les coûts de production et le "cauchemar administratif" imposé par les directives européennes, notamment sur les déchets. "C'est 27 déclinaisons sur une même réglementation, avec des spécificités ici ou là, et avec des surenchères locales."

Le PDG a ainsi pu comparer les coûts de production entre les différentes usines du groupe à travers le monde, avec un écart qui s'accroît au profit de l'Asie : en 2024, une même production revenait à 100 euros en Asie contre 176 euros aux Etats-Unis et 191 en Europe. Il a encore dénoncé les pratiques déloyales de l'Inde qui a décidé d'interdire les importations de pneumatiques agricoles "en infraction avec toutes les règles de l'OMC" alors qu'elle en exporte massivement en France. Ce qui met à mal l'usine Michelin de Troyes.

 

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