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Covid-19 : une mission parlementaire préconise de mieux recycler les masques usagés

Une mission "flash" de l'Assemblée nationale a remis ce 28 janvier ses préconisations face à la prolifération des masques jetables usagés. Ses deux rapporteurs, les députés Danielle Brulebois et Gérard Leseul, appellent à encourager le tri, créer des filières de recyclage et relocaliser la production en Europe et en France. 

Avec la pandémie de Covid-19, les masques sont devenus un accessoire indispensable de notre quotidien et prolifèrent partout mais comment faire pour les traiter correctement une fois jetés ? A la mi-décembre dernier, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a confié à Danielle Brulebois, députée du Jura (LREM), et à Gérard Leseul, député de Seine-Maritime (Socialistes et apparentés), une "mission flash" sur le sujet. Au cours d’une dizaine d’auditions et de tables rondes conduites tout au long du mois de janvier, les rapporteurs ont entendu des représentants des industriels du recyclage, des élus locaux, des entreprises engagées dans la collecte et le recyclage des masques, des associations et des organismes de recherche. Ils ont également auditionné l'Ademe, l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). Les deux députés ont présenté ce 28 janvier les conclusions de leurs travaux, plaidant pour un meilleur recyclage des masques usagés.

40.000 tonnes de déchets non recyclés en 2020

Les chiffres ont en effet de quoi donner le tournis. Entre 6,8 et 13,7 milliards masques à usage unique auraient été utilisés en France ces derniers mois selon l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (ADIT). Une explosion de la consommation responsable de la production d’environ 40.000 tonnes de déchets non recyclés en 2020, ont-ils rappelé. En l'absence de filière de recyclage de cette protection composée de matière plastique non-biodégradable, la généralisation du port du masque a donc des conséquences environnementales, soulignent-ils.  Le problème se pose pour les masques chirurgicaux, devenus un objet grand public, mais aussi certains masques en tissu qui contiennent des polymères, a expliqué Danielle Brulebois. Ils sont source de pollution car, produits à base de pétrole et souvent importés de Chine, ils émettent des nano-plastiques quand ils se dégradent dans la nature, et même quand ils sont jetés correctement à la poubelle, l'incinération ou l'enfouissement ne sont pas des solutions satisfaisantes, estiment les députés. "Ce qu'il faut, c'est encourager à recycler", a insisté Danielle Brulebois, qui constate que "le recyclage des masques n'a pas constitué une priorité, ni pour les pouvoirs publics, ni pour les collectivités".
Pour Gérard Leseul, une première mesure est de "promouvoir l'utilisation des masques réutilisables pour le grand public" afin de limiter les déchets. Il faut pour cela que les recommandations officielles en faveur du masque réutilisable soient davantage relayées auprès du grand public et des entreprises, à travers un message clair et accessible, porté à la fois par le gouvernement, les autorités sanitaires et les collectivités territoriales, estime la mission. "Dans une logique d’exemplarité, les masques fournis par les administrations publiques pourraient être réutilisables", souligne-t-elle aussi.

Recyclage : les facteurs de réussite

Les députés se sont penchés sur des initiatives menées en France, comme à Tours où des bornes de collecte pour les masques chirurgicaux et en tissu ont été mises en place, avec à la clé deux tonnes de masques collectés et des créations d'emplois.
La réussite d'un recyclage adapté repose sur plusieurs facteurs, estiment-ils. Il faut d'abord des modalités de collecte distinctes selon le lieu d’utilisation du masque. Pour les particuliers, à domicile, ils jugent nécessaires de maintenir les règles actuelles (jeter les masques avec les ordures ménagères, dans la poubelle grise), car "trop de masques finissent encore dans la poubelle jaune dédiée au recyclage, entraînant des refus de tri". Dans les lieux collectifs, des points de collecte dédiés pourraient être développés (grandes entreprises, supermarchés, établissements d’enseignement, lieux d’accueil du public...). "L’objectif est de massifier les flux de masques à recycler au sein des territoires, grâce à des partenariats entre collectivités, acteurs du recyclage et entreprises". Dans les unités de traitement du covid-19 à l’hôpital, les masques ont le statut de déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) et sont soumis à une réglementation spécifique. Les députés jugent "intéressant" le développement de "banaliseurs", qui permettent de désinfecter ces déchets pour qu’ils soient traités comme des déchets inertes ordinaires, car cela ouvre la voie à un possible recyclage des déchets infectieux (masques, surblouses, charlottes jetables). 
Ils plaident aussi pour un recyclage en "circuit court", à l'échelle d'un territoire et dans cette optique, le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) pourrait comporter un diagnostic des besoins et des structures pouvant participer au recyclage des masques. Les députés insistent également sur le "rôle central" de l’économie sociale et solidaire, en particulier les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) et les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) pour le recyclage des masques.

Plus de soutien et d'accompagnement publics

La mission propose également de renforcer le soutien et l’accompagnement publics en faveur du recyclage. Des aides ont déjà été mises en place via le plan de relance, qui comporte une mesure de soutien au financement d’équipements de banalisation des DASRI, pour un montant de 10 millions d’euros sur la période 2021-2022, ou encore l'Ademe qui finance la société Cycladd qui propose de mettre en place une filière de recyclage des masques usagés, dans le cadre de l’aide aux régénérateurs. Certains départements et métropoles (Ille-et-Vilaine, Vienne, Tours Val de Loire, notamment) ont aussi développé des projets de partenariats avec des entreprises sociales et solidaires afin de favoriser le recyclage des masques. D’autres agglomérations comme Lons-le-Saunier sont volontaires. Pour les rapporteurs, il faudrait inciter les régions et les collectivités à lancer des appels à projets ou à manifestation d’intérêt avec un soutien financier de l’État. Ils citent ainsi l'exemple de la région Île-de-France qui a organisé, du 14 décembre 2020 au 15 février 2021, un appel à manifestation d’intérêt intitulé "Recyclage des masques à usage unique", doté de deux millions d’euros.

Leviers à activer

Les rapporteurs ont aussi identifié différents leviers qui permettraient selon eux d'accroître le soutien public au recyclage des masques. Le fonds "économie circulaire" de l’Ademe, abondé dans le cadre du plan de relance et qui finance déjà les "banaliseurs" de DASRI, pourrait ainsi financer des appels à projets en faveur du recyclage des masques. Les contrats à impact, lancés en septembre dernier, constituent également selon eux "un moyen pertinent" pour encourager ce recyclage puisqu’ils constituent "des partenariats entre le public et le privé destinés à favoriser l’émergence de projets sociaux et environnementaux innovants". Des contrats à impact territoriaux pourraient donc être lancés sous la forme d’appels à projets des collectivités.
Les députés citent aussi la Banque des Territoires qui pourrait intervenir en cofinanceur, "notamment pour aider au financement des installations de recyclage, en particulier via le plan Climat commun pour 2020-2024, doté de 40 milliards d’euros et destiné à accélérer la transition écologique et énergétique des entreprises et des territoires." Le plan de relance, lui, pourrait aider aux investissements des chaînes d’industrialisation et inciter à l’utilisation du polypropylène recyclé. Enfin, un label pourrait valoriser les entreprises qui s’engagent dans le recyclage des masques. "Plutôt que de créer un nouveau label, le label 'anti-gaspillage alimentaire' créé par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire pourrait être étendu au-delà du seul secteur de l’alimentation", avancent les députés. 
Ils jugent en outre "pertinent" d’inclure le recyclage des masques jetables à une filière de recyclage existante ou à l’état de projet. "La filière REP 6 des textiles sanitaires est une opportunité dont il faut se saisir", estiment-ils. La loi antigaspillage et pour l'économie circulaire (Agec) prévoit la mise en place de cette filière, qui concerne notamment les lingettes jetables, d’ici 2024. Pour les rapporteurs "une réflexion sur les modalités de mise en place de cette filière doit être immédiatement lancée pour accélérer la mise en oeuvre opérationnelle de la filière".
Enfin, les députés de la mission "flash" appellent à "relocaliser en urgence" la production de masques "qui sont aujourd’hui essentiels dans la lutte contre l’épidémie" et à "étudier la possibilité de réutiliser les masques dits 'à usage unique'". 
 

 

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