Cour des comptes – Mobilité des jeunes en transports collectifs : avant tout, développer l'offre

De plus en plus enclins à utiliser les transports collectifs, les jeunes se heurtent avant tout à l'insuffisance de solutions de mobilité adaptées à leurs besoins, surtout dans les territoires périphériques et ruraux, pointe la Cour des comptes dans son rapport annuel 2025 publié ce 19 mars. Elle recommande notamment aux autorités organisatrices de la mobilité de développer l'offre et de mieux cibler les avantages tarifaires qu'elles accordent en fonction des ressources financières des bénéficiaires.

"Le vrai problème pour les jeunes est l'offre, la disponibilité des transports, et si on veut pouvoir investir plus, il faut retrouver des ressources et avoir un ciblage social, faire en sorte que les réductions tarifaires soient réservées à ceux qui en ont besoin, c'est-à-dire les plus fragiles, les plus vulnérables, les plus pauvres." Au surlendemain de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes consacré aux politiques publiques en faveur des jeunes, son premier président, Pierre Moscovici, a tout particulièrement relevé  au micro de France Inter ce 21 mars l’exemple de la mobilité des jeunes en transports collectifs. Un chapitre entier du rapport y est consacré.

Un obstacle de plus dans la course à l'emploi 

"C’est un enjeu majeur pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, qui sont en moyenne moins motorisés et moins aisés", avait-il déjà souligné dans son discours de présentation du rapport le 19 mars, relevant un chiffre "alarmant" : "38% des jeunes ruraux ont renoncé à un entretien d’embauche en raison de difficultés de déplacement." Il avait aussi noté que "les collectivités territoriales, qui ont la compétence sur les transports collectifs, ont surtout comme stratégie d’octroyer aux jeunes des réductions tarifaires, sans cibler les plus défavorisés et au prix de pertes de recettes". " Or, ce n’est pas le prix, mais plutôt le manque d’offre de transport, notamment dans les zones périurbaines et rurales, qui entrave la mobilité des jeunes", avait-il affirmé. Un sujet déjà abordé dans des études récentes comme celle de l’Institut Terram et de Chemins d’avenir l’an dernier (lire notre article).

Des utilisateurs captifs des transports collectifs

La Cour des comptes constate d’abord que les jeunes de 15 à 25 ans sont des "utilisateurs significatifs et relativement captifs des transports collectifs". Même si l’usage de la voiture reste dominant, il a reculé entre 2008 et 2019 au profit des transports collectifs, dont la part est passée au cours de la même période de 14% à 20% pour les 18-24 ans et de 26 à 30% pour les 15-17 ans, relève-t-elle, reconnaissant le "succès relatif des politiques de mobilité en faveur des jeunes". Cependant l’usage de la voiture reste prédominant après 25 ans. "La fidélisation des jeunes dans les transports collectifs au moment du passage à la vie active revêt donc un caractère stratégique, au regard notamment de l’enjeu de la transition écologique", affirme-t-elle, à l’unisson des professionnels des transports publics (lire notre article).

Le rôle central des AOM

"Face à ce besoin de mobilité, l’organisation des transports collectifs relève de la compétence des collectivités locales, l’État ne jouant qu’un rôle d’ensemblier, rappelle la cour. Depuis la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), la gouvernance des transports collectifs est structurée autour du couple régions-intercommunalités : les premières gèrent les transports collectifs régionaux (TER et cars), les secondes ceux des bassins de vie du quotidien (métro, tramways, bus). Toutes deux ont aussi vu leurs compétences élargies aux mobilités actives (vélo, marche, etc.)." Au total, plus de 700 autorités organisatrices de la mobilité (AOM) couvrent l’ensemble du territoire et les transports constituent les premiers budgets régionaux et locaux (37 milliards d’euros en 2023), auxquels s’ajoutent 3 milliards d’euros de l’État, rappelle la cour.

Une politique de mobilité centrée sur les tarifs réduits

Elle note que les tarifs réduits constituent "l’axe principal de la politique de mobilité en faveur des jeunes". "Les AOM ont fait jusqu’ici le choix de soutenir la mobilité des jeunes principalement à l’aide de réductions tarifaires (de l’ordre de 30 à 70 %), pouvant aller jusqu’à la gratuité." Or, si cette politique a eu un "impact positif" sur la mobilité des jeunes, elle se heurte désormais selon elle à "plusieurs limites" : "Elle ne cible pas assez les jeunes les plus défavorisés ; elle réduit d’autant les recettes des services de transport ; elle peine à fidéliser ces usagers après leur entrée dans la vie active."

Pour les dépasser, certaines autorités organisatrices ont recours à une tarification solidaire, qui permet de tenir compte de la capacité contributive des jeunes et limite le coût des politiques de réduction des tarifs. "Au-delà de l’effort tarifaire, la mise en place d’une coordination tarifaire à l’échelle régionale et le renforcement des actions d’information à destination des jeunes sont des facteurs d’encouragement à l’usage des transports collectifs", estime la cour.

Améliorer les offres pour les trajets domicile-travail

Mais elle insiste surtout sur la nécessité d’adapter davantage les offres de mobilité aux besoins des jeunes et tout particulièrement dans les zones périurbaines et rurales. Si la couverture des trajets domicile-études est relativement bien satisfaite, constate-t-elle, "celle des trajets domicile-travail des jeunes actifs reste faible". "Cette carence affecte l’ensemble de la population, mais elle touche plus particulièrement les jeunes compte tenu du faible niveau de leurs ressources", souligne-t-elle.

Pour y répondre, les AOM s’efforcent d’améliorer leur offre de transports collectifs dans les zones peu denses, en activant plusieurs leviers, reconnaît-elle : extensions de lignes, multiplication des bus à haut niveau de service, déploiement de cars express, généralisation des transports à la demande, etc. Mais "cet effort gagnerait à être assis sur des études plus précises des besoins de mobilité des jeunes", l’obstacle principal résidant toutefois "dans les contraintes financières accrues pesant sur le budget des transports, qui impliquent des choix délicats", admet-elle.

Plus de coordination entre autorités organisatrices

Autre obstacle, selon la cour : la coordination parfois insuffisante des AOM en matière d’offre et d’informations. La LOM a organisé la coordination entre AOM à l’échelle des 300 bassins de mobilité régionaux, mais les outils correspondants qu’elle a créés sont encore peu utilisés (20 contrats opérationnels de mobilité seulement ont été signés), pointe la cour. "Leur déploiement gagnerait à être accéléré pour organiser les déplacements entre bassins de vie et bassins d’emploi et mettre en place des dessertes fines vers les lignes de transports collectifs structurantes, bénéficiant aux jeunes actifs", estime-t-elle.

La cour adresse donc trois recommandations en direction des AOM essentiellement : améliorer la connaissance des besoins de mobilité des jeunes et de leur utilisation des transports, en particulier pour le travail ; veiller à ce que les avantages tarifaires (abonnements ou tickets) applicables aux jeunes tiennent compte de leurs ressources financières ; renforcer l’offre de transport collectif pour les jeunes dans les zones périurbaines et rurales plutôt que les avantages tarifaires, en développant la coordination entre AOM.

 

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