Investissements - Contrats de plan : une fin de négociation sous pression
Le Premier ministre a entamé début décembre à Nantes un tour de France des régions sur le thème des contrats de projets Etat-région (CPER). Il se rendra ce lundi à Dijon avant de rejoindre Brest, jeudi, où il assistera avec les élus à une réunion sur le suivi du Pacte d'avenir pour la Bretagne lancé l'an dernier dans le contexte houleux du mouvement des Bonnets rouges…
Mais au sein des régions, on se méfie d'une "opération de communication". Les élections cantonales de mars 2015 sont en ligne de mire.
Lors du déplacement de Manuel Valls à Nantes, Matignon annonçait ainsi la signature du "premier contrat de projets Etat-région". Sur l'ensemble de la programmation, l'Etat versera 12,5 milliards d'euros. "Je veux insister sur ce chiffre qui témoigne de l'effort réalisé. Il est supérieur au montant engagé lors de la précédente génération des CPER", se félicitait le Premier ministre, à cette occasion. Deux déclarations qui ont eu l'heur d'irriter les exécutifs régionaux pour qui ces négociations sont particulièrement tendues. Premièrement parce que, si l'Etat a bien prévu de rallonger légèrement son enveloppe par rapport aux premières maquettes financières envoyées aux régions en septembre, on n'est pas au niveau des 12,7 milliards de la programmation 2007-2013. Encore moins si on prend en compte les routes qui sont réapparues dans les contrats après la parenthèse 2007-2013. Là encore, le Premier ministre déclarait le 28 novembre dernier que les deux tiers des 6,7 milliards d'euros du volet mobilité multimodale seraient consacrés au ferroviaire et au fluvial. Mais les régions estiment que les routes se chiffrent à elles-seules à près de 3 milliards d'euros, ce qui n'est pas compatible avec les chiffres avancés par le Premier ministre.
Signature "avant fin avril 2015"
Par ailleurs, concernant le contrat signé à Nantes, il s'agit en réalité d'un "protocole d'accord" et non du contrat définitif. La signature de protocoles est une nouveauté de cette programmation.
Chargé de coordonner la mise en œuvre des contrats, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) précise dans une circulaire du 3 décembre que les protocoles doivent "a minima présenter les grandes orientations du contrat de plan, les principales orientations retenues dans chacun des volets thématiques et territorial, et préciser les engagements financiers réciproques des signataires".
Le commissariat indique que ces protocoles doivent être signés entre décembre et janvier, avant le lancement d'une consultation publique et d'une évaluation stratégique environnementale. Les véritables contrats devront être "finalisés au plus tard début février" pour une signature "avant fin avril 2015".
Seulement pour les régions, le calendrier est très difficile à tenir, compte tenu des ajustements en cours de négociation et du délai de la consultation publique sans laquelle les conseils régionaux ne pourront pas délibérer. "Cela n'est pas jouable, d'abord parce que la concertation a été lancée tardivement mais aussi parce que la situation politique n'est pas facile dans certaines régions", fait-on savoir à l'Association des régions de France (ARF).
Outre la configuration politique qui fait que beaucoup de régions socialistes doivent composer avec leur majorité plurielle (écologistes et Front de gauche), la tendance est plutôt au mécontentement au vu de certaines thématiques comme l'innovation, la recherche, l'enseignement supérieur ou le ferroviaire. Certes, entre septembre et novembre, les préfets ont pu élargir leur enveloppe comme dans les cas des Pays de la Loire qui, partis de 352 millions d'euros, se retrouvent aujourd'hui avec 413 millions d'euros de l'Etat, auxquels s'ajoutent 10 millions d'euros du programme d'investissements d'avenir (PIA), sachant que le gouvernement, en lien avec le Commissariat général à l'investissement, a souhaité expérimenter la territorialisation d'une partie de ce programme sous forme d'appel à projets régionaux. Les Pays de la Loire ont ainsi engrangé un gain de 71 millions au terme de cette négociation. La part régionale s'élèvera, elle, à 393 millions d'euros, plus les 10 millions de cofinancement au titre du PIA. Mais, alors que la Cour des comptes recommandait récemment d'inscrire ces contrats dans de véritables stratégies définies avec les régions, celles-ci considèrent que cela n'a pas été possible. "Les mandats étaient trop cadrés, on a le sentiment que le gouvernement a donné des mandats aux préfets pour boucler des tours de tables financiers sur les projets", considère l'ARF. Surtout, ces mandats étaient assez loin de la concertation régionale qui s'était déroulée fin 2013-début 2014.
Volet territorial
Ces couacs ont affecté par ricochet la négociation infra-régionale. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles a prévu la consultation préalable des départements et l'association de "plein droit" des métropoles. Excepté l'eurométropole de Strasbourg, ces échelons ne sont cependant pas signataires des contrats. Toutefois, elles pourront passer des conventions spécifiques sur les volets qui les concernent, précise le CGET. "Ces échelons vont être associés, mais les présidents de région entendent prendre le temps, elles n'ont pas l'intention de signer sans avoir discuté avec les départements, les agglomérations…", assure-t-on à l'ARF.
Mais les niveaux inférieurs ont parfois le sentiment d'être mis à l'écart. Reçue à l'Elysée, mercredi 10 décembre, l'association Villes de France (ex-villes moyennes) a ainsi demandé au président de "ne pas oublier les projets des villes et des agglomérations" dans ces contrats et de mettre rapidement en place des mesures de soutien à l'investissement.
A l'inverse du mandat général, le volet territorial, doté de 976 millions d'euros, apparaît aujourd'hui trop peu cadré aux yeux des régions : "On est passé d'un cadrage très important il y a un an à 'faites ce que vous voulez.'" Ainsi, la circulaire du CGET n'est pas très explicite sur ce point. Elle précise que ce volet pourra faire l'objet de conventions ultérieures au CPER, "au plus tard au 30 juin 2015". "Pour les régions concernées par une ou plusieurs métropoles, le volet territorial du CPER devra comprendre un volet métropolitain", précise le CGET.
Les contrats seront révisés à l'automne 2016 "afin de prendre en compte les nouveaux périmètres régionaux et d'intégrer les transferts de compétences qui pourraient intervenir au 1er janvier 2017. "En cas de fusion de régions, les contrats signés en 2015 seront consolidés en un contrat unique", précise encore le CGET qui invite les régions concernées à entamer dès à présent des discussions en ce sens. Là encore, le sentiment d'impréparation domine. Si l'année 2014 a permis de prolonger d'un an l'ancienne programmation, le premier semestre 2015 risque d'être difficile pour le secteur du BTP déjà en souffrance.