Congrès des maires – Fonction publique territoriale : attirer davantage… et "donner du sens"

Le forum consacré le 21 novembre, dans le cadre du Congrès des maires, aux ressources humaines, a permis aux élus employeurs d'évoquer en présence du ministre Stanislas Guerini les questions d'attractivité de la fonction publique, de rémunérations, de perspectives de carrières, d'adaptation des concours et de statut à "assouplir"... mais aussi leur souci de permettre à leurs agents parfois démotivés de "redonner du sens" à leur travail.

"Les défis du maire employeur". C'est sous cet intitulé que s'est déroulé mardi 21 novembre, dès la première matinée du Congrès des maires, un forum consacré aux ressources humaines auquel s'est joint le ministre Stanislas Guerini. Deux fils rouges se sont dessinés au fil des séquences et interventions : l'enjeu de l'attractivité de la fonction publique territoriale (FPT), de plus en plus prégnant, et la question du "sens" que les agents vont trouver dans l'exercice de leur métier. Les deux allant d'ailleurs en partie de pair.

La dimension rémunérations a naturellement aussi été évoquée. Notamment, donc, en tant qu'élément d'attractivité. Mais aussi du point de vue des employeurs… et donc d'un point de vue budgétaire. On le sait, le récent relèvement du point d'indice a posé problème, comme en a par exemple témoigné Thomas Fromention, le président de la communauté d'agglo de Foix-Varilhes : "C'est intervenu alors que notre budget était déjà voté. Alors nous avons dû prendre sur notre budget d'investissement. Il aurait fallu pouvoir anticiper, par une phase de concertation avec les collectivités". Muriel Fabre, la secrétaire générale de l'AMF et co-présidente de la commission FPT, le dit elle aussi : sur les rémunérations, les annonces gouvernementales, qu'il s'agisse de point d'indice ou de prime, "ne doivent pas se faire au détriment de nos autres sujets".

"Qu'il faille faire mieux sur la méthode, oui, je prends le point", a répondu là-dessus Stanislas Guerini, pour qui "il manque un cadre de discussion pour construire ensemble une politique salariale annuelle, d'abord par un constat partagé, puis en discutant des bons leviers". Il faut, a-t-il reconnu, "arrêter de penser 'Etat' et se contenter de décliner", mais bien plutôt "inclure les trois versants dès le départ", en envisageant "l'année N et l'année N+1".

"Le statut, c'est pas le statu quo"

Autre levier crucial à la fois d'attractivité et de satisfaction professionnelle des agents : "que les agents puissent progresser dans leur carrière". C'est Muriel Fabre qui le dit, rappelant que l'AMF et France urbaine ont élaboré une contribution commune sur cette dimension et disant "fonder beaucoup d'espoir dans la future réforme APR – Accès, parcours, rémunérations".

Autre cheval de bataille de la secrétaire générale : la nécessité aujourd'hui d'"adapter le cadre statutaire, qui est aujourd'hui trop large". Si "le statut est là pour protéger le service public", il ne doit pas contribuer à l'affaiblir en devenant un repoussoir… Et Muriel Fabre d'évoquer le cas paradoxal de titulaires renonçant à leur statut pour devenir contractuels car jugé plus intéressant. "Les contractuels, eux, peuvent négocier." Cette concurrence avec les contractuels a été plusieurs fois mentionnée. Elle questionne aussi le recrutement par concours : "Il faut un accès simplifié à la fonction publique territoriale, et donc un concours plus adapté".

Là encore, Stanislas Guerini acquiesce : "Oui il faut vous redonner des marges de manœuvre. Le futur projet de loi viendra lever davantage de verrous. Il faut par exemple simplifier drastiquement la question des quotas de promotions, même si on est déjà passés de trois pour un à deux pour un". "Le statut doit être réaffirmé, mais le statut, c'est pas le statu quo. Il faut bouger les lignes, moderniser, et offrir en effet un accès plus simple à la fonction publique", poursuite le ministre. Et celui-ci de citer par exemple la titularisation des apprentis et les difficultés liées aux "modalités d'accès différentes sur un même métier selon le versant". "C'est l'esprit de la loi que je suis en train de préparer", a-t-il assuré, jugeant essentiel de "faire confiance aux employeurs".

Concurrence avec les avantages des contractuels, concurrence avec le privé bien-sûr, mais aussi concurrence entre collectivités… Prenant la parole depuis la salle, un élu a par exemple expliqué que des discussions avaient eu lieu au niveau de sa communauté de communes pour "essayer" d'harmoniser les pratiques entre communes concernant la prime de pouvoir d'achat, sachant qu'il "y a déjà une concurrence au niveau départemental" : "la ville et la métropole du Mans ont tendance à capter les agents, car difficile pour les petites communes de pouvoir s'aligner…".

Selon Stanislas Guerini, oeuvrer à l'attractivité de la fonction publique doit en premier lieu consister à "faire connaître les métiers". Côté FPT, ce sont pas moins de 240 métiers, avait rappelé Muriel Fabre. Et le ministre d'évoquer son tout récent déplacement à Limoges, à l'occasion duquel les représentants des trois versants publics se sont engagés à faire vivre la marque commune "Choisir le service public" (voir notre article du 20 novembre). "C'est une marque chapeau. Il faut chasser en meute", dit le ministre, précisant que cela n'empêche aucunement la mise en place de marques employeurs territoriales "sur les bassins de vie".

A ce titre, Yohann Nedelec, maire adjoint de Brest, président du centre de gestion du Finistère et administrateur du CNFPT, avait auparavant donné en exemple le lancement de la marque employeur "Den" par les quatre départements bretons (sur cette initiative, voir notre article de mars 2023), qui "commence à donner des résultats". Les Finistériens ont complété cela par une opération portes-ouvertes, "Les collectivités se dévoilent", afin de montrer concrètement au public en quoi consistent les métiers de la FPT. "Plus de 2.000 personnes sont venues. Il y avait la queue devant la mairie de Brest !"

Mieux associer les agents aux projets

Alors que la FPT comprend une majorité d'agents de catégorie C, avec des métiers pas toujours faciles, la rendre séduisante, intéressante, c'est évidemment aussi le souci du maire employeur vis-à-vis de ses agents déjà en poste. Les uns et les autres ont mentionné des cas d'"agents qui s'essoufflent", de réorganisations mal vécues, de fossés qui se creusent "entre hiérarchie et agents de terrain"… et tous, alors, parlent de l'importance de "la question du sens au travail, du fait de sentir que l'on contribue à l'intérêt général", tel que l'a formulé Thomas Fromentin.

Sa communauté d'agglomération a ainsi entre autres mis en place "des groupes de travail avec les agents" sur la qualité de vie au travail. "Et ça marche", assure-t-il. L'idée est ensuite venue d'associer de la même façon les agents pour "travailler le projet de territoire" avec eux, sur la base du volontariat, pendant plusieurs mois. Puis la formule a été appliquée à d'autres sujets : la communication interne, l'action sociale, la transition écologique… Parfois, l'engouement n'est pas au rendez-vous. Ce fut le cas sur la thématique "gestion de crise". A contrario, le groupe de travail sur "la relation agents-usagers" a très bien marché. Et Thomas Fromentin d'ajouter qu'à ses yeux, une question va devoir susciter une attention particulière : celle des "cycles de travail", du temps de travail, de l'équilibre temps professionnels / temps personnels.

"Les agents s'essoufflent parce qu'ils ne sont pas mis au cœur des projets. Il faut qu'ils puissent s'approprier ce qu'ils vont devoir mettre en œuvre. Pour avoir de bons élus, il faut de bons agents… et réciproquement", confirme Patricia Bremond, maire de Marvejols, qui a pu réduire sensiblement l'absentéisme par un travail là-dessus.

Même souci pour le maire de Thaon-les-Vosges, Cédric Haxaire (8.600 habitants, 100 agents) qui, après son élection, a opéré des réorganisations de services, mais a lui aussi tenu à "redonner du sens". Et s'est pour cela orienté vers le label "Hu-Man". Sa commune fut ainsi la première collectivité locale à s'engager dans cette démarche RH d'"humanisation du travail" à l'origine conçue pour le secteur privé. Audit par KPMG, adhésion à un certain nombre d'"engagements" à déterminer collectivement... Les agents y ont été associés, avec 90% de participation. Le label, à renouveler tous les deux ans, a été obtenu en 2022. Parmi les changements induits par la démarche, Cédric Haxaire cite le principe selon lequel "le maire doit connaître ses équipes"… et est donc allé sur le terrain travailler avec elles. Il mentionne aussi la prise en compte d'une demande exprimée par les agents, celle de pouvoir "recruter des personnes sans exigence de qualification ou de diplôme". "C'est ce que nous faisons aujourd'hui. Puis on les forme, on les accompagne. Depuis, nous avons 20 à 30 candidatures par poste, au lieu de deux ou trois avant, et trouvons ainsi des profils plus en adéquation avec le poste. C'est vraiment vertueux." Ou quand le "sens au travail" vient du même coup apporter une réponse à la problématique de l'attractivité.

 

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