Conférence des villes : territorialiser un maximum de politiques publiques
France urbaine donne rendez-vous ce 18 septembre à l'hôtel de ville de Paris pour sa 19e Conférence des villes, en présence de quatre membres du gouvernement. Trois thématiques seront à l'honneur : le logement, le numérique, la transition énergétique et écologique. Ainsi, bien sûr, que quelques autres sujets d'actualité... dont la suppression de la taxe d'habitation.
France urbaine ouvrira le bal ce mercredi 18 septembre à l'hôtel de ville de Paris. Le bal des congrès d'élus locaux devant rythmer les semaines à venir. Il s'agira de la 19e édition de la Conférence des villes, ce rendez-vous annuel de l'association représentant aujourd'hui les métropoles, agglomérations et grandes villes, émanation de l'ex-Association des maires de grandes villes.
Quatre membres du gouvernement sont attendus : Élisabeth Borne en ouverture, Julien Denormandie, Olivier Dussopt, Jacqueline Gourault en clôture (d'autres étaient pressentis mais seront pris par le conseil des ministres). France urbaine a choisi de séquencer l'événement, qui devrait réunir quelque 500 participants, autour de trois thématiques : le logement, le numérique, la transition énergétique et écologique. Avec pour baseline "L'engagement des villes en actes : solutions et innovations au service des citoyens", l'association entend, autour de ces trois thématiques, "illustrer ce dont on est capables quand on nous laisse faire", résume Olivier Landel, son délégué général. Là est bien le message principal qu'elle tient à adresser à l'exécutif : "Laissez-nous faire." Un message qui pourrait trouver un écho particulier à l'heure où la ministre de la Cohésion des territoires prépare son projet de loi Décentralisation et différenciation. Comme nombre d'autres associations d'élus locaux, France urbaine plaide depuis longtemps pour une plus forte différenciation entre territoires. Ainsi que pour un recours accru à l'expérimentation en tant qu'"outil facilitant la différenciation", précise Olivier Landel, qui s'exprimait ce 17 septembre lors d'un point presse.
"Avoir la main" sur les zonages d'investissement locatif
Différencier, territorialiser… le message sera aussi destiné au ministre du Logement. "En matière d'habitat, nous demandons plus de responsabilités, de compétences, avec des moyens dédiés", rappelle Emmanuel Heyraud, directeur cohésion sociale et développement urbain de France urbaine. Les élus voudraient par exemple "avoir la main" sur les zonages d'investissement locatif afin de les faire mieux coïncider avec les besoins de leurs territoires. Tout comme ils aimeraient que le quota de 25% de logements sociaux soit "plus souple dans l'application" et soit considéré au niveau de l'EPCI et non plus de la commune.
France urbaine a aussi quelques propositions concrètes à faire à Julien Denormandie, sachant que celui-ci se serait montré "ouvert" sur plusieurs d'entre elles. Il y a par exemple l'idée, afin de densifier les centres-villes, de pouvoir imposer à travers le PLUi, pour toute nouvelle construction, des immeubles "de cinq ou six étages". Et de soumettre les promoteurs à une "prime à la densification" qui serait reversée à la collectivité. Il y a aussi tout ce qui pourrait favoriser la mixité sociale et fonctionnelle (commerces / professions libérales / logement libre / logement social ou très social). Et un vœu : que les EPCI "bâtisseurs" puissent récupérer de la TVA. France urbaine y voit "une puissante incitation fiscale à construire". Mais sait que "Bercy reste à convaincre".
"Manque de lisibilité" sur la rénovation énergétique
Territorialisation, encore, dans le domaine de la transition énergétique, France urbaine demandant toujours "la territorialisation d'une partie de la contribution climat-énergie, un financement pérenne sur lequel on aurait la main". Plus globalement, l'association regrette un "manque de lisibilité" en matière de rénovation énergétique des bâtiments, des "hésitations sur la gouvernance et le financement" : "Le service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) a peine à exister, un arrêté crée maintenant le service d'accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare), on manque d'éléments de cadrage sur les pactes de rénovation énergétique récemment annoncés par Emmanuelle Wargon", illustre Philippe Angotti, délégué adjoint de l'association.
Toujours du côté du ministère désormais confié à Élisabeth Borne, France urbaine surveille de très près le devenir du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Elle voit d'un bon œil certaines dispositions du texte, comme toutes celles ayant trait à l'information du consommateur. Comme elle l'avait déjà fait savoir en juillet dernier dans un communiqué commun avec l'Assemblée des communautés de France (ADCF), elle regrette en revanche que le volet "prévention" de la production de déchets (autrement dit la "réduction à la source") soit trop peu présent. Autres lacunes, aux yeux de l'association : pas de mesures pour soutenir les initiatives locales du type "zéro déchet", rien sur la commande publique… et si l'on a surtout retenu de ce projet de loi son article 8 sur la consigne, France urbaine rappelle que cela ne concernera en réalité que 0,25% des déchets. Et craint que l'instauration de la consigne pour les bouteilles en plastique ne vienne perturber "tout le système de recyclage mis en place" par les collectivités ou leurs intercommunalités ("qu'est-ce qui restera dans le bac jaune ?").
"Salaire" ou "argent de poche" ?
À tout juste une semaine de la présentation du projet de loi de finances pour 2020, la venue d'Olivier Dussopt prendra une résonance particulière : tous les élus attendent évidemment de connaître l'ultime mouture de la réforme fiscale à venir. "Ce PLF représente un basculement dans un monde inconnu – un monde sans taxe d'habitation…", commente Franck Claeys, directeur économie et finances locales de France urbaine. En tout cas le début du basculement, puisque la suppression de la taxe d'habitation s'inscrira dans ce projet de budget, mais aussi dans le suivant (PLF 2021).
Franck Claeys rappelle en quoi cette suppression va changer beaucoup de choses. Le lien contribuable-usager-électeur ne risque-t-il pas de voler en éclat ? La question se pose certes pour tous les territoires. Mais plus encore dans les grandes villes, où en moyenne les deux tiers des habitants (et jusqu'à 80% dans certaines d'entre elles) sont locataires et n'auront donc plus aucun lien fiscal avec la collectivité.
Autre questionnement : "La taxe d'habitation, c'est une ressource qui est directement fonction des politiques menées localement. Est-ce qu'elle sera remplacée par une ressource offrant ce même lien ?" En principe, la réponse sera non puisque le gouvernement a déjà indiqué vouloir faire "descendre" le foncier bâti des départements en direction des seules communes, tandis que les EPCI se verront attribuer une quote-part de TVA. Or "la TVA n'est pas le fruit des actions de développement économique menées localement".
La TVA peut avoir du sens pour certains petits EPCI, en ce qu'elle devrait offrir une certaine prévisibilité, reconnaît Olivier Landel. Pour les métropoles en revanche, il serait peu opportun de remplacer un "salaire" (ressource fiscale) par de "l'argent de poche". Alors, s'interroge-t-il, pourquoi là encore ne pas imaginer une forme de différenciation selon le type de territoire ? Le gouvernement ne l'aurait pas totalement exclu mais, ayant estimé que cela constituerait "une couche supplémentaire de complexité", aurait renvoyé cette éventualité au PLF pour 2021.