Pouvoirs locaux - Compensation du RMI : toujours plus de questions que de réponses
Ils demandaient une compensation "intégrale et pérenne" des dépenses de RMI, ils auront un rattrapage partiel. Ils demandaient une "pause" dans les transferts de compétences, ils auront un simple "moratoire". Telle est, en quelques mots, l'équation sur laquelle a débouché le 9 février la réunion à Matignon du gouvernement et d'une délégation de l'Assemblée des départements de France (ADF). "Le compte n'y est pas", en conclut de facto le président de l'ADF, Claudy Lebreton.
Cette réunion avait été souhaitée par l'ADF afin d'engager une "évaluation" des lois de décentralisation et de faire état de "la situation financière catastrophique" de certains départements pour cause d'absorption à marche forcée de nouvelles compétences. On y a donc surtout parlé finances& et compétences dans le domaine de la solidarité. De l'allocation personnalisée d'autonomie à la protection de l'enfance en passant par la prestation de compensation du handicap, celles-ci représentent 60% des dépenses de fonctionnement des départements. En tête des préoccupations du moment : le RMI, qui a occupé la majeure partie des discussions avec Dominique de Villepin et les sept autres membres du gouvernement présents jeudi.
Pour 2005, une prise en charge à 50%
On connaît les données du problème : si le différentiel de 457 millions d'euros constaté en 2004 (entre les dépenses de RMI et la compensation par l'Etat) a été "comblé" dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005, l'écart, depuis, ne cesse de se creuser. L'ADF l'évalue à 1 milliard d'euros pour 2005 et prévoit qu'il pourrait atteindre 1,2 milliard d'euros en 2006. A quelle hauteur et sous quelle forme sera-t-il pris en charge ?
Le Premier ministre a apporté jeudi dernier sa réponse. Le "Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion" créé dans le cadre de la loi de finances pour 2006, qui devait initialement être doté de 100 millions d'euros, sera finalement abondé à hauteur de 500 millions d'euros. Autrement dit, le gap de 2005 sera pris en charge à 50% par l'Etat et à 50% par les départements. Le même principe sera appliqué pendant trois ans, soit jusqu'en 2008.
Louis de Broissia, porte-parole des président de droite, s'en félicite et parle d'un "effort absolument considérable compte tenu des faibles marges de manSuvre financières de l'Etat". Tous ne partagent pas, loin de là, cette satisfaction : interrogé par Localtis, Claudy Lebreton estime non seulement que le montant est notoirement insuffisant, mais aussi que les modalités choisies pour cet abondement sont biaisées.
Des critères de répartition discutables
Le président de l'ADF juge que ce Fonds de mobilisation a été crée dans un esprit de "prime au mérite" dans la mesure où la répartition entre départements se fera sur la base non pas de leurs difficultés particulières, mais bien plutôt de leurs "efforts" mesurés par des indicateurs tels que la proportion d'allocataires bénéficiant d'un programme d'accompagnement ou ayant repris une activité professionnelle. Certains craignent même qu'un simple excès de zèle en termes de radiation des Rmistes soit récompensé. Ils soulignent aussi que la réussite d'une politique d'insertion dépend avant tout de la situation économique du département? sur laquelle le conseil général n'a que peu de prise.
Une petite marge de manœuvre semble toutefois ouverte, dans la mesure où les décrets d'application relatifs au Fonds de mobilisation ne sont pas encore parus. Dominique de Villepin a précisément confié aux ministres Jean-François Copé et Jean-Louis Borloo le soin d'engager des discussions avec l'ADF pour affiner les critères de répartition des crédits de ce fonds. Il s'est dit conscient de la nécessité d'y introduire une bonne dose de péréquation.
Enfin, Claudy Lebreton souligne que le mécanisme retenu va continuer de mettre à mal la trésorerie des départements : l'engagement du gouvernement relatif à l'année 2005 n'interviendra qu'en loi de finances rectificative pour 2006, avec versement en 2007.
Un répit de courte durée
Le président de l'ADF indique par ailleurs que le gouvernement a profité de la réunion pour annoncer une série de seize mesures visant à "assouplir la gestion du RMI", à la fois au niveau de l'entrée dans le dispositif, du suivi des bénéficiaires et de leur sortie.
L'idée, chère au Premier ministre, d'envisager un rapprochement entre minima sociaux a été évoquée sans toutefois faire l'objet d'une programmation. "Dominique de Villepin a semble-t-il compris que les départements n'étaient pas prêts à endosser de nouvelles réformes dans l'immédiat. Que ce soit pour des raisons financières ou organisationnelles, on ne peut plus suivre !", résume-t-on à l'ADF.
Les départements ont maintes fois fait savoir qu'ils réclament une "pause" dans l'accroissement de leurs champs d'intervention au moment où la mise en œuvre, notamment de la prestation de compensation du handicap, leur demande de redoubler d'efforts et focalise leurs craintes. Ces craintes sont d'autant plus fortes qu'ils voient se profiler divers projets relatifs à la réforme des tutelles, à la protection de l'enfance ou bien encore à la prévention de la délinquance. Sur tous ces dossiers en devenir, le Premier ministre leur a concédé un "moratoire" afin de poursuivre certaines négociations et d'affiner le calcul des impacts financiers. Claudy Lebreton semble y voir un répit de courte durée et ne manque pas de mentionner le futur contrat de responsabilité parentale, dont le pilotage confié aux exécutifs départementaux est loin de faire l'unanimité. Prévu par le projet de loi relatif à l'égalité des chances, ce contrat sera bel et bien instauré sans discussion, article 49-3 oblige.
Claire Mallet