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Commande publique : retour sur une fin d’année riche en actualité

La fin d’année 2018 a été marquée par un événement majeur : la parution du tant attendu code de la commande publique. Depuis la rentrée de septembre, le Conseil d’État a par ailleurs rendu d’importantes décisions, précisant ainsi les règles relatives aux marchés publics et aux concessions.

Le code de la commande publique est paru !

Le 5 décembre 2018, l’ordonnance et le décret formant le code de la commande publique ont été publiés au Journal officiel (voir notre article à ce sujet). Les acteurs de la commande publique sont d’ores et déjà invités à se familiariser avec les 1.747 articles de ce code avant son entrée en vigueur au 1er avril 2019. Le lendemain de cette publication, Laure Bédier, directrice des affaire juridiques de Bercy, s’exprimait sur le contenu de ce nouvel outil (voir notre article à ce sujet). Après avoir cité les principales jurisprudences codifiées, elle a également annoncé les chantiers en cours et à venir. Actuellement en cours de signature, un arrêté comprenant une vingtaine d’annexes ainsi que la grille de correspondances devrait bientôt paraître. Les avis nationaux de publicité simplifiés et dématérialisés sous les seuils européens ainsi que l’arrêté sur la dématérialisation du certificat de cessibilité sont également au programme pour 2019.

Dématérialisation et simplification de la commande publique

Depuis le 1er octobre 2018, la commande publique a basculé dans le monde de la dématérialisation. Désormais, tous les marchés publics de plus de 25.000 euros doivent être entièrement dématérialisés. Lors d’une conférence organisée à cette occasion, les secrétaires d'État Mounir Mahjoubi et Delphine Gény-Stephann avaient présenté onze mesures nouvelles visant à moderniser la commande publique (voir notre article à ce sujet) . À ce titre, le gouvernement avait annoncé qu’il reviendrait sur la surtransposition des directives européennes sur deux points. Cela engendrera, d’une part, l’exclusion des prestations de services juridiques du champ des marchés publics et d’autre part, l’allégement de la durée minimale d’archivage électronique. En vue d’améliorer la trésorerie des PME, et donc encourager ces dernières à participer à la commande publique, le gouvernement a indiqué que le taux minimal des avances versées par l’État aux PME passerait de 5 à 20%. Le montant de la retenue de garantie devrait aussi être revu à la baisse, passant de 5 à 3%. Autre mesure phare annoncée : la suppression des obligations de publicité et de mise en concurrence pour les achats innovants réalisés auprès des PME en deçà de 100.000 euros. Certaines de ces mesures devraient entrer en vigueur en décembre 2018, d’autres au cours du premier trimestre 2019.

Les jurisprudences marquantes du second semestre 2018

Plusieurs décisions du Conseil d’État rendues ces derniers mois ont permis de préciser certains points du contentieux de la commande publique. 

Conflit d’intérêt : le doute ne suffit plus 

Dans un arrêt du 12 septembre 2018, les juges de cassation ont assoupli leur position sur la caractérisation d’une situation de conflit d’intérêt. Si auparavant un simple doute suffisait pour identifier un conflit d’intérêt, cela n’est plus le cas depuis cette affaire.
En l’espèce, la société titulaire avait recruté un salarié ayant occupé le poste d’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) sur le marché en cause. L’examen du dossier a révélé que l’AMO n'avait pas participé à la rédaction du dossier de consultation des entreprises, ce dernier ayant quitté son poste avant même qu'ait commencé l'élaboration du dossier de consultation des entreprises.
Selon le Conseil d’État, le seul risque que la société titulaire puisse obtenir des informations confidentielles de la part de son nouvel employé, ex-AMO de la collectivité, ne suffisait pas à caractériser une rupture de l’égalité de traitement entre les candidats.
Le juge administratif ne peut donc plus se contenter d’un doute pour caractériser une situation de conflit d’intérêt. Il doit rechercher si l’implication de l’AMO dans la procédure et les informations qu’il détenait ont réellement avantagé la société retenue.

Une erreur de prix ne justifie pas l'annulation d'un marché public

Dans une décision du 9 novembre 2018, le Conseil d’État a indiqué qu’un marché conclu sur la base d’un prix erroné ne pouvait conduire à son annulation. En l’espèce, l’entreprise retenue avait, à tort, exempté ses prix de TVA. S’il s’agit bien d’une erreur, le Conseil d’État a considéré qu’elle n’était pas de nature à vicier le consentement de la personne publique. Les juges de cassation ont alors fait application de la jurisprudence "Département du Tarn et Garonne" de 2014 selon laquelle un contrat peut être annulé seulement si son contenu est illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice du consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité.

Le montant des pénalités de retard ne peut pas être un sous-critère !

Une affaire, jugée le 9 novembre 2018 par le Conseil d’État, a permis d’enrayer une pratique des acheteurs, celle de fonder l’analyse des offres sur le montant des pénalités de retard. En l’espèce, la collectivité avait prévu que les offres seraient analysées selon deux critères : le prix, pondéré à 40%, et la valeur technique, pondérée à 60%. Le critère de la valeur technique était lui-même divisé en quatre sous-critères, dont l’un portait sur "la pénalité pour dépassement du délai fixé dans l’acte d’engagement". Chaque candidat devait donc proposer le montant des pénalités de retard qui pourraient lui être infligées. Le Conseil d’Etat a estimé qu’un tel sous-critère n’était pas pertinent car il ne permettait pas de "mesurer la capacité technique des entreprises candidates à respecter des délais d’exécution du marché ni d’évaluer la qualité technique de leur offre". 

Pas de résiliation automatique du marché en cas de non-respect de la loi

Dans un arrêt du 30 novembre 2018, le Conseil d’État a refusé de résilier un marché, les irrégularités constatées n’étant pas suffisamment graves. En l’espèce, le titulaire du marché n’avait pas respecté l’ordonnance du 2 novembre 1945 selon laquelle "seuls les huissiers de justice ou sociétés titulaires de l’office, et non les GIE auxquels ils appartiennent, peuvent procéder au recouvrement par chèque des amendes". En effet, des chèques avaient été émis à l’ordre du GIE titulaire. Toutefois, le Conseil d’État a considéré que "le nombre et le montant des chèques irréguliers étaient faibles et qu’aucune intention frauduleuse de la part du GIE attributaire n’était établie". Dès lors, la gravité relative de ces irrégularités n’étant pas de nature à compromettre manifestement l’intérêt général, le Conseil d’État a refusé de résilier le marché en cause.

 

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