Choose France : une attractivité en trompe-l'oeil ?

Le cru 2024 du sommet Choose France se conclut sur un record avec 56 projets d'investissements étrangers pour plus de 15 milliards d'euros. Certaines régions, comme le Grand Est, sont à la fête. Mais derrière les annonces en grande pompe à Versailles, depuis le lancement de ce sommet en 2018, le flux des investissements étrangers entrants ne semble pas avoir augmenté. Surtout, la production industrielle stagne et la productivité des emplois industriels diminue. C'est le message d'alerte du cabinet de conseil Asterès dans une note publiée le 12 mai.

Pour la septième année consécutive, le président de la République a réuni à Versailles (Yvelines), lundi 13 mai, un parterrre de patrons étrangers au sommet Choose France pour vanter auprès d'eux l'attractivité de la France, dans un contexte d'âpre compétition, avec les Etats-Unis et la Chine en particulier. Quelques jours après la publication du baromètre EY sur les investissements étrangers directs (voir notre article du 2 mai), le cru 2024 de cette grand-messe confirme la bonne tenue de l'attractivité du pays. 56 projets d'investissements étrangers ont été annoncés, deux fois plus qu'en 2023, avec un montant de 15 milliards d'euros attendus (contre 13 l'an dernier) et la perspective de 10.000 emplois créés. "C'est plus qu'une lueur d'espoir, c'est un grand succès", s'est réjoui Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, sur France 2 le jour-même du sommet. 

Les nouvelles technologies, la décarbonation ou encore la santé sont les trois domaines d'activité qui ressortent avec force. L'un des plus gros investissements est celui de Microsoft, pour un montant de 4 milliards d'euros destiné à développer des data centers en France. Il s'agit d'agrandir les deux sites installés en régions parisienne et marseillaise et d'en ouvrir un troisième de nouvelle génération dans la région de Mulhouse. Si, pour l'exécutif, c'est l'occasion de mettre en avant les efforts accomplis depuis 2017, les régions ne sont pas en reste. Ces annonces "confirment l'efficacité de notre politique économique en faveur de la réindustrialisation et des transitions énergétiques et environnementales. Les investisseurs étrangers l'ont compris : le Grand Est est une terre de grandes réussites", s'est félicité le président du Grand Est, Franck Leroy, dont la région se hisse à la seconde place du classement, ex-aequo avec les Hauts-de-France (avec 8 projets chacune), derrière l'Ile-de-France. Dans les Hauts-de-France, on relèvera par exemple le projet d'Astrazeneca avec un investissement de 365 millions d'euros pour l’extension de son site de Dunkerque dans la production de médicaments contre l’asthme "plus verts". 100 emplois supplémentaires sont attendus. 

L'intelligence artificielle a le vent en poupe

Avec sept projets, la région Paca n'est pas en reste. Outre le data center de Microsoft à Marseille, la région peut se prévaloir de l'ouverture d'autres data centers "éco-responsables" portés par le japonais Telehouse ou d’un centre d’IA Générative à Sophia-Antipolis par l’entreprise Accenture. "Ces investissements massifs s’inscrivent dans la continuité de la stratégie IA régionale qui sera présentée au vote des élus en juin 2024. A ce titre, la Région Sud a noué un partenariat avec Microsoft qui a pour ambition d’accélérer l’adoption de l’IA dans l’administration régionale, par les entreprises et les habitants du territoire tout en les formant et les sensibilisant à son usage", indique la région, dans un communiqué.

Autre investissement notable : Amazon, avec plus de 1,2 milliard d'euros et 3.000 emplois à la clé pour renforcer le réseau logistique de distribution de colis et créer des centres de données pour l'intelligence artificielle également, en Ile-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

D'après le dossier de présentation de l'Elysée, les projets d'investissements internationaux irriguent l'ensemble du territoire : 49% des projets et 73% des projets industriels se réalisent dans des communes de moins de 20.000 habitants.

Une production industrielle qui stagne

Toutefois, dans ce concert d'enthousiasme, le cabinet de conseil Asterès apporte un bémol. "Chaque année, des milliards d'euros d'investissements sont annoncés lors du sommet Choose France. Cependant, derrière ces annonces très médiatisées, l'attractivité générale du pays ne s'est pas nécessairement améliorée", tempère le cabinet, dans une note publiée le 12 mai. Si les flux d'investissements directs à l'étranger (IDE) entrants et sortants ont beaucoup fluctué (chute durant la crise sanitaire, rebond puis baisse significative en 2023), "dans l'ensemble, il ne semble pas y avoir eu de hausse régulière de flux d'IDE entrants depuis une dizaine d'années", poursuit Asterès, qui conclut à une stagnation de l'attractivité du pays.

En revanche, les projets d'implantation de sites indiquent une évolution plus positive depuis quelques années. Mais le volume de production industrielle en France est quant à lui globalement stable : en mars 2024 il est identique à ce qu'il était en janvier 2010. "L'attractivité du pays, attestée par certains indicateurs comme les décisions d'implantations (baromètre EY) n'a pas eu à ce stade d'effets positifs notables sur la production industrielle", souligne le cabinet. Dernier point analysé : l'emploi industriel, avec une hausse depuis 2017 (plus de 100.000 emplois créés en sept ans). Mais face à un volume de production qui stagne, Asterès alerte sur une diminution de la productivité moyenne des emplois industriels, "ce qui peut être un signe inquiétant quant au niveau de gamme de l'industrie française si la tendance s'avérait durable".

Les intercommunalités n'ont de cesse de dire que la réindustrialisation doit partir du terrain. C'est le sens du partenariat qu'Intercommunalités de France doit signer ce mercredi à Dole avec la Bourgogne-Franche-Comté, dans la continuité de celui déjà signé avec les Hauts-de-France fin 2023, loin des ors de Versailles. Un troisième est déjà programmé avec l'Occitanie. L'enjeu : généraliser le binôme région-intercommunalités qui a déjà fait ses preuves avec les Territoires d'industries.