PLF 2017 - Ce que l'on peut retenir du dernier budget de la mandature
Lors de la traditionnelle conférence de presse de présentation du projet de loi de finances, mercredi 28 septembre 2016, le ministre de l'Economie et des Finances, Michel Sapin, a annoncé que, pour la première fois depuis dix ans, le déficit public devrait repasser l'an prochain sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB). Bercy prévoit même un reflux à 2,7%, après 3,3% cette année. Ce "retour dans les clous européens" devrait permettre à la dette publique de se stabiliser, à 96% du PIB après 96,1% en 2016. Dans ses prévisions, le gouvernement parie sur une croissance économique semblable à celle prévue en 2016, soit 1,5% du PIB.
Ce chiffre, souvent présenté comme le niveau nécessaire pour faire baisser le chômage, serait atteint à la faveur d'une hausse de la consommation des ménages (+1,6%) et de l'investissement des entreprises (+3,5%). Cette prévision est jugée "optimiste" par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) au regard de la conjoncture économique, marquée par les inquiétudes liées au Brexit. L'OCDE a ainsi revu à la mi-septembre sa prévision de croissance à 1,3% du PIB, le FMI prévoyant de son côté 1,2%. En réponse à l'avis du HCFP et aux critiques de l'opposition, Michel Sapin affirmé que son budget était "sérieux" et que cet engagement serait tenu.
Près de 382 milliards de dépenses
En matière de dépenses, l'Etat devrait dépenser 381,7 milliards d'euros en 2017, soit 7,4 milliards de plus qu'en 2016. En cause, les multiples mesures annoncées depuis le début de l'année, comme le plan pour l'emploi et le renforcement de la sécurité sur le territoire après les attentats. Ces différentes dispositions seront financées par des mesures d'économie ponctuelles, mais aussi et surtout par des effets d'aubaine, comme la baisse de la charge de la dette, liée aux faibles taux d'intérêts. L'objectif de 50 milliards d'euros d'économies en trois ans, promis à Bruxelles en 2014, ne sera pour sa part pas tenu, mais celles-ci atteindront "46 milliards entre 2015 et 2017", selon Bercy.
Ces économies reposent à la fois sur des mesures sectorielles, sur la poursuite des efforts transversaux menés depuis le début du quinquennat, et sur l'aboutissement de chantiers de modernisation de la gestion publique : dématérialisation de la propagande électorale - estimée à 170 millions d'euros -, maîtrise des effectifs et rationalisation des dépenses de l'Etat et de ses agences, réforme de la politique immobilière de l'Etat, dématérialisation des échanges avec les usagers et renforcement de la fonction achats.
La hausse des dépenses prévue dans le cadre du projet de budget 2017 profitera principalement à l'enseignement scolaire, dont l'enveloppe grimpera de 2,1 milliards d'euros. Avec l'enseignement supérieur et la recherche, l'augmentation s'élèvera à quelque 3 milliards d'euros. L'emploi, lui, verra son budget augmenter de 1,8 milliard. La sécurité, la justice et la défense gagneront respectivement 440 millions, 290 millions et 600 millions. A l'opposé, les finances et les anciens combattants devront se serrer la ceinture.
Retenue à la source
Décidé à faire oublier le "ras-le-bol fiscal" du début du quinquennat, le gouvernement a annoncé une baisse d'un milliard d'euros de l'impôt sur le revenu, devant toucher cinq millions de foyers mais aussi une extension à tous les ménages du crédit d'impôt pour les services à la personne. Ces dispositifs viendront s'ajouter à un nouveau train de mesures en faveur des entreprises, avec le renforcement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et une baisse ciblée de l'impôt sur les sociétés, pour un montant de cinq milliards d'euros. Les artisans bénéficieront quant à eux d'environ 100 millions d'allègements de charges.
Mesure-phare de ce projet de budget 2017, la réforme de la retenue à la source entrera en vigueur au 1er janvier 2018. Ce qui obligera les entreprises à se préparer dès 2017 en adaptant par exemple leurs logiciels de paye. Chez les salariés, l'impôt sera prélevé directement par l'employeur sur la base d'un taux transmis par le fisc. Chez les retraités, la collecte sera réalisée par la caisse de retraite. Les travailleurs indépendants verseront quant à eux un acompte mensuel ou trimestriel, calculé en fonction de leurs revenus des mois précédents.
Fsil : des crédits largement fléchés
Sur le terrain des finances locales, les choses étaient connues dans leurs grandes lignes depuis la veille, mardi 27 septembre, avec la présentation de ce volet du PLF devant le comité des finances locales par trois membres du gouvernement (lire notre article daté du 28 septembre).
La diffusion du PLF par Bercy ce mercredi apporte naturellement des précisions intéressantes sur ces dispositions. Notamment sur le report de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), le renforcement de la péréquation verticale et le recentrage de la dotation de solidarité urbaine (DSU), la stabilisation du niveau du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) ou le maintien et le renforcement du fonds de soutien à l'investissement local (Fsil). Sur tous ces points, la lecture de l'exposé des motifs des articles correspondants est instructive.
Ainsi par exemple, sur l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros du Fsil, il est confirmé que 600 millions sont fléchés sur "de grandes priorités d'investissement définies entre l'Etat et les communes et intercommunalités, notamment pour la transition énergétique, l'accessibilité et le logement" (dont 150 millions doivent venir contribuer au financement des pactes métropolitains d'innovation prévus dans le cadre du Pacte Etat-métropoles), tandis que 600 millions d'euros doivent bénéficier aux territoires ruraux (à travers les contrats de ruralité et une hausse de 384 millions de la dotation d'équipement des territoires ruraux qui est ainsi portée à 1 milliard d'euros).
S'agissant du report de la réforme de la DGF, le gouvernement justifie une nouvelle fois les choses en expliquant que la mise en oeuvre de cette réforme "nécessite un paysage institutionnel stabilisé", ce qui n'est guère le cas à l'heure où la reconfiguration de la carte intercommunale est encore en cours. "Les effets financiers dus à cette reconfiguration doivent d'abord être anticipés avant de mettre en oeuvre une réforme de la répartition des concours financiers", peut-on lire.
Mardi 27 septembre, Jean-Michel Baylet avait redit que cette réforme de la DGF prendra place dans le cadre plus large d'un projet de loi de financement des collectivités pour 2018. On notera que Bercy maintient une nuance de vocabulaire que l'on avait pu relever dès l'annonce de ce report par François Hollande en juin dernier (lire notre article du 9 juin), indiquant pour sa part qu'une "loi spécifique relative à la réforme de la DGF sera présentée".
L. Terrade et C. Mallet, avec AFP
Comme dans tout PLF... quelques dispositions éparses à relever
Un nouveau "fonds d'appui" aux politiques départementales d'insertion
Le PLF entend "préciser et moderniser le cadre institutionnel et financier dans lequel les politiques d'insertion sont mises en oeuvre". Il s'agit, explique Bercy, de "soutenir et valoriser les efforts réels déjà engagés par les départements, tout en garantissant l'égalité de traitement des citoyens dans l'ensemble des départements". Dans ce cadre, l'Etat "apportera un soutien renforcé aux départements volontaires, afin de financer la mise en oeuvre des priorités nationales, mais aussi de cofinancer des priorités départementales au regard des besoins identifiés localement".
Ce soutien prendra deux formes complémentaires : d'une part, une modernisation de la troisième part du Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), par une révision des critères de répartition entre départements ; d'autre part, l'apport d'un soutien spécifique dans le cadre d'un nouveau "Fonds d'appui aux politiques d'insertion", d'un montant de 50 millions d'euros en 2017, aux départements volontaires pour contractualiser avec l'Etat. A ne pas confondre avec le fonds d'urgence destiné aux départements les plus en difficulté, qui devrait quant à lui figurer dans le projet de loi de finances rectificative.
Suppression du Fonds national des solidarités actives
L'un des articles du PLF vient supprimer le Fonds national des solidarités actives (FNSA) jusqu'ici géré par la Caisse des Dépôts, dont la mission principale, depuis la transformation du RSA activité et prime d'activité, était désormais limitée au financement de la "prime de Noël" versée à certains allocataires de minima sociaux. Ce qui, relève Bercy, "ne justifie plus l'existence d'un fonds ad hoc". Ses missions résiduelles seraient directement prises sur le budget général de l'Etat.
Dématérialisation de la propagande électorale, le retour
Le PLF prévoit la dématérialisation - et donc la disparition de l'envoi papier - pour les professions de foi des candidats et autres documents électoraux afin de "réduire les coûts écologiques et budgétaires liés à l'organisation des élections". Cette dématérialisation de la propagande électorale devrait permettre une économie de 168,9 millions d'euros. Si elle était adoptée, cette mesure pourrait s'appliquer dès les élections de 2017. On se souvient que cette mesure avait déjà été proposée au Parlement en 2014 et 2015. Mais à chaque fois, les parlementaires l'avaient rejetée. Le ministère de l'Intérieur et celui des Finances ont toutefois décidé de relancer le débat en commandant un rapport dans le cadre de la "revue de dépenses". "Beaucoup d'électeurs ne reçoivent pas la propagande, ou trop tard", fait par exemple valoir ce rapport.
Du nouveau pour les indemnités de fonction des élus locaux
Le PLF prévoit de supprimer la retenue à la source spécifique des indemnités des élus locaux et de les soumettre aux règles de droit commun des indemnités soumises à l'impôt sur le revenu. En 2017, la retenue à la source des élus locaux serait supprimée et les indemnités de cette même année seraient taxées selon les règles de droit commun. La déduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu du montant représentatif de frais d'emploi serait toutefois maintenue. Dans le cadre de la réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu, à compter du 1er janvier 2018, les indemnités seraient soumises au nouveau dispositif général de retenue à la source.
C.M.