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Education - Carte scolaire : privilégier l'information des familles

Face à la frustration de certains parents devant les limites de l'assouplissement de la carte scolaire, la médiatrice de l'Education nationale, Monique Sassier, recommande dans son rapport annuel rendu public mercredi 15 mai d'améliorer l'information des familles sur la sectorisation et les critères d'affectation, et d'humaniser le traitement de certaines dérogations pour tenir compte des imprévus de la vie.

Mis en place à la rentrée scolaire 2007 par l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, avec pour objectif de favoriser l'égalité des chances et d'améliorer la diversité sociale dans les collèges et lycées, l'assouplissement de la carte scolaire donne aux familles la possibilité, selon certains critères, de choisir un collège ou lycée différent de l'affectation d'office établie par le secteur géographique de domiciliation. Un dispositif souvent décrié par de nombreux rapports et études qui le rendent responsable d'une certaine ghettoïsation ou du moins lui reprochent de ne pas servir la mixité sociale.
Dans son rapport de 2013 dont un chapitre est réservé à "la carte scolaire vue par les familles", la médiatrice relève que la mesure n'a pas entraîné une explosion des demandes de dérogation hors secteur* mais reconnaît que la question de la carte scolaire se pose dans les grandes villes et leurs banlieues, à l’entrée au collège et au lycée. Une réalité davantage explicitée dans une étude de la revue Education et formations, parue en 2013 (voir notre article ci-contre), qui informait d'un taux de demandes de dérogation à l'entrée en sixième plus important dans les collèges de l'éducation prioritaire (14,8% à la rentrée 2009), que pour l'ensemble des collèges publics de France métropolitaine (10,9%).  Avec pour principale conséquence, un nombre croissant de refus de dérogations, dû notamment au manque de places dans certains établissements** qui se sont retrouvés rapidement saturés.
La frustration des familles devant une liberté mise à l'épreuve de la réalité engendre un nombre de réclamations auprès des médiateurs de l'Education nationale qui ne cesse de croître. Face à ces parents parfois désemparés qui disent ne pas comprendre ces refus et "craignent que leur enfant ne soit en danger dans l'établissement où il a été affecté ou ont peur qu'il soit tiré vers le bas en côtoyant des élèves en difficulté d'apprentissage", Monique Sassier insiste sur le besoin de leur fournir des données objectives qui les rassurent.

Ecouter, dissiper le sentiment d'injustice… un enjeu démocratique

Si la médiatrice ne s'étend pas réellement sur une revoyure de la carte scolaire, elle marche dans les pas du précédent ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, en ouvrant l'hypothèse "d'une réflexion qui peut être menée sur les limites de la dérogation accordée à une famille et sur le découpage scolaire". Favoriser une dérogation pour que de bons élèves se retrouvent avec d'autres bons élèves dans un bon établissement ne semble pas une bonne raison pour Monique Sassier.
"La carte scolaire s'inscrit dans un cadre contraint qui échappe à l'Education nationale et relève de choix qui ont été faits, parfois il y a des années, en matière d'urbanisme. Chercher l'entre-soi ne va que dans un sens : c'est mettre ensemble des élèves issus d'un milieu social favorisé et ayant de bons résultats scolaires. Il n'est pas dans la mission de l'Education nationale et du médiateur d'accompagner les familles qui sont en recherche d'élitisme." D'autant plus que bien souvent "si des familles sollicitent pour leurs enfants des dérogations, les associations de parents d'élèves et les élus locaux sont favorables au principe de l'hétérogénéité des élèves, au principe du vivre-ensemble. Il y a là un enjeu démocratique très fort", est-il affirmé dans le rapport. La médiatrice se dit donc favorable à des discussions sur le périmètre de la carte scolaire pour avant tout "obtenir une plus grande hétérogénéité sociale et scolaire".  Une impression de "déjà entendu"…
Limiter la migration d'élèves vers d'autres établissements à meilleure réputation, c'est surtout informer les familles, affirme la médiatrice. "Il y a une demande assez forte de sécurité, de réassurance, d'information, a-t-elle souligné. Il ne faut pas occulter les violences qui peuvent se produire, mais expliquer comment l'établissement les gère..."

Un travail de collaboration

Monique Sassier souligne également d'une part l'importance d'associer les chefs d'établissement et les associations de parents d'élèves aux critères de sélection et au découpage des zones géographiques des écoles, collèges, lycées en accord avec les collectivités territoriales compétentes et réclame par ailleurs des moyens supplémentaires pour les établissements en difficulté "ghettoïsés" où un travail d'équipe doit être recherché  pour mettre en oeuvre un projet de réussite scolaire.
"Une amplitude d'ouverture importante est à organiser pour permettre aux élèves d'y travailler en dehors des cours et d'être soustraits à la pression extérieure", stipule le rapport qui y voit le moyen aussi de rassurer les parents.  "Les parents d'élèves rattachés à un nouvel établissement l'adopteront s'ils adhèrent au projet pédagogique et font confiance à l'équipe pédagogique qui le présente, c'est-à-dire s'ils sont convaincus que les enseignants qu'ils rencontrent sauront faire réussir leur enfant", veut croire la médiatrice.

Aider les parents en difficulté

Par ailleurs, un travail conjoint entre l'Education nationale et les collectivités territoriales compétentes est également recommandé. "Les inspecteurs généraux, dans leur rapport de juin 2013, ont aussi constaté une méconnaissance des règles par des familles et une information donnée qui peut être très inégale d'un endroit à l'autre", rappelle le rapport, dont la médiatrice  pointe du doigt l'opacité des critères de dérogation se référant à "certains lycées qui  sélectionnent en fonction des notes, d'autres de la date de naissance".
"Les familles méconnaissent les règles d'affectation, témoignent d'une inquiétude, voire d'une angoisse et sont à la recherche de la bonne information ou du bon interlocuteur, et peuvent découvrir tardivement que leur enfant, qu'ils ont réussi à faire scolariser dans une cité scolaire (collège et lycée réunis dans un même lieu), ne bénéficiera pas d'une priorité pour être affecté dans ce lycée très coté", note le rapport.  D'où, pour la médiatrice, "la nécessite d'un travail conjoint entre l'Education nationale et les collectivités" et d'affirmer qu'il existe une volonté du ministère d'améliorer l'information donnée aux familles.
"Les services académiques ont été invités à proposer, sur les sites internet des directions des services départementaux de l'éducation et des rectorats, une information complète concernant les mesures d'assouplissement de la carte scolaire et une fiche synthétique sur chaque collège ou lycée (structure pédagogique, taux de réussite aux examens sur cinq ans, les points forts du projet d'établissement, les priorités de la politique éducative)". En affichant les critères retenus pour l'examen des dossiers individuels et les cartes de découpage des écoles, collèges et lycées, une meilleure cohérence pourrait être donnée à la carte scolaire et cela entraînerait une meilleure acceptation par les familles. "Un souci de transparence et de lisibilité du dispositif de la carte scolaire doit prévaloir", affirme la médiatrice.

Un peu plus d'humanité...

"Il est légitimé, pour certains dossiers, à pousser plus loin l'expertise en s'interrogeant sur la prise en compte de l'équité, quand le droit l'autorise, comme dimension humaine d'une décision", rappelle la médiatrice devant certaines remontées de terrain. "Les plaintes enregistrées ne portent jamais sur une insuffisance disciplinaire ou pédagogique, mais relèvent directement ou indirectement de la compétence humaine, jugée maladroite, voire déficiente, à l'égard d'un élève, d'une classe, d'un parent", ajoute Monique Sassier qui demande que l'on réponde le plus souvent possible aux demandes d'affectation avant les départs en vacances du 20 juillet, pour ne pas laisser des élèves dans l'incertitude jusqu'à fin août, voire après la rentrée. La médiatrice fait valoir "qu'il est paradoxal que l'institution qui lutte contre l'absentéisme trouve une place à certains élèves quand les cours ont déjà démarré".
L'ensemble de ces préconisations devraient aider à améliorer les relations entre les parents et le système scolaire, mises à l'épreuve du feu ces derniers mois...  

Sandrine Toussaint

* 8% des élèves de l'enseignement secondaire public auraient bénéficié d'une affectation en dehors de leur collège ou de leur lycée de secteur en 2009, contre 4% en 2006).

** Les élèves résidant dans le secteur d’un établissement demeurant prioritaires par rapport aux élèves résidant hors du secteur.

 

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