Petites villes de demain : les campagnes retrouvent leurs centralités
Lancé en octobre 2020 sous l’égide de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, le programme « Petites villes de demain » soutient les centralités des territoires ruraux et péri-urbains en finançant des projets liés au numérique, au commerce, à la transition écologique, à l’aménagement... Complémentaire d’Action cœur de ville, le programme compte déjà plus de 1 600 communes de métropole et d’outre-mer à son actif. D’ici 2026, 200 millions d’euros alloués par la Banque des Territoires financeront les phases d’analyse territoriale et d’ingénierie pour la réalisation des projets. Gros plan sur un dispositif inscrit dans la dynamique générale du plan France relance.
Les petites villes rurales et péri-urbaines recèlent les mêmes potentiels et freins que les villes moyennes, à savoir, la plupart du temps : un patrimoine historique, des associations actives, des solidarités ancrées et un environnement naturel préservé ; mais aussi un bâti vieillissant, des commerces et des logements vacants, un éloignement des centres de décision et d’attractivité…
« Jusqu’à présent, ces petites villes disposaient rarement des ressources humaines et financières nécessaires à l’ingénierie de projet et à l’analyse de données territoriales, commente François Panouillé, chargé de mission smart city au pôle écosystème et développement de la Banque des Territoires. Elles ont su compenser ces manques en développant leurs capacités d’adaptation et d’inventivité, au service de populations qui souhaitent disposer des mêmes facilités que celles proposées dans de plus grandes villes, et pouvoir ainsi accéder, physiquement ou numériquement, à des services et des offres commerciales diversifiées, des équipements publics ».
Retour des centralités sur le devant de la scène
« Petites villes de demain concerne plus de mille territoires et communes rurales de moins de 20 000 habitants sélectionnées par les préfets, qui forment autant de ’centralités’ essentielles dans ces bassins de vie, par leurs services comme par leurs équipements », précise Franck Chaigneau, responsable du programme à la direction du réseau de la Banque des Territoires.
Or, l’activité au cœur de ces petites villes souffre depuis plusieurs décennies d’un ralentissement, voire d’une déshérence, due à l’évolution des modes de vie marqués par l’habitat pavillonnaire et l’automobile impliquant la fréquentation des grandes et moyennes surfaces commerciales de périphérie, ou la livraison par des plates-formes d’e-commerce. Des évolutions plus récentes encore, accélérées par les crises climatiques et sanitaires, viennent interroger cette tendance. L’innovation et les outils numériques forment alors autant d’opportunités pour capter ces changements et redynamiser les petites villes et les territoires qu’elles desservent, que ce soit par des initiatives liées à la mobilité écologique, à la santé, à l’autonomie des seniors, aux solidarités sociales, aux rénovations de friches et de quartiers, à l’attractivité commerciale et résidentielle…
La crise sanitaire et l’aspiration à une vie plus équilibrée font des bourgs ruraux et des petites villes autant d’espaces d’accueil potentiel et une alternative aux grandes villes saturées
Alternatives aux métropoles
« La ville intelligente n’est pas l’apanage des métropoles », souligne François Panouillé. Jusqu’en 2026, l’ANCT, la Banque des Territoires et l’ensemble des partenaires du programme proposent des financements et des outils pour assurer le diagnostic territorial de chaque commune concernée, l’ingénierie des projets et leur mise en œuvre, la synergie entre ces villes et le partage d’expériences.
Avec en toile de fond une évolution de plus en plus rapide des usages et des modes de vie qui conditionnent l’attractivité des territoires, l’usage systématique de données publiques – tant statistiques que cartographiques – permet de connaître précisément et rapidement les situations locales. « Les petites villes vont pouvoir s’appuyer sur des données territoriales pour mener leur projet, déclare François Panouillé. L’usage systématisé de ces données ouvre des perspectives, car il ne s’agit pas seulement de ‘réparer’ l’existant mais aussi de préparer l’avenir des villes rurales, en confortant leur place dans l’organisation spatiale, sociale et économique du pays ».
200 millions d’euros dédiés aux études et à l’ingénierie
Première pierre à l’édifice du programme Petites Villes de Demain, l’accès à l’ingénierie est indispensable pour définir et réaliser les projets. Cela passe d’abord par le recrutement de chefs de projet à même de conseiller les élus locaux en matière de numérique, de commerce et d’aménagement, et de piloter la politique de revitalisation adoptée par ces communes.
Adossée à ses partenaires, la Banque des Territoires allouera ainsi 45 millions d’euros afin de contribuer à financer les trois-quarts des salaires de ces chargé(e)s de mission. Plus de 700 communes rurales ont déjà signé un conventionnement dans ce sens, et 200 chefs de projet sont en cours de recrutement. Par ailleurs, 85 millions d’euros serviront à cofinancer les études complémentaires souhaitées par les communes.
Expertises sur mesure et expériences partagées
Pour une plus grande réactivité dans ces phases de diagnostic, de conseil et d’aide à la décision, 70 millions d’euros sont alloués au financement d’assistance technique, via des marchés à bons de commande et des actions nationales. « 570 demandes ont ainsi déjà été effectuées par les communes dans le cadre du plan de relance commerce », précise Franck Chaigneau.
Les Petites Villes de Demain profitent aussi de l’accès à un espace digital dédié qui favorise l’innovation, l’échange d’expériences et le partage de bonnes pratiques entre toutes les parties-prenantes du programme. La Banque des Territoires met également à leur disposition un annuaire des entreprises de la smart city qui référence plus de 350 prestataires. Classées par domaines d’activités, les entreprises et jeunes pousses œuvrant pour des territoires plus durables et plus connectés y présentent leurs solutions innovantes.
« Des webinaires et des semaines thématiques seront aussi proposés par l’ANCT, la Banque des Territoires et leurs partenaires, notamment sur les questions de l’habitat, de la mobilité, de la culture et du patrimoine, du commerce. Le but est d’épauler les petites villes dans la conception et le déploiement d’équipements et de services structurants », détaille Franck Chaigneau.
Le commerce constituant souvent une priorité pour redynamiser les centres-villes, la Banque des Territoires soutient aussi les dispositifs de relance par la digitalisation des activités. Les Petites Villes de Demain peuvent également solliciter, de façon temporaire dans le cadre du plan France relance, une aide au financement d’une solution numérique dédiée au commerce et à l’attractivité de leur cœur de ville, sous forme d’une subvention plafonnée à 20 000 euros.
Les données au premier plan
« Pour définir leur stratégie, les petites villes ont besoin de visualiser et d’identifier les moteurs et les freins à l’œuvre dans leur bassin de vie. La Banque des Territoires propose pour cela Dataviz PVD, un service clé en main afin d’aider ces communes à brosser le portrait de leur territoire », souligne François Panouillé. Les chef(fe)s de projet recruté(e)s se consacrent ainsi d’emblée au cœur de leurs missions, sans perdre de temps à collecter, filtrer, agréger et actualiser ces données. Logements, emploi, mobilité, patrimoine, étalement urbain ou encore accessibilité aux médecins : toutes ces données sont représentées sous forme graphique à l’échelle infra-communale, communale ou à celle des intercommunalités.
Pour appréhender les mutations sociales, économiques et environnementales des territoires, Dataviz PVD propose trois modes d’entrée :
- des visualisations cartographiques et infographiques des jeux de données ;
- un recueil d’initiatives de petites villes utilisant l’analyse de données pour le pilotage des projets ;
- un outil intuitif et rapide de pré-diagnostic territorial.
Ainsi, en conciliant une approche locale sur mesure et un plan de soutien national, le programme Petites Villes de Demain donne l’occasion à des centaines de communes rurales et péri-urbaines « d’avoir tout des grandes ». Et démontre que le numérique et l’innovation sont aussi l’apanage des campagnes.
Les partenaires du programme
Aux côtés de l’ANCT, qui pilote le programme, et de la Banque des Territoires sont impliqués :
- les ministères de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales ; de la Transition écologique ; de la Culture ; des Outre-mer ; de l’Économie, des Finances et de la Relance ; de la Santé et des Solidarités ; de l’Agriculture et de l’Alimentation ; de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ;
- l’Agence nationale de l’habitat, qui soutient la réhabilitation du parc de logements privés dans les Petites Villes de Demain ;
- le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement qui fournit des outils, des méthodes et de l'expertise dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ;
- l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui propose de l’ingénierie pour la transformation énergétique et écologique, ainsi que des financements dédiés.
Bref historique
Petites Villes de Demain s’appuie sur une expérimentation menée depuis 2014 dans 53 centre-bourgs ruraux, et sur le retour d’expérience du programme Action Cœur de Ville, lancé en décembre 2017 pour les villes de plus de 20 000 habitants. Les communes bénéficiaires du programme ont été désignées par les préfets de département, en concertation avec les partenaires. Les modalités de sélection ont été adaptées par région, afin d’articuler le programme avec les initiatives déjà à l’œuvre localement.
Chiffres clefs
9,4 millions de Français vivent dans des communes de moins de 20 000 habitants.
38 % de la population nationale vivent dans le périmètre d’influence d’une commune de moins de 20 000 habitants.
Mobilité écologique et partagée
En partenariat avec la société Clem’, la communauté de communes du pays de Lumbres, dans le Pas-de-Calais, propose depuis 2018, dans deux communes de moins de 800 habitants, un véhicule électrique de sept places en autopartage, répondant ainsi à des enjeux de transition écologique, de centralité et de mobilité en milieu rural.
Franck Chaigneau
Responsable du programme Petites villes de demain, direction du réseau de la Banque des Territoires
Diplômé en aménagement et développement local, Franck Chaigneau a d’abord pratiqué l’urbanisme réglementaire en collectivité avant de développer des méthodes novatrices d’accompagnement d’entrepreneurs au sein de réseaux associatifs. En 2002, il rejoint la Caisse des Dépôts, contribuant successivement aux programmes CitéLab, Mairie-conseils, d’ingénierie territoriale et, depuis 2020, Petites villes de demain.
François Panouillé
Chargé de mission smart city et innovation territoriale, pôle Ecosystème et développement, Banque des Territoires
Géographe–urbaniste de formation, François Panouillé intègre en premier lieu le ministère des Affaires étrangères comme chargé de mission pour la coopération territoriale européenne, avant de rejoindre l’Association des Petites Villes de France en tant que collaborateur d’élus, en charge des affaires européennes et de la ville durable. Depuis 2018, il travaille sur la smart city et l’innovation territoriale au sein de la Banque des Territoires.