Sports - A Beauvais, les enfants nagent dans le bonheur
Rien de tel que de se plonger dans le bain pour prendre la température du sport pour tous. Le secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, a ainsi pris la direction de Beauvais, mardi 22 juillet, où l'opération Savoir-Nager battait son plein. L'occasion de découvrir ce qui fait la réussite du dispositif dans cette ville… et de s'interroger sur ce qu'il faudrait pour l'étendre à toute la France. Car en proposant à des enfants de 6 à 12 ans des stages intensifs de natation, à raison d'une séance par jour durant un minimum de quinze jours, Savoir Nager répond à un enjeu de société majeur : assurer la sécurité des enfants dans l'eau.
A Beauvais, c'est le Beauvaisis aquatique club (BAC) qui, depuis 2008, assure les leçons de natation aux enfants l'été. "C'est un stage long qui permet de savoir nager à la fin, ce que ne permettent pas les stages d'une semaine, explique Olivier Dubois, directeur technique du BAC et chargé de mission piscines à la ville de Beauvais. La répétition et le rapprochement des séances font que la progression est rapide. On peut avoir des déblocages pour les enfants qui ont peur ou des progressions fulgurantes pour d'autres qui vont très vite nager. Et à la rentrée suivante, 80% des enfants rejoignent le club." Voilà pour les raisons de s'inscrire dans l'opération.
Mais pour pouvoir le faire, encore fallait-il bénéficier de l'aide de la ville. La première étape consistait à faire connaître le dispositif. "Nous bénéficions du vecteur communication de la ville pour informer les gens, un mois et demi avant. Nous avons aussi distribué des prospectus dans les écoles, en priorité auprès des primo-arrivants sur Beauvais et des personnes n'ayant pas bénéficié de séances de natation scolaire", explique Olivier Dubois. "Nous prenons en charge la communication et la logistique des inscriptions, à travers l'opération 'l'Eté s'anime' qui donne accès à de nombreuses activités sportives aux jeunes Beauvaisiens, complète Philippe Vibert, maire-adjoint chargé des sports. Nous avons calé Savoir Nager dans cette opération." Voilà pour l'information et la communication. Restait ensuite à régler deux problèmes majeurs : celui de l'équipement et celui de l'encadrement.
Eau chaude…
Pour l'équipement, la ville met à disposition du club la piscine Aldebert-Bellier tous les matins durant deux heures pendant trois semaines. Deux groupes d'une douzaine d'enfants peuvent donc se relayer dans les lignes d'eau du 7 au 30 juillet. Pourquoi avoir choisi cette petite piscine de quartier plutôt que le grand centre aquatique de la ville ? Philippe Vibert explique : "De par la situation géographique de la piscine retenue, l'opération pouvait toucher les familles modestes du quartier Saint-Jean. De plus, il s'agit d'une petite structure qui rend l'accueil des enfants plus agréable." Une fois les cours quotidiens dans le cadre de Savoir Nager terminés, la piscine est de nouveau accessible au grand public.
Côté encadrement, le dispositif fait appel à un autre schéma. Un animateur du BAC est mobilisé, dont le salaire est en grande partie couvert par les 85 euros par enfant versés, via la Fédération française de natation (FFN), par le ministère des Sports. Au total, 140.000 euros sont en effet inscrits cette année sur la ligne budgétaire de l'opération Savoir Nager dans la convention d'objectifs liant la FFN au ministère. Quant aux enfants, ils paient un droit d'inscription de 15 euros qui couvre essentiellement l'assurance prise au niveau fédéral.
… eau froide...
Une mise à disposition de lignes d'eau durant deux heures par jour, un encadrement pris en charge et une efficacité avérée… pourquoi donc l'opération Savoir Nager, même si elle est en progression de 48% par rapport à 2013, ne touche-t-elle encore que 160 sites en France ?
"Je prends le bateau en marche, c'est une opération qui date de 2008, répond Thierry Braillard. Le moment est venu de bien réfléchir à la façon de l'amplifier. Nous allons y réfléchir dès cette automne. Notamment en termes de communication, car c'est là que le bât blesse. Tout le monde ne sait pas que cela existe." Et le secrétaire d'Etat de profiter de son passage à Beauvais pour pointer la réussite dans cette ville : "J'ai posé la question aux parents. Il se trouve que la commune de Beauvais a eu l'intelligence de faire connaître le dispositif dans sa communication municipale. Il faut qu'il y ait un lien collectivité-Etat pour que l'information soit mieux diffusée."
... eau mitigée
Autre lien essentiel : celui qui doit relier la FFN aux clubs. Et sur le plan de la communication, Francis Luyce, président de la FFN, plaide également coupable : "La fédération doit accroître sa communication. Les 1.272 clubs français nous reprochent régulièrement de les ignorer. Nous ne devons pas être simplement des collecteurs d'impôts à travers la licence." Si l'information doit tout d'abord servir à faire connaître et à élargir le dispositif, elle contient également un enjeu financier qui pourrait inciter plus de clubs et de municipalités à y recourir : les enveloppes régionales du CNDS (Centre national pour le développement du sport) affectent en effet des aides aux clubs pour l'animation de l'opération, or, pointe Francis Luyce, "il semblerait, comme ici à Beauvais, que les demandes ne soient pas toujours faites. Il existe aussi des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale qui n'ont pas compris ou qui n'ont pas voulu comprendre que dans la lettre de cadrage 2014 du CNDS, il y avait à prendre en considération cette opération". Bref, quelques petits rouages sont encore bloqués à différents niveaux…
Le président de la FFN se veut toutefois optimiste : "Ce n'est pas une réussite totale mais nous allons néanmoins, à l'issue de la saison 2014, refaire un bilan de satisfaction en alertant l'ensemble de nos collègues sur la nécessité de s'engager. On est passé de 102 sites l'an dernier à 160 cette année, il faut continuer à faire de la pédagogie. D'autres structures doivent s'intégrer dans la valorisation de l'opération pour que demain on ait 100.000 enfants qui fréquentent les sites de Savoir Nager, contre 7.000 aujourd'hui."