Auchan, Michelin : élus et gouvernement veulent amortir le choc

Mis devant le fait accompli par les plans sociaux d'Auchan et Michelin, élus et gouvernement se mobilisent pour assurer l'avenir des territoires concernés et appeler les directions des deux groupes à leurs responsabilités. La reconversion du site de Michelin à La Roche-sur-Yon est pris en exemple. Mais c'est toute la filière automobile qui souffre actuellement. Paris veut travailler avec Berlin à un plan d'urgence européen.

"Préserver ou reconstruire le tissu industriel et agricole de la France constituera (…) une des priorités absolues du gouvernement", a martelé le Premier ministre, mardi 5 novembre à l'Assemblée, suite à l'annonce de plans sociaux massifs chez Auchan et Michelin. "J'ai le souci de savoir ce qu'on a fait dans ces groupes de l'argent public qu'on leur a donné", a-t-il dit, répondant à une question d'André Chassaigne, député communiste du Puy-de-Dôme, qui pointait les montants dont ont bénéficié les deux groupes au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). "Il n'est pas question aujourd'hui de demander aux uns et aux autres de rembourser, ce n'était pas le contrat de départ. Mais c'est normal qu'il y ait de la transparence et un certain esprit d'intérêt national partagé", est venue préciser la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, sur RTL mercredi. 

Travailler avec le tissu local

La direction d'Auchan a présenté aux syndicats, mardi, un projet de plan social menaçant 2.389 emplois dans le pays (sur un total de 53.000 salariés en France), pour tenter de se relancer. Quant à la direction de Michelin, elle a confirmé le même jour la fermeture "au plus tard début 2026" de ses sites de Cholet (Maine-et-Loire) et de Vannes (Morbihan), qui emploient au total 1.254 personnes. Le groupe emploie 132.000 salariés dans le monde dont 19.000 en France. 

Près de 3.650 emplois sont ainsi ciblés, sans parler de toutes les répercussions en amont et en aval. Ces annonces "brutales", pour reprendre l'expression du président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, ont mis les élus locaux en émoi. Pour le maire de Vannes, David Robo, il s'agit d'un "séisme". Assailli de questions à l'Assemblée mardi, le gouvernement a dû se contenter de "regrets" mais il souhaite tout mettre en œuvre pour limiter la casse sociale. "Nous saurons nous montrer solidaires, en exigeant du groupe Michelin comme du groupe Auchan de travailler avec le tissu local, les élus locaux – dont beaucoup d’entre vous –, les syndicats, le patronat local, les chambres de commerce et d’industrie, et de déployer tous les outils à disposition pour accompagner individuellement chaque salarié et les territoires concernés dans les différentes reconversions possibles", a déclaré Michel Barnier, saluant des exemples de reconversions réussies pour Michelin à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et à La Roche-sur-Yon (Vendée). "Ce groupe s’est toujours honoré en accompagnant la reconversion, la formation – notamment à Clermont-Ferrand – et en se montrant attentif aux gens, au tissu local", a-t-il souligné. 

Une reconversion réussie à La Roche-sur-Yon

Suite à la fermeture de son usine vendéenne, le fabricant de pneumatiques avait signé en 2020 avec l'État une convention pour recréer autant d'emplois sur le territoire que ceux perdus, soit environ 600. "53 entreprises industrielles ont bénéficié de cette convention", indique les Échos, précisant que 613 emplois ont été créés, et que, selon le groupe, 825 pourraient l'être à terme. Soucieux de ne laisser aucune friche derrière lui, Michelin a créé en 2023, avec la Banque des Territoires et la société d'économie mixte locale Oryon, la société de portage Atinea pour reconvertir les 20 hectares du site de La Roche-sur-Yon (dont 6 de bâti) en "pôle d’excellence dédié aux énergies renouvelables et aux mobilités durables", sachant qu'une station "multiénergie" fonctionne déjà à l'entrée de l'usine. La société est détenue à 45% par Michelin et autant par la Banque des Territoires, et à 10% par la SEM. Elle sera recapitalisée au moment de l'obtention du permis d'aménagement avant d'acquérir le site. "Il faudra ouvrir le site, amener de la voirie, l'agrandir, démolir, bâtir...", explique à Localtis Frédéric Vollé, directeur territorial Vendée de la Banque des Territoires. "L'objectif est de déposer le permis d'aménagement fin 2024-début 2025 afin d'être opérationnel dès 2026", précise-t-il.

"Terribles difficultés de l’industrie française et européenne"

"On a affaire à un groupe qui est responsable", veut rassurer le chef du gouvernement. Mais Loïg Chesnais-Girard demande à Michelin d'assumer "toutes ses responsabilités", "vis-à-vis des salariés (…) avec un objectif majeur : zéro salarié sans solution", et "vis-à-vis du territoire (…) pour préparer la suite et, notamment, la reconversion du site". Michelin s'est donné quatre mois pour trouver un repreneur du site de Vannes. "Non, je n'y crois pas. On ne trouve pas un repreneur en quatre mois sur une superficie aussi importante", a réagi David Robo sur France bleu Armorique, mercredi. D'autant que l'activité de Michelin va se poursuivre juqu'à fin 2025 et que le site n'est donc "pas totalement libre".

"Je mobiliserai tous nos outils régionaux, en lien avec Michelin et l’État, pour soutenir les salariés", a indiqué pour sa part sur X la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, concernée par le site de Cholet. "Plus généralement, cette fermeture illustre, une nouvelle fois, les terribles difficultés de l’industrie française et européenne face à la concurrence internationale. Ayons la lucidité de reconnaître que notre industrie est face à un immense défi de compétitivité, qui implique de bâtir d’urgence d’autres politiques publiques, notamment à l’échelle européenne."

Pour ce qui est d'Auchan, la direction souhaite "parvenir à un accord avec les représentants du personnel, et de trouver un repreneur pour six magasins d’ultra-proximité, trois supermarchés, et un hypermarché", a indiqué Bercy mardi soir. Un plan de départs volontaires, le financement d’un congé de reclassement et une aide à la mobilité interne géographique sont également sur la table.

Un plan d'urgence européen pour l'automobile

Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, où le groupe a son siège, a demandé, mardi, à rencontrer le directeur général Guillaume Darrasse "dans les meilleurs délais". "Si cela reste bien sûr la responsabilité première du groupe Auchan, nous devons nous assurer d'un suivi particulier et personnalisé à chacun des salariés afin qu'ils puissent retrouver un emploi", souligne-t-il dans un courrier adressé le même jour au préfet.

Les difficultés rencontrées par Auchan et Michelin s'ajoutent à une liste de mauvais signaux pour l'économie française : "À Nantes et à Saint-Nazaire, General Electric supprime 360 emplois ; Sanofi, dans l’Essonne, 330 ; Vencorex, près de Grenoble, probablement 500 ; Stellantis ; à Poissy, 250 ; Thales, à Toulouse, va également en supprimer. C’est aussi la maltraitance des sous-traitants : MA France à Aulnay-sous-Bois, Imperial Wheels dans l’Indre, Valeo dans la Sarthe… et la liste n’est pas terminée", a énuméré mardi le député écologiste d'Indre-et-Loire Charles Fournier. Selon lui, entre septembre et mai 2023, 132 plans de licenciements ont été comptabilisés représentant "entre 60.000 et 90.000 emplois menacés". Derrière Michelin, c'est toute la filière automobile qui est fragilisée (1.500 emplois sont ainsi menacés chez l'équipementier Valéo dans plusieurs départements). Marc Ferracci, le ministre de l'Industrie, a annoncé mardi que la France travaillait avec l'Allemagne à un pan d’urgence européen en soutien à toute la filière : constructeurs, sous-traitants, équipementiers. Michel Barnier a confirmé son souhait de créer "début 2025" un livret d’épargne industrielle, "pour encourager l’épargne des Français à s’orienter l’industrie".

 

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