Assises territoriales de la sécurité intérieure : entre Loir et Cher, des préoccupations "très XXe siècle"
Afin de contribuer à l’élaboration du livre blanc de la sécurité intérieure, les préfets ont reçu pour mission de recueillir l’avis du grand public dans le cadre d’ "assises territoriales". Exemple en Loir-et-Cher, où les principales préoccupations exprimées par la salle restent d’une facture très classique...
"On débattait déjà de ces sujets il y a vingt ans !", lance un participant à l’évocation de la répartition des zones police/gendarmerie. Si, en tribune, on a – un peu – abordé les nouvelles opportunités et menaces de la 5G et des équipements de type "Neo", la multiplication des plateformes d’échanges avec les citoyens (dont les réseaux sociaux) et leur nécessaire coordination, la reconnaissance faciale, l’expérimentation de la dématérialisation des procédures pénales (le département étant pilote en ce domaine), la mise en place d’un "doctolib gendarmerie" ou encore questionné la pertinence du concept de "sécurité intérieure" dans un univers numérique mondialisé, les débats tenus le 23 janvier lors des "assises territoriales de la sécurité intérieure" de Loir-et-Cher ont, eux, majoritairement convoqué des sujets on ne peut plus classiques.
État fort avec les faibles, faible avec les forts
En préambule, le préfet Yves Rousset avait pourtant pris soin de rappeler les enjeux ayant émergé depuis le précédent livre blanc de 2011, dressés par le ministère de l’Intérieur : terrorisme, repli communautaire, banalisation de la drogue, banalisation et radicalisation de la violence, révolution numérique, risques climatiques…
Mais dans la salle – où toutes les forces de sécurité, y compris civile, étaient représentées, mais sont restées muettes –, les quelques élus et rares citoyens ayant répondu à l’appel de la démocratie participative ont laissé de côté la prospective pour se concentrer sur des préoccupations très terre à terre : délais d’intervention des forces de sécurité dans les zones rurales, temps d’attente au standard de la police, frontière entre "remontée d’informations" et délation, absence de retours aux signalements, utilité des caméras de surveillance dans les halls d’immeuble, délicate lisibilité des ressorts et compétences des différences forces de sécurité en présence, lourdeurs procédurales mobilisant, parfois inutilement, forces de l’ordre ou représentants de la démarche participation citoyenne, difficulté pour les élus d’appréhender leur champ de compétences, armement des polices municipales (un seul policier serait habilité sur l’ensemble du département)… Et, en tête du "box-office", la dénonciation d’un État jugé fort avec les faibles et faible avec les forts, non sans susciter un certain malaise en tribune. Dans ce département où l’on marche dans la boue, la répression des feux de branchage passe d’autant plus mal que "d’autres font brûler des fils électriques pour récupérer du cuivre toutes les semaines à la vue de tous et en toute impunité"… Un sentiment d’injustice prégnant que ne partage pas le préfet, mais "contre lequel il est difficile de lutter, car c’est un sentiment", explique le représentant de l’État ; et dont le procureur de la République, Frédéric Chevallier, se défend, chiffres à l’appui : "306 personnes déférées en 2019, contre une vingtaine en 2015."
Des propositions concrètes, à défaut d’être toujours originales
Le préfet pourra tout de même relayer place Beauvau un certain nombre de propositions concrètes, à défaut d’être toujours originales : élaborer des référentiels de doctrine d’emploi des agents de sécurité privée (proposé par le rapport Fauverge–Thourot) ; réunir les différents représentants de la démarche participation citoyenne ; harmoniser les outils, normes et procédures des gendarmes et policiers ou encore assurer une formation des élus en début de mandat, notamment sur l’exercice de leurs pouvoirs de police (proposition n° 5 du "plan d’action pour une plus grande sécurité des maires" du Sénat, introduite lors des discussions du projet de la loi Engagement et proximité, mais rejetée par le gouvernement au profit d’une habilitation à légiférer par ordonnance, la loi ayant toutefois élargi le droit à une formation au cours de la première année de mandat des élus ayant reçu une délégation à toutes les communes).
Un continuum de sécurité sans rupture, ou presque
Yves Rousset pourra aussi mettre en avant un certain nombre de "bonnes pratiques" locales, comme la mise en commun de polices municipales, que le législateur vient d’ailleurs de faciliter. Surtout, il pourra se prévaloir dans sa circonscription d’un "continuum de sécurité" efficient et sans rupture (exception faite des difficultés pour collaborer avec les professionnels de santé, du fait du secret médical, ou avec certaines sociétés de sécurité privée). L’ensemble des acteurs – que le préfet avait au préalable mis à contribution dans différents groupes de travail – a en effet souligné la qualité des relations et partenariats noués entre forces de l’ordre (y compris entre elles), élus, académie et écoles, associations, bailleurs ou encore Parquet. Reste à y intégrer davantage encore le citoyen, que le procureur de la République a d’ailleurs exhorté à prendre pleinement sa place dans le dispositif, dans la droite ligne de la "société de vigilance" souhaitée par le président de la République. Le magistrat, qui s’est félicité d’avoir été "associé à la démarche tout de suite et de manière continue, ce qui n’est pas le cas dans tous les départements", a en outre préconisé que le livre blanc aborde "la façon dont on perçoit et traite, si ce n’est maltraite, les forces de sécurité", tenant à exprimer sa gratitude à leur endroit et saluant leur "action pour que la République tienne encore debout".