Après le rapport de l’Anses, les villes misent sur les chartes et les mesures
Le rapport de l’Anses sur la 5G devrait mettre un terme définitif aux moratoires locaux sur son déploiement. À Nantes, Rennes ou Strasbourg, on entend cependant aller jusqu’au bout des consultations publiques initiées ces derniers mois. Avec, a minima, un objectif de révision des chartes locales et une multiplication des mesures d’exposition aux ondes.
À regarder les derniers chiffres de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le "rien de nouveau" de l’Anses sur les effets sanitaires la 5G (voir notre article du 20 avril) semble avoir été largement anticipé par les opérateurs comme par les collectivités. Dans la quasi-totalité des communes signataires, en septembre 2020, d’une pétition exigeant un moratoire "au moins jusqu’à l’été 2021" et suspendant la 5G au rapport de l’Anses, la technologie est active depuis plusieurs semaines.
Lille et Nantes prennent acte
Parmi les derniers récalcitrants, Lille, qui était restée sur cette position. Mardi 20 avril, la municipalité a sobrement déclaré "prendre acte des conclusions de l’Anses tout en regrettant qu’elles ne soient pas plus précises sur les avantages et les inconvénients de la 5G". En toute logique, le moratoire adopté par la ville en octobre 2020 devrait prendre fin même s’il n’a pas encore été officiellement levé. À Nantes, parmi les dernières à avoir cédée aux demandes insistantes des opérateurs, on botte également en touche. Francky Trichet, en charge du numérique à la métropole a ainsi déclaré le 20 avril à France Bleu vouloir se concentrer sur la bande des 26 Ghz, "cette inconnue qui va arriver dans les quatre ans". Et il est vrai que l’avis de l’Anses est plus nuancé que le "rien de nouveau" qui a fait les titres de la presse. Les études sur bandes de fréquence 700 Mhz et 2,1 Ghz sont nombreuses et les services 5G ne modifient pas sensiblement l'équation sanitaire. En revanche, l’agence estime manquer d’études sur la bande des 26 Ghz promise aux objets connectés… mais aussi sur celle des 3,5 Ghz pourtant en cours de déploiement.
Donner suite aux débats 5G
Nantes, Rennes et Strasbourg, qui ont organisé des débats 5G ces derniers mois, vont par ailleurs devoir donner des suites concrètes à ces initiatives. À Strasbourg, la ville a mis en place une conférence citoyenne en décembre dernier et organisé des ateliers 5G en début d’année, dont les résultats n’ont pas été officiellement communiqués. Cela n’a du reste pas empêché la collectivité d’être l'une des premières à allumer ses antennes en février. À Nantes, la concertation citoyenne s’est terminée fin mars avec 300 participants, une dizaine de débats publics et 400 contributions de teneur très inégales, plutôt hostiles à la technologie. Dans un bilan provisoire , la collectivité affirme sa volonté "d’apporter des réponses d’ici l’été". Parmi les interrogations des Nantais, les effets sur la santé et l’utilité "réelle" de la 5G, mais aussi beaucoup de préoccupations plus générales sur la sobriété numérique, l’addiction aux écrans, la protection des données personnelles ou encore l’égalité d’accès au numérique…
A Rennes, la "mission 5G" lancée en novembre 2020 a rendu sa copie le 19 mars. Animée par un conseiller municipal, composée de 20 citoyens et 20 élus, elle a produit 54 propositions. Les pistes rennaises recoupent largement les nantaises, avec au total peu de sujets locaux (exposition dans le métro, création de zones blanches pour les électrosensibles…) et beaucoup d’enjeux relevant de décisions nationales ou européennes. Ces travaux pourraient cependant trouver un relais du côté des parlementaires et des associations d’élus locaux.
Remise à plat des chartes
À court terme, Rennes, Lille et Nantes entendent surtout suivre la voie ouverte par Paris (voir notre article du 22 février 2021) avec la réécriture de leur charte sur les antennes relais de téléphonie mobile. À Rennes, la nouvelle charte est annoncée pour fin avril et promet d’inclure des engagements "sur la santé, l’énergie, le respect de l'environnement et la transparence". À Nantes, la municipalité voudrait aussi obtenir un engagement des opérateurs sur la mutualisation des points hauts et l’absence d’antennes à moins de 100 mètres des crèches ou des écoles. Reste à savoir si les opérateurs mobiles accepteront de signer des dispositions aussi contraignantes. Ces derniers privilégient depuis plusieurs années des engagements nationaux strictement alignés sur la réglementation. Or celle-ci ne concède que peu de pouvoirs aux territoires en matière de d’implantations des antennes. Du reste, à Grenoble, son maire, Éric Piolle, a jeté l’éponge sur le dossier 5G en fustigeant en février dernier un gouvernement qui avait "ligoté les mains des élus locaux", les arrêtés municipaux réglementant les implantations d’antennes étant systématiquement retoqués par les tribunaux.
Mesures d’exposition en temps réel
Reste la question des mesures de champs électromagnétiques, sujet qui fait consensus bien au-delà des villes s’étant positionnées sur le moratoire 5G. À Nantes, la municipalité promet la création d’un "observatoire des ondes" fournissant des mesures en temps réel sur certains sites accueillant du public. La ville devrait s’appuyer sur le dispositif porté par la société Exem, spécialiste de la mesure d’ondes en temps réel. À Rennes, on s’intéresse aussi à ce dispositif – implanté aujourd’hui dans cinq villes : Bordeaux, Nantes, Marseille, Mulhouse et Paris – que l’on souhaite compléter par des "capteurs citoyens", sur le modèle de son dispositif "ambassad’air" dans le domaine de la qualité de l’air. Un pôle d’expertise municipal va dans cette optique être créé pour suivre au plus près les déploiements et la surveillance sanitaire des réseaux mobiles.
C’est d'ailleurs sur ce volet observation des ondes que la convergence de vue est la plus forte avec le gouvernement. Le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, a en effet annoncé l’an dernier une multiplication par trois du nombre de mesures de champs électromagnétique parallèlement au déploiement de la 5G. Des mesures qui devraient être prochainement complétées par une amélioration de l’accès aux dossiers d’information que doivent remettre les opérateurs pour chaque projet d’implantation d’antennes relais.