Alpes-Maritimes, Dunkerque... ou le retour des mesures territorialisées
Après le littoral des Alpes-Maritimes, l'agglomération de Dunkerque fera-t-elle l'objet d'une mesure de reconfinement ? Pour l'heure, les élus locaux espèrent pouvoir s'en tenir au mot d'ordre "zéro rassemblement". Réponse ce mercredi. En tout cas, face à des situations très contrastées entre territoires, l'exécutif choisit de nouveau la logique de l'"approche locale", du "cas par cas" concerté entre préfets et élus.
Après le littoral des Alpes-Maritimes, soumis à un nouveau confinement pendant deux week-ends (voir notre article), Dunkerque s'attend à son tour à de nouvelles restrictions pour faire face à une flambée des cas de Covid-19 due au variant anglais. Le gouvernement envisage en effet des "mesures supplémentaires de freinage" après une concertation avec les élus, a annoncé Matignon mardi à l'AFP. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, est attendu sur place ce mercredi 25 février pour trancher. Un conseil restreint de défense se tiendra aussi à l'Élysée mercredi à 9h et une réunion de ministres à Matignon est prévue à 20h.
Après une réunion en visioconférence entre les 22 maires de la communauté urbaine de Dunkerque, son président, Patrice Vergriete, – et maire de la ville - a pour sa part proposé mardi une "immense campagne de prévention" pour imposer le "zéro rassemblement" jusqu'au 15 mars. Un message à lancer tant aux entreprises, pour le respect maximal du télétravail, qu'aux familles pour éviter toutes retrouvailles ou tout regroupement d'enfants ou de jeunes. Si le gouvernement décidait finalement d'imposer un reconfinement, "nous ne nous y opposerons pas", mais "nous voulons donner une dernière chance à la population de ne pas être confinée", a déclaré Patrice Vergriete. Les élus de la CUD proposent en outre la poursuite de la campagne de dépistage exceptionnelle qui avait été lancée jeudi, puis prolongée jusqu'à mardi, demandent une "hausse des vaccinations" et le "port du masque obligatoire partout".
"Compte tenu de la situation, il vaut mieux régionaliser"
La situation est également surveillée de près en Île-de-France, où le taux d'incidence a augmenté de 242 cas pour 100.000 habitants sur sept jours, à 269, de jeudi à vendredi, selon les chiffres de l'Agence régionale de santé (ARS). À Paris, la préfecture de police a interdit la consommation d'alcool de 11h à 18h dans deux zones très fréquentées des Ve et VIe arrondissements.
Si certains territoires inquiètent, la France ne subit pas à ce stade l'explosion redoutée depuis plusieurs semaines du fait des variants, même si le ministre de la Santé s'est inquiété lundi d'une "nouvelle augmentation" depuis "quatre ou cinq jours consécutifs". "On a une forte hétérogénéité d'un point de vue épidémiologique" et "la circulation du variant a poussé ces niveaux de différence entre les régions encore plus fortement", a par exemple constaté sur France Inter l'épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm Vittoria Colizza.
Alors désormais, "la logique est de prendre une approche locale, de faire du cas par cas, en concertation, car les situations sont différentes au sein des régions", a expliqué mardi à l'AFP l'entourage d'Emmanuel Macron, en marge d'une visite du chef de l'État en Côte-d'Or. "Compte tenu de la situation, il vaut mieux régionaliser", aurait déclaré le chef de l'État à des élus lors de ce déplacement. Ce qui serait un léger changement de cap après cinq semaines d'un régime uniforme de couvre-feu à 18h00 sur tout le territoire. Ou plutôt un retour à une logique que l'on a déjà connue, au temps des cartes de France aux diverses nuances de rouge projetées par le gouvernement lors des conférences de presse du jeudi soir.
En tout cas, les décisions prises lundi pour les Alpes-Maritimes ont semble-t-il recueilli l'assentiment des élus locaux, qui avaient transmis durant le week-end au préfet leurs pistes privilégiées. "Je me satisfais de l'annonce (...) de ces nouvelles mesures", a ainsi indiqué le maire de Nice, Christian Estrosi, en soulignant avoir "beaucoup échangé" avec Olivier Véran.
"Les choses peuvent atterrir assez bien"
En laissant ainsi le couple maire-préfet à la manoeuvre des annonces et de leur service après-vente, l'exécutif a trouvé un cas d'école pour sa méthode, qui avait connu une réussite similaire en juillet dernier en Mayenne, où un rebond épidémique avait été endigué grâce à des acteurs au diapason. "Le cas niçois est un bon exemple de ce que les choses peuvent atterrir assez bien", se félicite ainsi un membre du gouvernement, qui espère que l'action "au niveau territorial" permettra "d'éviter un confinement national".
Mais la stratégie territorialisée peut aussi s'avérer sensible, l'exécutif se retrouvant tour à tour accusé d'en faire trop ou pas assez et de briser le principe d'égalité entre les territoires. À terme, la multiplication des mesures locales pose aussi un souci de lisibilité qui conduit les oppositions à "faire le coup du voyage en absurdie", comme le pointe un conseiller.
Parallèlement, l'exécutif a aussi été encouragé par plusieurs rapports à assouplir sa gestion. À l'image de celui mené par l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui, revenant sur l'épisode marseillais, relevait que "l'annonce depuis Paris du classement en zone d'alerte maximale de la ville et des mesures restrictives afférentes a été ressentie comme soudaine et non concertée" et a "fortement alimenté le sentiment antijacobin de Marseille".
Reste la question de l'organisation de l'État déconcentré, pas toujours propice aux décisions territorialisées. En ce sens, un ministre plaide pour que les préfets se voient rattacher toutes les administrations sur leur territoire, dont l'agence de santé ou les services de l'Éducation nationale, afin de consacrer l'échelon départemental dans la gestion des crises. Un credo qui est celui de nombreux représentants des collectivités… depuis bientôt un an.