Cour des comptes - Abattoirs : "l'intervention des collectivités" n'a plus lieu d'être
La Cour des comptes questionne la gestion des abattoirs publics d'animaux de boucherie par les collectivités locales, proposant de confier leur gestion à tous les acteurs concernés ou de basculer vers l'abattage mobile.
"La situation financière des abattoirs publics d'animaux de boucherie est dégradée. Ce constat amène la Cour à considérer que l'intervention des collectivités locales en matière d'abattage a perdu ses justifications", indique l'institution dans son rapport annuel, consacrant pas moins de 40 pages à la question et rappelant que "90% de la production et de l’abattage relève aujourd’hui de cinq opérateurs industriels privés", rendant la place des équipements publics "résiduelle" : leur production totale ne représente plus que 7% de l'ensemble de la filière".
L'étude portant sur 80 abattoirs publics, communaux ou intercommunaux, dans neuf régions, montre des équipements "souvent surdimensionnés et sous-exploités. De plus, "les tarifs pratiqués ne permettent toujours pas d'assurer l'équilibre des services et les budgets communaux supportent de lourdes charges qui s'assimilent souvent à des aides économiques consenties à des opérateurs privés", assure le rapport. La Cour souligne que de nombreux abattoirs publics ont été maintenus pour permettre à de petites exploitations locales "d'obtenir les recettes nécessaires à leur maintien" et assurant ainsi "une fonction 'socio-économique'".
Mais pour la Cour, le soutien public à ces équipements de proximité ne se justifierait que si "la localisation des équipements avait pour conséquence systématique, dans certaines zones, un transport des animaux pendant plus de huit heures, durée fixée par un arrêté du 5 novembre 1996 du ministre de l'Agriculture". Or "ce n'est pas le cas", souligne-t-elle.
L'argument de vouloir favoriser les circuits courts ne tient pas non plus, selon elle, car "la proximité du lieu d’abattage n’est pas nécessaire pour promouvoir les circuits courts", leur spécificité n'étant pas "la distance entre le producteur et le consommateur mais le faible niveau d'intermédiation".
Alors "si le développement économique local et l’aménagement du territoire régional, en lien notamment avec le soutien aux filières spécifiques, peuvent éventuellement justifier une forme d’intervention publique, de nouveaux modes d’abattage et de nouvelles modalités de gestion doivent permettre de proposer des solutions de substitution à l’existence d’abattoirs publics financés uniquement par l’État et les collectivités territoriales : coopératives d’utilisation de matériel agricole, sociétés coopératives d’intérêt collectif, abattage à la ferme, abattage mobile…", suggère la Cour. Elle rappelle ainsi que la loi alimentation ("Egalim") a prévu de mener une expérimentation d'abattoirs mobiles permettant un abattage à la ferme.
Elle propose également un mode de gestion privé collectif des abattoirs qui associerait tous les acteurs concernés : petits exploitants, bouchers chevillards (grossistes) et même les salariés des équipements, sous la forme soit de coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma), soit de sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic). Autant d'évolutions qui devront selon elle "être portées" par les régions, en tant que collectivité compétente en matière "de développement économique et d’aménagement du territoire". Il faudrait de ce fait "faire correspondre le ressort des commissions interrégionales des abattoirs et le périmètre des nouvelles régions". Dans le même temps, la Cour estime utile de "réactiver l’Observatoire national des abattoirs de façon à permettre à l’État de jouer son rôle de régulation".
Ces abattoirs assurent un "service public" avec "un maillage du territoire", a rappelé à l'AFP Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB), en réaction au rapport. "Quand on parle de plus en plus d'intégrer les enjeux du bien-être animal, ça dépasse les simples calculs économiques", a-t-il souligné, ajoutant qu'il attendait une "cohérence politique" sur la question. Emmanuel Macron avait pour sa part proposé le financement d'abattoirs pour échapper à l'emprise du groupe dominant dans le secteur de la viande, accusé de maintenir des prix trop bas, en octobre au Sommet de l'élevage à Cournon d'Auvergne.