2023 année de "transition" de l'aménagement commercial ?
En quelques années, le nombre de projets examinés par les commissions départementales d'aménagement commercial a fortement diminué. En 2023, elles ont donné leur feu vert à 389 projets représentant 557.000 m2. De son côté, la Commission nationale d'aménagement commercial (Cnac) a repêché 56% des projets recalés, même si elle se félicite d'avoir empêché l'artificialisation de l'équivalent de 13 stades de rugby. S'il faut voir dans la mise en oeuvre du ZAN (et du décret du 13 octobre 2022) l'explication à ce coup de frein, d'autres facteurs entrent en ligne de compte, notamment économiques.
Autrefois accusées d'être des "machines à dire oui", les commissions départementales d'aménagement commercial (Cdac) ne se sont pas transformées du jour au lendemain en Père Fouettard de l'autorisation d'exploitation commerciale. Elles donnent toujours leur feu vert à 86% des projets qui leur sont soumis. Un taux qui a même un peu progressé par rapport à 2018-2019 (79%). Mais avec un nombre global de projets en nette diminution, ce sont au final 30% de décisions en moins sur un an pour une surface totale de vente examinée qui chute de 25%. Le nombre de projets examinés par les Cdac est en effet passé de 996 en 2017 à 451 en 2023, pour une surface de vente de plus de 2 millions de m2 à 657.500 m2, indique le rapport d'activité de la Commission nationale d'aménagement commercial (Cnac), présenté à Bercy, la semaine dernière. Le nombre de projets autorisés est tombé de 643 à 389, pour une surface de vente passée de 1,7 million de m2 à 557.000 m2.
Les départements les plus généreux en autorisations l'an dernier ont été le Finistère, le Pas-de-Calais, le Nord, l'Aisne, le Val-d'Oise, le Bas-Rhin, la Loire Atlantique, le Maine-et-Loire, la Vendée, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Marne, l'Isère, la Savoie, la Haute-Savoie ou encore le Doubs…
13 terrains de rugby
Dans le même temps, 40% des projets examinés par les Cdac ont fait l'objet d'un recours devant la Cnac. Or 56% des projets recalés par une Cdac ou contestés par un requérant (le préfet) ont été repêchés. Ce qui n'empêche pas la Cnac de se montrer positive sur l'évolution en cours, au prisme de la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN). Pour rappel, la loi Climat et Résilience de 2021 a posé un principe général d’interdiction d’octroi d’autorisation d’exploitation commerciale pour tout projet engendrant l'artificialisation des sols. Ainsi, depuis un décret du 13 octobre 2022, les Cdac doivent examiner le critère de l’artificialisation en sol, pour toute nouvelle demande d’AEC (voir notre article du 14 octobre 2022).
La Cnac se targue ainsi d'avoir retoqué 29 projets "qui auraient eu pour effet d’engendrer une artificialisation de 89.870 m², soit l’équivalent d’environ 13 terrains de rugby". L'image est parlante. "La Cnac s’est pleinement saisie de son rôle relatif à la lutte contre l’artificialisation des sols en matière d’aménagement commercial en veillant à ce que les porteurs de projets intègrent les nouvelles dispositions", souligne le rapport. Mais il rappelle aussi qu'en 2021, par exemple, la consommation d'espaces en France (tout confondu) était équivalente à 3 terrains de rugby par heure ! Autant dire que la diminution des autorisations de surfaces commerciales revient à vider la mer avec une petite cuiller. D'autant que les entrepôts du e-commerce sont exempts d'autorisation commerciale. Et qu'il existe toutes sortes de dérogations pour les projets de moins de 10.000 m2 (insertion en continuité des espaces urbanisés et prise en compte des caractéristiques du territoire auxquelles s'ajoutent des critères comme l'insertion dans un périmètre d'ORT, dans un quartier politique de la ville, dans un quartier urbanisé afin d'en améliorer la mixité fonctionnelle, compensation...).
La Cnac a ainsi demandé une "revoyure" à 21 projets dont 17 ont pu être repêchés. "Cela atteste, pour la plupart des projets, des efforts produits par les demandeurs entre les deux examens en matière de végétalisation, d’énergie renouvelable, de consommation du foncier notamment, et je les en remercie", se réjouit la présidente de la Cnac, Anne Blanc, en préambule du rapport. C'est qu'en fait, il est possible d'artificialiser sans artificialiser, selon un principe qu'elle rappelle : "Tout ce qui sera 'pris' sur la nature devra être 'rendu'." Elle se réjouit de deux tendances : "la recherche de mixité fonctionnelle et la préférence pour une densification de surfaces déjà urbanisées, et d’autre part, la reprise des friches."
Une surface de vente en augmentation
On notera par ailleurs que si la Cnac se félicite que ses décisions aient diminué de 23%, passant de 223 à 181, la surface totale de vente ainsi autorisée, elle, a augmenté de 15%, à près de 488.000 m2, contre 413.000 en 2022. Un effet qui peut "s’expliquer par la prise en compte de la jurisprudence 'Poulbric' (depuis une décision du Conseil d'Etat du 16 novembre 2022, les surfaces d’arrière-caisses et celles des sas d’entrée desservant un seul et unique commerce au sein d’un même bâtiment entrent dans le calcul de la surface de vente) mais aussi par "un confort d’achat accentué et un esthétisme amélioré : larges allées, espaces détentes pour la clientèle". Résultat : la surface moyenne examinée est passée de 1.851 m2 à 2.696 m² en un an.
Bercy voit cependant dans ces résultats un "tournant décisif et structurant pour l’aménagement commercial, désormais conçu au prisme de la préservation de la biodiversité et de la protection de l’environnement". Et la Cnac "fait figure d’exemple en veillant à favoriser des projets économes en sols et à limiter l’imperméabilisation des sols". Pour Anne Blanc, 2023 constitue bien "une année de transition". Mais le ZAN n'est pas la seule explication à la baisse des recours. Deux autres tendances entrent en ligne de compte : "la forte hausse du coût des matériaux de construction ainsi que le rapprochement entre certaines enseignes de la grande distribution" qui ont pu freiner les projets.
> Transformation des zones commerciales : une nouvelle vague de seize projetsFace au "succès" et aux "fortes sollicitations" suscitées par le plan de transformation des zones commerciales, le gouvernement a annoncé, vendredi 24 mai, une nouvelle salve de 16 projets, pour un montant de 5,4 millions d'euros. Ce qui porte à 90 le nombre de projets financés par ce programme lancé en septembre pour redessiner ces immenses zones de périphérie, dans un objectif de renaturation et de mixité fonctionnelle (voir notre article du 11 septembre 2023). Une première vague de 74 projets avait été dévoilée à Avignon, le 29 mars (voir notre article du 29 mars). Les lauréats vont de petites villes de 5.000 habitants à des métropoles de plus de 800.000 habitants : Montbrison (Loire), Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Epagny Metz-Tessy (Haute-Savoie), Limoges (Haute-Vienne), Lescar (Pyrénées-Atlantiques), Trignac et Saint-Herblain (Loire-Atlantique), Dives-sur-Mer (Calvados), Toulouse (Haute-Garonne), Barentin (Seine-Maritime), Grande-Synthe et Villeneuve d'Ascq (Nord), Briançon (Hautes-Alpes), Carcassonne (Aude), La Valette (Var) et Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ces territoires recevront un accompagnement en ingénierie, une aide à la conduite de projets ou un financement de déficit d’opération. "C’est important que des territoires comme Toulouse, Clermont, Limoges ou encore Carcassonne le rejoignent, et je me réjouis que des territoires ruraux s’engagent", s'est félicitée Olivia Grégoire ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, dans un communiqué. Pour Guillaume Kasbarian, ministre du Logement, ces projets doivent "recréer des lieux de vie, des lieux de partage, des lieux qui mixent les usages" et "permettre de développer du logement là où sont les besoins". Il est prévu une troisième vague de projets à l’automne 2024. L'enveloppe initiale de 24 millions d'euros consacrée au programme dépasse déjà les 30 millions d'euros. |