À Dunkerque, des Fabriques d’initiatives locales pour construire l’avenir (59)

Les Fabriques d’initiatives locales (Fil) offrent à l’ensemble des habitants la possibilité de s’exprimer et de participer. Présentation de la démarche, de la méthode et des outils développés par la ville de Dunkerque.

Depuis 2014 la ville de Dunkerque coconstruit des projets avec ses habitants. Pour ce faire, elle a développé une stratégie visant à acculturer à la démarche tous les acteurs concernés, c’est-à-dire les habitants, les élus et les services de la ville… Ce qui n’est pas simple car il faut composer avec les regards croisés des uns et des autres. À Dunkerque, le maire Patrice Vergriete, l’adjointe à la démocratie locale Marjorie Eloy et la municipalité sont très volontaristes pour élaborer les projets avec la participation des habitants et les acteurs locaux.

Un objectif : débattre pour mettre tout le monde d’accord

Le travail participatif sur des projets d’aménagement ou d’amélioration de la vie quotidienne a pourtant prouvé ses avantages… Quand il est bien mené. Car l’objectif vise à aboutir à une décision collective. « Et donc à confronter des points de vue souvent contradictoires ! », explique Alexis Favre-Gilly, chargé de mission Participation des habitants. Un exemple à Dunkerque : pour réaménager l’avenue de la Mer et créer une piste cyclable (sujet hautement délicat dans toutes les communes !), différentes options se présentaient : supprimer des places de stationnement, couper des arbres, ou obliger les riverains à faire un grand détour pour sortir de chez eux en évitant la piste. Cruel dilemme ! Après une visite sur site avec l’élu, le service technique concerné et les habitants, trois ateliers de discussions ont été organisés pour tenter de trouver un compromis entre les défenseurs des arbres, les cyclistes et les riverains. À force d’écouter les arguments des uns et des autres, les participants ont fini par trouver un consensus. Ce qui est exactement le but recherché !

« Il est essentiel que lors de ces rencontres, tous les points de vue soient exprimés afin que les habitants comprennent les enjeux, y compris financiers, poursuit le chargé de mission. Lorsque nous avons commencé à réfléchir à l’aménagement d’une base de loisirs sur le fort de Petite Synthe, nous avons affrété des cars pour faire visiter d’autres bases de loisirs du département. Certains habitants voulaient une tyrolienne, d’autres une aire de jeux, d’autres des filets suspendus, etc. Puis nous avons présenté, entre autres, le montant de chacun des équipements afin qu’ils fassent un choix. Car la ville ne pouvait pas tout financer d’un coup. Les gens le comprennent et parviennent à se mettre d’accord. Au-delà de la coconstruction, l’intérêt de ce processus, c’est aussi de faire de la pédagogie sur l’action publique : on donne des éléments d’information aux habitants pour leur donner les clés de compréhension sur certains sujets pour mieux se positionner. Sachant que mobiliser la population, c’est aussi impliquer les associations, les commerçants, etc. afin de faire la ville ensemble. »

Qui peut participer aux Fils ?

À Dunkerque, la méthode est désormais bien rodée. Les fabriques d’initiatives locales sont organisées dans tous les quartiers. Tous les habitants peuvent participer, quels que soient leur âge, leur lieu de résidence ou encore leur nationalité. Il n’est pas obligatoire d’avoir participé à toutes les réunions ou ateliers pour s’exprimer.

Chaque démarche participative a un début, une fin et surtout un résultat concret. Ces projets peuvent porter sur des thèmes variés, par exemple : un plan de déplacement du quartier, un aménagement urbain, un projet sportif, les usages d’un équipement public, la nature en ville… Ils portent essentiellement sur la conception et la mise en œuvre, plus rarement sur une réalisation (fabrication) collective.

Expertise méthodologique

Côté organisation municipale, la démarche s’est désormais diffusée au niveau de tous les services de la ville : quartiers, voirie, culture, sports, etc. Lorsque, par exemple, la municipalité souhaite réaménager une place publique et proposer son projet dans le cadre du Fil, ce sont les services concernés (mairie de quartier, urbanisme/voirie…) qui organisent et mettent en œuvre le processus. « Je ne pilote pas les démarches, je les accompagne en apportant mon expertise méthodologique », précise Alexis Favre-Gilly.

Une Fil commence en général par une présentation publique du projet envisagé par la mairie auprès des habitants. Ces derniers sont informés par le journal municipal, les réseaux sociaux, parfois des flyers dans les boîtes aux lettres et une mobilisation dans l’espace public. Lors de cette prise de contact, les élus, les techniciens municipaux et parfois d’autres acteurs (associations, experts d’une thématique, ou autre) sont conviés. La deuxième étape, essentielle, c’est la visite sur le terrain : déambulation sur site ou découverte d’autres projets inspirants. « Le fait d’avoir visité plusieurs bases de loisirs avec les habitants a beaucoup nourri notre réflexion sur le projet dunkerquois. Les participants se sont rencontrés plusieurs fois, ils ont fait connaissance, cela a apaisé les relations, ouvert les regards, obligé chacun à écouter les arguments de l’autre. Cela a vraiment été fondateur, il y a eu un avant et un après », observe le chargé de mission.

Une organisation exigeante

En termes de logistique, l’organisation est assez simple : il suffit d’une salle ou d’un lieu en extérieur, indiqué par une tonnelle par exemple. Les rencontres publiques sont le plus souvent organisées le soir, entre 18 heures et 20 heures, pour mobiliser le plus grand nombre. La ville doit s’adapter à chaque démarche et tout au long d’une Fil, pour favoriser la participation : dates, formats et horaires des réunions, garderie mobile pour les enfants pour que les parents puissent participer, etc. Pour le travail en sous-groupe, il faut compter un animateur par atelier, souvent accompagné par des experts ou des représentants d’association, ce qui peut représenter 10 à 15 professionnels présents dans certains cas. « Les Fil sont une démarche phare à Dunkerque mais il est vrai que c’est une démarche exigeante », souligne Alexis Favre Gilly.

Quant au coût de telles opérations, il est difficile à évaluer… « Comme il s’agit d’une démarche de projet, le budget de chaque Fil est fixé en amont et fait partie du cadre de travail avec les habitants. Des budgets d’accompagnement sont également prévus pour animer ces démarches », précise le chargé de mission.

La ville de Dunkerque a récemment recruté une chargée de mission Mobilisation des publics et accompagnement des démarches participatives, qui est chargée de valoriser les actions et de les diffuser sur le site Internet et les médias de la ville. Car il est ici essentiel que les habitants soient informés du processus, du déroulé et du résultat de leur implication dans la construction de l’avenir local. Afin qu’ils s’approprient la démarche.

S’il est malaisé de chiffrer précisément le nombre d’habitants ayant participé à ces opérations, Alexis Favre-Gilly l’estime à plus de 5.000. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les projets ainsi concertés sont bien acceptés par la population. Et même revendiqués !

Commune de Dunkerque

Nombre d'habitants :

86788
Place Charles Valentin
59 140 Dunkerque
contact@ville-dunkerque.fr

Marjorie Eloy

Adjointe au maire, en charge de la démocratie locale et de la vie associative, de l’animation et du tourisme

Alexis Favre-Gilly

Chargé de mission participation des habitants, au sein de la direction démocratie, initiatives locales et solidarité

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