Transition écologique : comment mieux orienter les investissements ?
Un rapport parlementaire sur les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique, présenté ce 30 janvier, propose notamment des pistes pour conforter les efforts des ménages dans la rénovation énergétique des logements et la mobilité propre.
Il manque de l'ordre de 15 à 20 milliards d'euros d'investissements annuels, majoritairement privés, pour répondre aux objectifs de l'Accord de Paris sur le climat, constate un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique présenté ce 30 janvier. Le déficit touche en particulier la rénovation énergétique des bâtiments (5 milliards d'euros), les véhicules bas carbone (6 milliards d'euros) et les réseaux de chaleur (4 milliards d'euros), a détaillé Bénédicte Peyrol, députée LREM de l'Allier et co-rapporteur avec Christophe Bouillon (Socialistes et apparentés, Seine-Maritime).
Il faudrait d'abord selon les deux parlementaires que le rôle stratégique des pouvoirs publics dans la transition écologique soit mieux assumé. Pour cela, ils proposent d'adosser la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) à une estimation des besoins d'investissements par secteurs et à leur déclinaison entre financements publics et privés. Ils préconisent également d'instituer un "espace de discussion" entre acteurs afin de vérifier que le plan de financement est cohérent avec le plan d'investissement.
Pour une fiscalité écologique pleinement intégrée dans le système fiscal
Si les deux députés avaient engagé leurs travaux bien avant la crise des gilets jaunes, ils s'interrogent aussi sur la manière dont a été bâtie la fiscalité écologique qui pose aujourd'hui un problème d'acceptabilité. De même qu'ils jugent souhaitable d'insérer des objectifs environnementaux dans la construction des budgets des personnes publiques, ils souhaitent que la fiscalité écologique soit pleinement intégrée au système fiscal, et non ajoutée comme "une pièce rapportée", selon les termes de Bénédicte Peyrol. "La Suède, par exemple, a mis la fiscalité écologique au cœur de la réforme de sa fiscalité dans les années 90, a appuyé la députée de l'Allier. On doit s'interroger sur cet enjeu dans le cadre du Grand Débat national." Soulignant "les effets anti-redistributifs de mesures comme la trajectoire carbone", les deux rapporteurs jugent nécessaires d'"assurer la complémentarité des aides à la transition écologique avec les aides sociales" car les deux sont liées, a appuyé Bénédicte Peyrol.
Mobilité : conforter le prime à la conversion
Ils appellent à conforter les soutiens publics directs aux secteurs de la transition écologique en sanctuarisant notamment les crédits des programmes d'investissement d'avenir (PIA) qui lui sont dédiés et en poursuivant le soutien aux énergies renouvelables, en augmentant en particulier les moyens du fonds Chaleur. Ils proposent aussi de renouveler les dispositifs de soutien publics apportés aux ménages. Alors que l'accès des ménages à des véhicules sobres en carbone est jugé trop limité, il faut "conforter la dynamique budgétaire de la prime à la conversion et mesurer les effets redistributifs selon les ménages et les territoires", a souligné Christophe Bouillon.
Rénovation énergétique des logements : mieux cibler les ménages modestes
Pour la rénovation énergétique des logements, qui mobilise 3,5 milliards d'euros de financements, le co-rapporteur a insisté sur la nécessité de "mieux articuler les dispositifs pour éviter les effets d'aubaine" et de "mieux articuler les critères d'éligibilité au profit des foyers les plus modestes". Principale cible : le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) qui bénéficie pour moitié aux 20% des ménages les plus aisés, relève le député. Il propose donc de le transformer en prime mieux ciblée vers les ménages modestes, les locataires et les copropriétés, en incluant l'audit énergétique et une partie de la maîtrise d'œuvre dans le champ des dépenses éligibles. Autre proposition : appuyer le développement des sociétés de tiers financement. Souvent issues d'initiatives des régions, elles permettent d'associer ingénierie financière et offre technique pour accompagner les projets de rénovation énergétique. Pour faciliter leur essor, l'idée est d'expertiser, sur la base d'une analyse de performance de leurs portefeuilles de créances, les modalités de leur refinancement par la constitution d'actifs verts issus de ces créances.
"Valeur verte des logements"
Enfin, pour "révéler sur la durée la valeur verte des logements", a expliqué Christophe Bouillon, le rapport propose de réfléchir à des mécanismes progressifs de signaux prix incitant les propriétaires à investir dans la rénovation énergétique des logements. Il pourrait s'agir d'une modulation de la fiscalité foncière en fonction de la performance énergétique des logements. Autre pratique, déjà à l'œuvre au Royaume-Uni : fixer une période transitoire suffisamment longue, au terme de laquelle les biens les moins performants ne pourraient plus être mis en location.