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Sur fond de crise catalane, un accord pour la Nouvelle-Calédonie, des élections en Corse

A l'heure des remous catalans, le gouvernement français va devoir gérer deux dossiers sensibles : l’organisation du référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie avant novembre 2018, et la création au 1er janvier 2018 de la collectivité unique Corse avec des nationalistes qui mettent l'autonomie au coeur de leur programme.

Au cours de la crise catalane, les autorités françaises ont observé une grande prudence. Les risques de "contagion" à d'autres territoires de l'Europe sont dans bien des esprits. Dans les Pyrénées-Orientales, deux mouvements irrédentistes, Unitat Catalana et le Comité d’autodétermination de la Catalogne Nord, font parler d’eux depuis quelques années. Ce n’est pas un hasard si ces mouvements ont immédiatement proposé l’asile à Carles Puigdemont quand l’affaire a mal tourné pour lui.
Dans ce contexte délicat, le gouvernement a à gérer deux autres dossiers sensibles : l’organisation du référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie au plus tard en novembre 2018 et la création au 1er janvier 2018 de la collectivité unique Corse avec des nationalistes en position de force.

Nouvelle-Calédonie : accord politique

Sur les conditions d’organisation du référendum de Nouvelle-Calédonie, un accord a été trouvé, jeudi 2 novembre, à l’issue d’une journée d’intenses négociations à Matignon entre les membres du "comité de signataires" de l’accord de Nouméa de 1998, lui-même issu des accords de Matignon du 26 juin 1988 signés au terme de plusieurs années de violence culminant avec le drame de la grotte d’Ouvéa. "Nous avons ce soir un accord politique et, peut-être au-delà de cet accord politique, nous avons une confiance. C'est au moins aussi important. Il nous reste du travail et ce travail est difficile", s’est succinctement exprimé le Premier ministre, Edouard Philippe, tard dans la soirée, entouré de la ministre des Outre-Mer, Annick Girardin, et des différents membres du comité, élus à la fois pro et anti-indépendantistes. Cet accord doit se traduire dans une résolution puis dans un projet de loi organique. Alors que la Nouvelle-Calédonie a déjà obtenu de nombreux transferts de souveraineté ces dernières années (au point d'être à présent membre associé de l'Unesco), l’enjeu du référendum est de décider d'une indépendance totale. Or les jeux restent encore ouverts à ce jour. Si l’accord trouvé jeudi n’a pas permis de trancher les termes exacts de la question qui sera posée aux électeurs, il a permis d’avancer sur la principale pierre d’achoppement entre indépendantistes et loyalistes : celle de la constitution du corps électoral. Toute contestation de cette base risquerait de mettre à mal l'issue du vote. Ce corps électoral a été en quelque sorte figé par l’accord de Nouméa afin que ne puissent s’exprimer que ceux qui en ont la légitimité. Il prévoit en effet que seuls pourront participer au vote les personnes inscrites sur une liste spéciale (Lesc). Pour pouvoir y figurer, deux possibilités : être natif de l’île (que l'on soit Canaque ou non) ou, pour les non-natifs, être arrivé avant le 31 décembre 1994 et justifier de vingt ans de présence en continu. Encore faut-il pour les natifs être inscrits sur une liste générale (LEG), celle valable pour les élections nationales françaises. Or nombre d’entre eux n’ont pas fait la démarche. Les estimations récentes ont montré que 10.922 natifs, en majorité des Canaques, n’étaient pas inscrits sur la LEG. Ce qui aurait joué en défaveur des autochtones. D’où la revendication de ces derniers d’une inscription d’office. Les membres du comité ont ainsi convenu de la "nécessité politique de procéder, de manière exceptionnelle et en raison de la consultation à l’inscription d’office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la LEG, préalable nécessaire à leur inscription sur la Lesc". Ils se sont ainsi entendus sur l’inscription d’office sur la Lesc des personnes de statut civil coutumier (Canaques) et des natifs de statut civil de droit commun (non-Canaques) dès lors que ces derniers "ont une résidence de trois ans attestée par les fichiers d’assurés sociaux". "Cette durée de résidence, associée au fait d’être né en Nouvelle-Calédonie, constitue une présomption simple de détention du centre d’intérêts matériels et moraux", souligne l’accord. Par ailleurs, une campagne de sensibilisation à l’inscription sur les listes générales sera lancée "dans les semaines à venir".
L’accord prévoit aussi qu’une mission d’experts de l’ONU sera présente lors du processus de consultation et de mettre en place des bureaux décentralisés… Le débat "se poursuivra désormais lors de l'examen du projet de loi organique que le gouvernement prépare à présent", a précisé le Premier ministre, qui a confirmé qu'il se rendrait fin novembre en Nouvelle-Calédonie.

Corse : des élections les 3 et 10 décembre 2017

Autre exercice périlleux : la création de la collectivité unique de Corse, issue de la fusion des deux départements actuels et de la collectivité territoriale, comme prévu par la loi Notre du 7 août 2015. C’est à l’ancien directeur général des services de la ville de Bastia, Jean-Louis Santoni, qu’a été confié le soin de préparer cette échéance. Le chantier doit conduire à fusionner les agences et les services des collectivités actuelles, et à harmoniser leurs systèmes budgétaires… Mais à côté des aspects techniques, il y a les enjeux politiques avec les élections territoriales des 3 et 10 décembre pour lesquelles nationalistes, indépendantistes et autonomistes ont décidé de faire liste commune. Dans leur programme, ces derniers entendent obtenir une "statut d’autonomie" dans les trois ans pour une mise en œuvre en dix ans. Délai au terme duquel, il appartiendrait aux Corses de "dire si ce statut leur convient" ou "s’il convient d’aller plus avant"… Après avoir remporté les élections territoriales de 2015 et obtenu trois députés lors des élections législatives, ces derniers se sentent pousser des ailes. Le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, a immédiatement salué, le 27 octobre, la "naissance de la République de Catalogne". Quatre jours plus tard, à l’Assemblée, le député de Corse-du-Sud Paul André Colombani a interpellé le Premier ministre pour lui demander s’il était favorable "une fois les élections territoriales de décembre acquises, à l’ouverture d’un processus de dialogue associant l’ensemble des forces vives de notre île, en vue de déboucher dans les meilleurs délais sur une autonomie de plein exercice et de plein droit ". "Comme l’a dit le président de la République lorsqu’il est allé en Corse, nous sommes favorables à l’autonomie de la Corse, mais à l’autonomie de la Corse dans la République française", lui a répondu le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb. "Au moment où de grandes puissances émergent à travers le monde, il ne saurait y avoir de processus de dislocation. Nous y perdrions – et vous, et nous."