Quand les noms des établissements scolaires révèlent leur profil social
Une étude originale du Conseil de l'évaluation de l'école s'est penchée sur les noms des établissements scolaires et en tire – parfois – un enseignement sociologique.
Dis-moi le nom de ton école, je te dirai dans quel quartier il se situe. Voilà comment pourrait être résumée une étude du Conseil de l'évaluation de l'école publiée fin février 2024 et intitulée "De quoi les établissements scolaires sont‑ils le nom ?"
La première partie de l'étude tient parfois de l'anecdote. On y apprend que si la majorité des établissements scolaires publics de France dispose d'un nom officiel, on recense tout de même 11.546 écoles sans nom, soit 27% des établissements du premier degré, "implantées le plus souvent en milieu rural, dans des communes où elles sont la seule entité scolaire", précise l'étude. Dans les collèges et lycées, les établissements "anonymes" ne sont respectivement que 0,2% et 0,1% de l'ensemble. On note encore que 30% des écoles, 23% des collèges et 20% des lycées portent des noms ne faisant pas référence à une personne.
Féminisation à l'œuvre
Pour les 43% des écoles, 77% des collèges et 80% des lycées baptisés d'après le nom d'une ou plusieurs personnes, ces noms sont en très grande majorité ceux d'hommes (78% dans les écoles, 85% dans les lycées), français (91% dans les écoles, 89% dans les lycées) et qui se sont illustrés sous la IIIe République ou après 1940. Résultat : près de 100.000 élèves sont scolarisés dans l'une des 523 écoles Jules-Ferry de France et plus de 50.000 dans l'un des 95 collèges ou lycées Jean-Moulin.
Parmi les établissements portant le nom d'une personnalité, seulement 23% des écoles, 16% des lycées et 17% des collèges honorent une femme. Et le nom de femme le plus présent au fronton des établissements est celui de Marie Curie, seule à figurer parmi les dix noms les plus fréquemment utilisés. Toutefois, nous précise l'étude, "l'analyse des noms attribués depuis 2017 montre une féminisation significative des noms des écoles et des établissements". Parmi les établissements qui ont été baptisés selon le nom d'une personne entre 2017 et 2023, 45% portent le nom d'une femme, une part qui atteint même 65% pour les collèges.
Profil sociologique
On remarque encore certains tropismes locaux, quand les noms renvoient à l'histoire du territoire d'implantation de l'établissement. Ainsi, on ne s'étonne pas de trouver un lycée Corneille à Rouen, un lycée Robespierre à Arras ou encore plusieurs écoles, collèges et lycées Aliénor-d'Aquitaine en Nouvelle-Aquitaine.
L'étude prend une dimension plus sociologique lorsqu'elle met en parallèle le nom des établissements avec le profil social de ses élèves, en se référant à l'indice de position sociale (IPS). "Au collège par exemple, certains noms sont davantage associés à un public socialement défavorisé, d'autres à un public plus favorisé", pointe l'étude.
Ainsi, les collèges Rosa-Parks s'avèrent surreprésentés parmi les collèges relevant de l'éducation prioritaire et scolarisent, en moyenne, des élèves plutôt socialement défavorisés. Il en va de même pour les collèges Pablo-Neruda, Henri-Wallon, Anatole-France, Joséphine-Baker ou Elsa-Triolet. À l'inverse, les collèges Georges-Pompidou, Charles-Péguy, Françoise-Dolto ou Paul-Bert possèdent un IPS approchant ou dépassant 110 et correspondant à un vivier d'élèves socialement favorisés.