Orientation : la compétence régionale toujours au milieu du gué

Près de six ans après sa dernière grande réforme, l'orientation scolaire et professionnelle fait toujours débat. Une étude de l'Injep montre que si les régions s'en sont bien emparées, rien n'est encore abouti, a fortiori dans des territoires qui ont beaucoup grandi.

Les réformes successives de la mission des conseils régionaux en matière d'orientation, et en particulier la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel, "ne semblent pas constituer un point d'aboutissement". Tel est le principal enseignement d'une récente étude de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep). Pour en arriver à ce constat, les auteurs ont analysé les évolutions des politiques d'orientation en Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine, deux régions qui "ont souvent été identifiées comme exemplaires sur ce sujet" et qui ont fait l'objet d'une fusion – et donc d'un agrandissement – en 2016. 

Adéquationnisme 

Actuellement, les régions sont chargées d'une double mission : l'organisation des actions d'information sur les métiers et les formations, et l'élaboration et la diffusion, en collaboration avec l'Onisep et l'État, de la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions. L'étude de l'Injep étudie tout d'abord "le cadre cognitif" dans lequel se développent ces missions. Un cadre qui "se construit à l'intersection de deux logiques : insertion professionnelle rapide et durable d'un côté, développement des compétences et des aspirations individuelles de l'autre". 

Dans les deux régions étudiées, on observe le recours à l'adéquationnisme, c'est-à-dire une recherche d'adéquation entre besoins de main-d'œuvre et formation des individus. Mais pour les auteurs, cet adéquationnisme est "assumé" en Auvergne-Rhône-Alpes, tandis qu'il est "resitué" en Nouvelle-Aquitaine. En d'autres termes, quand la première région assume "une stratégie de justification" présentant l'adéquationnisme "comme légitime" pour l'orientation de tous les jeunes, la seconde recherche "une triangulation" entre soutien aux dynamiques économiques locales, logique de développement des filières de formations et d'emplois et prise en compte des aspirations individuelles.

Lisibilité 

En deuxième lieu, l'étude se penche sur "le système d'acteurs" de l'orientation. Ici, la fusion des anciennes régions a produit un effet différent dans chacune des deux régions. La Nouvelle-Aquitaine a ainsi fait le choix de la décentralisation au niveau infrarégional. Si elle a créé une nouvelle direction dédiée à l'orientation afin de prendre en charge ses nouvelles compétences, elle a également fait le choix de conserver les architectures héritées de l'ancienne région Aquitaine en situant l'orientation dans un pôle formation et apprentissage. 
En Auvergne-Rhône-Alpes, la nouvelle politique d'orientation ne semble pas avoir été accompagnée "d'une velléité décentralisatrice particulièrement affirmée". Le but était plutôt de "rendre lisible l'action de la région comme acteur et pilote de l'orientation professionnelle". Il s'est manifesté par la création d'une nouvelle structure : l'association Auvergne-Rhône-Alpes Orientation (Arao), financée pour une large part par la région et présidée par une conseillère régionale. 

Illectronisme

Au-delà de la réorganisation au sein des conseils régionaux, l'analyse du rôle des acteurs de l'orientation amène l'Injep à un constat : "Les dispositifs régionaux en direction des publics scolaires viennent en complément plutôt qu'en remplacement des outils internes à l'Éducation nationale". Mais ce "cadre partenarial est rendu évidemment plus compliqué lorsque les régions affichent un volontarisme perçu [par l'Éducation nationale] comme plus 'agressif'." La question de l'entrée des services de la région dans les établissements scolaires est par exemple mise en avant.

In fine, les réformes de l'orientation "ne semblent pas constituer un point d'aboutissement et le sentiment d'une décentralisation inachevée ou 'au milieu du gué' demeure vivace", pointe l'Injep. Paradoxalement, ces réformes semblent même avoir ouvert d'autres fronts. L'un des principaux défis auxquels les régions sont confrontées – en particulier dans "un contexte d'agrandissement des régions qui tend à finalement éloigner la capitale régionale et ses instances" – est ainsi le déploiement de leurs interventions en tous points de leur territoire. Et pour y répondre, aux côtés de solutions d'itinérance de certains dispositifs, le fort développement de solutions numériques "pose en filigrane le risque d'une hypertrophie numérique où le danger de se perdre augmente pour les usagers, notamment ceux en situation d'illectronisme".