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Commande publique - Nouveau : instauration d'un contrôle de la compétence des personnes publiques candidates dès le référé précontractuel

Une décision du 18 septembre du Conseil d'Etat marque un important revirement de jurisprudence concernant l'étendue de l'office du juge précontractuel, qui n'est désormais plus cantonné aux questions strictement procédurales.

Le 2 septembre dernier au Conseil d'Etat, lors d'une audience des 7e et 2e sous-sections réunies, les conclusions du rapporteur public ouvraient la voie à un revirement de jurisprudence en envisageant la possibilité d'un élargissement de l'office du juge du référé précontractuel (lire notre article du 8 septembre). Dans sa décision du 18 septembre, le Conseil d'Etat, bien qu'il ait choisi de prononcer un non-lieu sur le fond du litige, a suivi les conclusions du rapporteur public.
En l'occurrence, la commune de Brie avait lancé une procédure négociée pour la passation d'un marché visant à la réalisation d'études d'urbanisme portant sur la création d'une zone d'aménagement concertée. Ce marché a été attribué à un groupement de commande composé notamment du Conservatoire national des arts et métiers des Pays de la Loire et de l'association de gestion de ce Conservatoire. Candidates évincées, plusieurs entreprises ont demandé au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Rennes d'annuler la procédure de passation. Ce dernier y a fait droit, au motif que le conservatoire n'était pas en mesure de délivrer les prestations de conseil juridique en droit de l'urbanisme prévues par le règlement de la consultation. Conformément au principe de spécialité qui délimite la compétence des établissements publics, ces derniers ne peuvent agir que dans de strictes limites. A la suite de cette ordonnance, le groupement de commande attributaire a saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation. La question qui se posait était alors de savoir si le juge du référé précontractuel pouvait contrôler les compétences juridiques/statuaires d'une candidature. Et si oui, dans quelles conditions.

L'abandon de la jurisprudence "Côte d'amour "

L'article L. 551-1 du code de justice administrative délimite l'office du juge précontractuel aux seuls manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. La question s'était pourtant déjà posée et le Conseil d'Etat avait adopté une position claire dans un arrêt de principe du 21 juin 2000, "Syndicat intercommunal de la Côte d'amour et de la presqu'île guérandaise". Selon cette jurisprudence, il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les compétences juridiques d'un candidat, en l'espèce sur l'adéquation entre l'objet du marché et la spécialité du syndicat candidat, ceci ayant trait à des questions de compétences légales et non à la procédure de passation.
La présente décision marque donc un tournant dans l'étendue de l'office de ce juge.
Les sages du Palais Royal ont tout d'abord rappelé que le juge de l'urgence devait "s'assurer que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence". Mais l'apport majeur de cette décision réside dans l'ajout d'un pouvoir de contrôle dans la boîte à outils du juge précontractuel. Désormais, lorsqu'une personne morale de droit public s'est portée candidate à un marché, le juge devra vérifier "que l'exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence et, s'il s'agit d'un établissement public, ne méconnaîtrait pas le principe de spécialité auquel il est tenu". Il s'agit donc d'un revirement de jurisprudence conséquent puisque le juge du référé précontractuel n'est plus cantonné aux questions strictement procédurales mais peut également avoir à connaître de question de légalité si ces dernières sont susceptibles de fausser la concurrence.

Une extension bienvenue des pouvoirs du juge

Cependant, la Haute juridiction administrative a annulé l'ordonnance du juge des référés pour deux raisons. D'une part, le juge avait examiné à tort les compétences juridiques du Conservatoire puisque c'est l'association qui s'y attache qui était censée délivrer les prestations juridiques litigieuses. Cette dernière étant une personne morale de droit privé, le juge n'était en tout état de cause pas compétent pour vérifier que l'exécution du contrat entrait dans son champ de compétence. D'autre part, le Conseil d'Etat semble entendre largement ce nouveau pouvoir accordé au juge du référé. En effet, il estime que le juge a commis une erreur de droit en se bornant  à prendre en compte l'objet statutaire de cet établissement" pour apprécier si le Conservatoire avait méconnu le principe de spécialité. Lorsqu'il est en présence d'une personne morale de droit public candidate, le juge du référé précontractuel devra également "rechercher si les prestations objet du marché constituaient le complément normal de sa mission statutaire et étaient utiles à l'exercice de celle-ci".
Ce revirement de jurisprudence permet de pragmatiser le contentieux contractuel en permettant de le purger d'illégalités liées à des questions statutaires dès le stade du référé. L'élargissement de l'office du juge du référé en ce sens peut notamment être justifié par les nombreux transferts de compétences dans le cadre de l'intercommunalité qui peuvent être un obstacle à une répartition claire des compétences. Afin d'éviter qu'un marché soit attribué à une personne publique alors que celle-ci ne serait pas compétente pour l'exécuter, le juge de l'urgence peut désormais examiner cette question, sans attendre que le juge de plein contentieux en soit saisi.

L'Apasp

Référence : CE, 18 septembre 2015, n°390041  

 

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