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Environnement - Natura 2000 à l'épreuve de la maturité

Où en est Natura 2000 ? Issu de la directive Habitats de 1992, le réseau écologique européen mobilise depuis vingt ans un grand nombre de collectivités. Le 15 octobre, à l'occasion de la remise de ses Grands Prix, le ministère de l'Ecologie a fait un point sur son avenir.

Vingt ans déjà ! Après des débuts difficiles, la vitesse de croisière de Natura 2000 est enclenchée : avec 1.753 sites, sur les 27.000 que compte l'Europe, la France est dans le peloton de tête des pays qui ont investi le plus généreusement le dispositif. Les plans de gestion, ou documents d'objectifs (Docob), sont opérationnels sur deux tiers des sites. Plus de la moitié des Docob sont portés par des collectivités. "Natura 2000 permet de tendre des passerelles entre des acteurs qui auparavant ne se ne parlaient pas : chasseurs et écologistes, forestiers et agriculteurs, etc. Au milieu du gué, les élus jouent le rôle de charnière", estime un expert du secteur.
Parmi les dix Grands Prix Natura 2000 remis le 15 octobre par le ministère de l'Ecologie, certains illustrent bien cette dynamique d'entente et de partition collective. Dans les Alpes-Maritimes, c'est une société de chasse qui est mandatée par une commune préalpine et des propriétaires privés pour lutter contre l'enfrichement des milieux agro-pastoraux. Dans l'Hérault, c'est un syndicat mixte gérant des étangs qui active, aux côtés du conseil général, du Conservatoire du littoral et de plusieurs communes, le levier de la protection foncière. Et dans le Quercy, c'est un syndicat mixte de pays qui travaille avec une trentaine d'acteurs du tourisme pour maîtriser la fréquentation des sites et défendre leur environnement.
De plus en plus d'agriculteurs sont aussi acquis à la cause. Mais le terrain reste glissant. "Les règles sont trop figées, il faut plus de souplesse et d'humanisme dans le dispositif", exige Pascal Féret, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). "Et faire plus confiance aux agriculteurs, en misant par exemple sur un outil trop peu exploité, les mesures agri-environnementales (MAE) à obligation de résultat, qui fixent un objectif de conservation mais laissent plus de liberté sur les moyens à déployer pour y parvenir", ajoute Philippe Girardin, président du parc naturel régional des Ballons des Vosges.

Quelques ombres au tableau

Il y a une autre ombre au tableau : l'obligation de produire des études d'évaluation des incidences des plans ou projets sur les sites Natura 2000 a ravivé des tensions sur le terrain. "Cette contrainte a crispé les relations, des maires se sont sentis en porte-à-faux face aux porteurs de projets", explique Philippe Girardin. S'y ajoutent des difficultés, variables selon les territoires, à financer les actions de gestion prévues. Ce financement repose sur des crédits nationaux du ministère de l'Ecologie, des crédits des collectivités et des fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (Feder) ou Life +. "Il faut mobiliser d'autres fonds communautaires comme le Fonds social européen (FSE) ou ceux liés aux projets Interreg. Pour cela les projets doivent dépasser le cadre de la seule protection de la biodiversité et s'ouvrir au développement durable", suggère Philippe Girardin. Des financements sont aussi attendus du côté du futur fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Enfin, il reste à renforcer le dispositif d'animation du réseau, un chantier de longue haleine auquel s'attèlent le ministère et l'Atelier technique des espaces naturels (Aten). "La confiance entre les acteurs et les partenaires reste le maître-mot pour garder les yeux tournés vers l'avenir", conclut Jean-Marc Michel, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature. Et rivés sur 2013, une année importante pour le réseau car la France remettra à Bruxelles sa copie sur l'état des sites protégés.