Les jeunes ruraux sans diplômes en "précarité durable", selon le Céreq
Le Céreq appelle à une réflexion sur les mécanismes d’insertion et de formation des jeunes ruraux sans diplôme, condamnés à enchaîner des emplois précaires avec moins d’accès à l’emploi durable qu’en milieu urbain.

© Marta NASCIMENTO/REA
Attention aux jeunes non diplômés en milieu rural. Dans une étude en forme de piqûre de rappel diffusée ce 5 février, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) se penche sur les enjeux spécifiques de leur insertion professionnelle dans des territoires souvent éclipsés par les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Certes, les jeunes ruraux sans diplôme "expérimentent davantage le travail que les urbains" : 41% d’entre eux sont en chômage récurrent ou hors du marché du travail, contre 49% des non diplômés en milieu urbain, d’après les chiffres de l’enquête Génération 2017. Pourtant, ils connaissent "une pauvreté bien plus exacerbée" ainsi qu’une "précarité durable", selon cette enquête sociologique et qualitative, menée entre 2017 et 2021 auprès de 100 jeunes ainsi que des professionnels de l’insertion dans les départements de la Creuse, de la Charente et de la Gironde.
La précarité des emplois, spécifique à certains territoires ruraux, explique ce paradoxe. À leur sortie du système scolaire, les jeunes ruraux non diplômés accèdent plus rapidement que les urbains à des emplois à durée déterminée, mais plus tardivement à un CDI. "L’emploi rural peu qualifié accessible repose en grande partie sur des besoins ponctuels ou saisonniers, notamment dans les secteurs agricoles, industriels et de services" qui prennent la forme de CDD ou de contrats d’intérim. L’auteur de l’étude, le chercheur Clément Reversé, insiste même sur "une exploitation systémique du travail instable" par des employeurs qui recherchent avant tout une capacité des candidats à "répondre à des besoins ponctuels et épars".
Développer des formations "adaptées aux réalités économiques"
Ainsi, le rapport au travail des jeunes habitant en milieu rural n’est pas en cause. Ils ont une envie de travailler "coûte que coûte", selon le chercheur, quitte à multiplier les emplois mal payés et de courte durée, même éloignés de leur lieu de vie. Le travail, "même précaire, demeure un marqueur central de valeur et où le recours aux aides et minima sociaux est perçu comme une atteinte à leur dignité". Or cette représentation stigmatisante du non-travail, entretenue par les discours publics et institutionnels, les enferme "dans un cercle vicieux où la précarité devient une organisation du quotidien", selon l’auteur. D’où la nécessité de penser les politiques de raccrochage scolaire "à l’aune des besoins spécifiques des territoires ruraux : proximité géographique, prise en compte des aspirations locales et développement de formations adaptées aux réalités économiques de ces espaces", afin d’offrir une alternative à la précarité de l’emploi.