Les clichés sur la reconversion professionnelle battus en brèche dans une étude

Comment accompagner les reconversions professionnelles ? Alors que cette question préoccupe les pouvoirs publics – comme en témoigne, par exemple, le dispositif Transitions collectives (lire notre article du 24 septembre) –, une note de France compétences, publiée mardi 1^er février, vient souligner la complexité à appréhender le sujet. En matière de reconversions professionnelles, "les expériences individuelles apparaissent nettement plus variées qu’attendues", souligne l’instance nationale de pilotage des fonds de la formation professionnelle.

La note, qui analyse les reconversions de 886 individus, bat ainsi en brèche certaines idées reçues. En premier lieu, "les changements de métier ne concernent que 53% des reconversions", souligne France compétences. Celles-ci peuvent en effet passer par une promotion, c’est-à-dire en restant dans la même entreprise, ou se concrétiser à travers un changement de statut (de salarié à indépendant ou d’indépendant à salarié). D’ailleurs, une reconversion sur quatre s’opère chez l’employeur initial, peut-on lire dans la note.

Les reconversions professionnelles peuvent aussi se décider presque sur un coup de tête : pour 42% des répondants, "il s’est écoulé seulement quelques semaines entre l’idée de reconversion et l’engagement dans un parcours". "Lorsqu’elle s’est déroulée en impliquant une entreprise, les personnes s’y sont engagées en quelques semaines, voire jours. À l’inverse, lorsque le projet s’est opéré en dehors du cadre d’une entreprise, l’idée de reconversion a généralement maturé plus longtemps, entre plusieurs mois et plus d’un an", précise la note.

Des formations longues pas indispensables

Si les deux-tiers des personnes en reconversion ont bénéficié d’un accompagnement et 60% d’une formation, ces modalités accompagnent plus fréquemment les reconversions internes en entreprise. Globalement, "aucun dispositif (conseil en évolution professionnelle, bilan de compétences, aide à la création ou l’incubation d’entreprise, appui d’un service RH, formation...), n’est prépondérant dans les parcours de reconversion professionnelle", souligne l’étude.

Ces constats questionnent les politiques publiques visant les reconversions professionnelles.  "Les récits des personnes interrogées témoignent d’un usage souvent cumulatif et désynchronisé de ces dispositifs, en fonction des opportunités et besoins, eux-mêmes évolutifs, tout au long du parcours", alors même que les "dispositifs sont souvent conçus pour servir successivement l’émergence du projet, un accompagnement dédié à sa maturation, puis à sa mise en œuvre".

Par ailleurs, "une formation longue, certifiante, et préalable à l’accès à une nouvelle situation professionnelle, n’est pas un schéma en phase avec l’ensemble des aspirations et parcours", retient aussi France compétences. "La formation suivie est souvent décrite comme relativement courte" et peut intervenir "dans l’entreprise d’arrivée, postérieurement à l’entrée dans l’emploi visé". Les sondés réclament aussi des formations sur mesure et intervenant au bon moment, sans excès de théorie, et avec des mises en situation de travail.

Les ouvriers et les seniors sous-représentés

En revanche, un fait majeur ressort de l’étude : l’insatisfaction professionnelle sous-tend l’envie de reconversion pour 84% des sondés. "En règle générale, les moteurs invoqués conjuguent, dans des proportions certes variables, la volonté de rompre avec une insatisfaction (voire une souffrance) au travail, d’une part, l’envie d’accéder à une situation meilleure sur un plan professionnel, mais aussi en termes d’équilibre de vie, d’autre part". Les arguments liés au marché du travail et aux métiers porteurs ou en tension susceptibles de recruter sont secondaires. Quant aux autres éléments véritablement déclencheurs de la reconversion, ils sont multiples : opportunité professionnelle, problème de santé, raisons familiales, perte d’emploi.

Par ailleurs le sondage – mené sur un échantillon représentatif de 5.162 actifs parmi lesquels 886 individus se sont effectivement reconvertis au cours des cinq dernières années - révèle des inégalités liées à l’âge, au genre et à la catégorie socio-professionnelle face à la reconversion. Les femmes sont surreprésentées (50% des enquêtées contre 44% de l’échantillon global) parmi les personnes reconverties. Soit l’inverse des seniors (15% des enquêtés contre 24% de l’échantillon) et des ouvriers (14% contre 26%).

Sans surprise, "avoir déjà connu un changement d’entreprise dans sa carrière accélère le délai d’engagement dans une nouvelle reconversion professionnelle", indique l’étude, là où les personnes ne s’étant jamais reconverties témoignent plus fréquemment d’une peur de l’échec.