TechNot 2022 : le notariat prend le futur à bout de bras !
Les notaires n’ont pas peur de la transformation numérique. Au contraire, ils en sont acteurs. La profession a conscience que les technologies de l’information sont essentielles pour personnaliser la relation client, améliorer la productivité des études et privilégier le rôle de conseil. L’innovation crée parfois une confusion générale dans les esprits. Qu’est-ce qui est vraiment utile ? Où sont les priorités ? Comment ne pas se “perdre” dans ce flot digital ? Afin d’y voir plus clair, nous sommes allés au Forum TechNot* pour comprendre les deux enjeux tech du notariat qui nous semblent incontournables : la cybersécurité et les NFT.
Temps de lecture : 3 minutes
Cybersécurité : les notaires en alerte
Des chiffres inquiétants
Un constat simple qui ne surprendra personne : les agressions cyber se multiplient et mettent à mal le business des victimes. Alain Bouillé du CESIN (Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique) indique qu’1 entreprise sur 2 déclare avoir subi des attaques 1 à 3 fois dans l’année :
- 98% d’entre elles trouvent leur origine dans la messagerie ;
- le ransomware en 2021 a touché 1 entreprise sur 5 avec tout ou partie du SI chiffré, voire volé.
Donc, le risque cyber n’arrive pas qu’aux autres, et, à partir du moment où les offices ont en leur possession des données, ils sont concernés. D’ailleurs, Damien Gréau (Responsable Innovation ADNOV) le confirme : plus d’1 étude par semaine déclare 1 sinistre auprès de l’assureur pour deux types d’attaques : fraude au RIB et ransomware.
Les points de vigilance
Avoir conscience que les données personnelles des clients représentent la clé de voûte du fonctionnement d’une entreprise est la première étape pour faire de la cybersécurité une priorité. Cette dernière doit désormais être perçue comme un investissement pour l’avenir (et non une charge) aussi bien pour l’office que pour le client final. Mais, comme tout nouveau projet, l’adhésion de l’équipe est fondamentale. Pour cela, sensibiliser ses collaborateurs et prendre le temps de les former sont autant d’actions fondamentales : ne pas cliquer sur des liens douteux, ne pas répondre à un expéditeur totalement inconnu mais aussi effectuer un travail de vérification des e-mails lors des visioconférences**.
Au-delà du bon sens et de la mise en place de micro-procédures de vérification, il convient également d’investir dans la technologie :
- la MFA (Multi Factor Authentification) : cette méthode d’authentification demande au minimum deux vérifications pour laisser l’utilisateur accéder à son compte (logiciel, application en ligne, etc.) et remplace le traditionnel duo “mail/mot de passe” ;
- le cloud sécurisé : 8 entreprises sur 10 sont déçues de la sécurité proposée. Pourtant, l’espace de stockage se doit d’être une forteresse pour la simple et bonne raison que les documents confidentiels de vos clients y sont ;
- les systèmes de détection : se munir d’un SOC (Security Operation Center) avec la gouvernance et le dispositif de réaction prévu pour agir rapidement. Savoir quoi faire, le plus tôt possible, en cas d’attaque cyber est donc la clé pour amoindrir les conséquences.
Metavers, NFT et notariat : vers de nouveaux usages ?
NFT et succession : une problématique bien réelle
Le web 3.0 fait couler beaucoup d’encre et les personnes les moins averties peuvent confondre aussi bien les cryptomonnaies que les NFT. Même s’il existe un fil directeur, à savoir la technologie blockchain, ces deux termes recouvrent des réalités différentes :
- Les NFT sont des jetons non fongibles qui représentent des objets auxquels sont rattachés un certificat numérique, ce dernier étant un titre de propriété pour le détenteur.
- Les cryptomonnaies sont des “monnaies” numériques ancrées dans la blockchain et bénéficient à ce titre d’un réseau décentralisé (qui diffère des monnaies classiques qui sont régulées par les banques).
Quoi qu’il en soit, les NFT et les cryptomonnaies sont des actifs numériques dont la valeur, bien que volatile, peut exploser. Selon Maître Frédéric Fortier, notaire à Paris, contacté sur ce sujet, la démocratisation de ce type d’investissement pousse de plus en plus de français à se constituer un patrimoine virtuel. En revanche, que se passera-t-il le jour où leurs détenteurs décéderont ? Comment régler une telle succession et assurer le transfert de propriété aux héritiers a posteriori ?
La difficulté réside dans le fait que seul le propriétaire détient sa clé privée. Si personne n’a le code en amont du décès, on se retrouvera potentiellement en face d’une véritable impasse et la perte dudit patrimoine ! Afin d’anticiper et éviter ce type de problème, le notaire doit s’emparer de la question et aborder le sujet avec les familles en vue d’effectuer un travail de recensement de ses actifs. Dans un second temps, rendre opérationnel le transfert de propriété à terme ; le(s) code(s) lié(s) à la clé privée (ou les identifiants de la plateforme détenant pour le compte du client lesdits actifs) devront ainsi être consignés dans un endroit hautement sécurisé. A date, la piste privilégiée est le testament mystique dont le contenu reste secret jusqu’au décès de l’intéressé. D’autres solutions sont également envisageables dixit Maître Frédéric Fortier comme le mandat à effet posthume, l’intervention de plusieurs notaires et le morcellement du code, le recours à un prestataire agréé par la profession, voire une blockchain notariale dédiée.
NFT et metavers : à quoi s’attendre ?
Revenons à la base. Qu’est-ce que le metavers ? Pour le dire simplement, il s’agit d’un univers fictif connecté à internet dans lequel les personnes, par le biais d’avatars, peuvent interagir dans des espaces virtuels permanents. Les metavers n’en sont qu’à leurs débuts, mais dans ces univers parallèles (comme Decentraland ou Sandbox), lesdits avatars peuvent commercer et investir dans des objets virtuels (terrain immobilier, habits et œuvres d'art, etc.) et faire de la publicité. Pour l’instant, c’est le monde du luxe qui y règne et les ventes atteignent des sommes folles. Ces actifs numériques (NFT) peuvent représenter par ailleurs, à côté de la rentabilité et de la spéculation, un levier financier en vue de lever des fonds. Il est de plus en plus évoqué, à ce titre, le phénomène de la tokenisation de l’immobilier (même si en France, on ne peut le faire, il est seulement possible à ce jour de tokeniser les titres de la société détenant ledit actif immobilier).
En conclusion, TechNot 2022 a mis en lumière un écosystème qui paraissait, il y a encore quelques mois, très éloigné du monde notarial. Certes, nous sommes encore loin d’une économie 100% décentralisée, et cela n’arrivera sans doute jamais, mais les actifs numériques font désormais partie du paysage économique. Le notaire a donc un grand rôle à jouer dans l’accueil de cette nouvelle économie qui pose énormément de questions d’un point de vue patrimonial.
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