Archives

Commande publique - Légalité des candidatures des collectivités : des précisions sur l'intérêt public local

Dans cet arrêt d'assemblée du 30 décembre 2014, le Conseil d'Etat livre une nouvelle lecture de l'intérêt public local, critère essentiel permettant à une personne publique de se porter candidate à l'attribution d'un marché public.
En l'espèce, le département de la Vendée avait lancé une procédure de passation d'un marché public pour le dragage de l'estuaire du Lay. Le marché a été attribué au département de la Charente-Maritime et les sociétés Armor SNC et Entreprises Morillon Corvol Courbot, candidates évincées, ont saisi le tribunal administratif de Nantes. Ce dernier ainsi que la cour administrative d'appel de Nantes ont rejeté leurs demandes d'annulation des décisions autorisant la signature de ce marché. Suite à ces décisions, les sociétés évincées ont décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.
Dans quel cas une personne publique candidate à un marché doit-elle justifier d'un intérêt public local ?

Les conditions de la légalité des candidatures des personnes publiques

Comme le Conseil d'Etat l'a affirmé dans son avis du 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants (n° 222208), "aucun texte ni aucun principe n'interdit, en raison de sa nature, à une personne publique, de se porter candidate à l'attribution d'un marché public ou d'un contrat de délégation de service public".
Toutefois, deux types d'activités doivent être distingués. D'une part, la personne publique peut se porter candidate pour prendre en charge une activité purement économique. Dans ce cas, selon l'arrêt du Conseil d'Etat du 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris (n°275531), les collectivités doivent "non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée". D'autre part, la personne publique candidate peut également proposer l'un de ses services. Les juges du Palais Royal rappellent à ce propos "qu'hormis celles qui leur sont confiées pour le compte de l'Etat, les compétences dont disposent les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération s'exercent en vue de satisfaire un intérêt public local". A titre d'illustration, le Conseil d'Etat, dans une affaire du 10 juillet 2009, département de l'Aisne (n°324156), avait annulé l'ordonnance du juge des référés, ce dernier ayant commis une erreur de droit "en subordonnant la légalité de [la] candidature à l'existence d'un intérêt public", et ce car le marché en question était passé par des services de l'Etat.
En l'espèce, la cour d'appel de Nantes a repris la solution dégagée en 2009 mais cette dernière ne pouvait pas être transposée telle quelle. En effet, le marché concerné en 2009 était relatif à une compétence confiée aux départements pour le compte de l'Etat (prélèvements et analyses du contrôle sanitaire des eaux). En revanche, le marché concerné dans l'affaire présente porte sur une compétence qu'exerce le département pour son propre compte. Dès lors, le Conseil d'Etat a sanctionné le raisonnement de la cour administrative d'appel qui avait dispensé le département attributaire de justifier d'un intérêt public en "ne recherchant pas (...) si la candidature de ce département constituait le prolongement de l'une de ses missions de service public".

Intérêt public local et "prolongement d'une mission de service public"

Après avoir jugé que, pour être légale, la candidature du département de la Charente-Maritime devait répondre à un intérêt public local, le Conseil d'Etat revient sur la définition d'un tel intérêt. Les juges considèrent ainsi que la candidature d'une collectivité "à l'attribution d'un contrat de commande publique pour répondre aux besoins d'une autre personne publique" répond à un intérêt public local "si elle constitue le prolongement d'une mission de service public dont la collectivité ou l'établissement public de coopération a la charge, dans le but notamment d'amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d'assurer son équilibre financier".
Cette nouvelle formulation peut être rapprochée de celle adoptée dans un arrêt du 18 décembre 1959, Delansorme, (n°22536). A l'époque, les juges du Palais Royal avaient estimé que des locations de longue durée de place de parking constituaient "le complément normal et nécessaire de l'activité d'un parc public de stationnement", d'autant plus qu'elles contribuaient à l'intérêt financier de l'exploitation. La formule de "prolongement d'une mission de service public" présentement employée n'est donc pas si étrangère. Elle est également justifiée par le souci d'assurer l'équilibre financier du service. Toutefois, bien qu'on ne puisse prédire la portée de cette nouvelle définition, elle semble offrir une plus large possibilité d'action aux personnes publiques candidates.
Notons que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes a été annulé et l'affaire renvoyée devant cette même cour, le Conseil d'Etat ne s'étant pas prononcé au fond sur la validité de la candidature du département de la Charente-Maritime.

Référence :  CE, 30 décembre 2014, n° 355563 

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis