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Sécurité - Le retour de la "pol prox" devrait se faire par expérimentation

La mise en place d'une "police de sécurité du quotidien" annoncée pour la fin de l'année relance la question du rôle des polices municipales qui, par essence, font de la proximité.

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le "police de la sécurité du quotidien" devrait voir le jour "dès la fin de l’année". C’est ce que le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a indiqué dans une interview au Figaro du 15 août. Plus vraisemblablement, une expérimentation devrait être lancée début 2018 dans une ville, avant d'être étendue à d'autres sites, comme l'a appris l'agence AEF auprès de l'entourage du ministre.
Cette police, qui se veut plus proche des habitants, rappelle fortement la "police de proximité" instaurée sous Lionel Jospin en 1998, même si Emmanuel Macron a tenu à s’en dissocier. En pleine affaire Théo, le candidat d'En marche avait détaillé sa proposition dans un texte publié sur Facebook. "Il ne s'agit pas de ressusciter, vingt ans plus tard, la police de proximité créée par Jean-Pierre Chevènement. Le contexte a changé et la délinquance s'est transformée", avait-il alors précisé, reconnaissant cependant que "l'inspiration est la même" : "Il s'agit de déployer une police mieux ancrée dans les territoires dont elle a la charge. Une police qui connaît la population est plus à même de résoudre les problèmes locaux", avait-il alors expliqué. On retrouve d’ailleurs dans ses déclarations, l’idée de la "coproduction de sécurité" qui avait présidé à la création de la police de proximité. Emmanuel Macron souhaite en effet "construire avec les élus de terrain avec la population et l’ensemble des acteurs les solutions de sécurité".

Community policing

Dans son entretien au Figaro, le ministre de l’Intérieur n’a pas été plus loin dans les explications. Un rapport lui a été remis sur le sujet mais on ne sait rien sur le financement de cette police ni sur ses effectifs - or les frais de fonctionnement de son ministère sont amputés cette année de 526 millions d’euros. Les 10.000 postes de policiers et gendarmes promis sur la durée du quinquennat devraient se répartir entre les métiers de la sécurité publique, de l'investigation, du contrôle aux frontières et du renseignement, a seulement indiqué Gérard Collomb.
On peut alors s’interroger sur le rôle de cette nouvelle police. S’inspirant du concept anglo-saxon de "community policing", la "pol prox" avait été instaurée par Jean-Pierre Chevènement pour lutter contre le sentiment d’insécurité, rapprocher la police de la population, dans une logique de prévention et de dissuasion, sans pour autant écarter toute répression. Un vrai tournant dans la doctrine de la police nationale jusque-là essentiellement tournée vers le maintien de l’ordre. Mais elle n’avait pas eu les résultats escomptés. Frappée du sceau de Lionel Jospin, elle avait été rayée d’un trait en 2003 par Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur. "La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs, mais pour arrêter des délinquants", avait-il déclaré lors d’un déplacement à Toulouse. Ses détracteurs à gauche lui ont par la suite reproché d’avoir instauré une "politique du résultat" et mis les commissariats sous la pression du chiffre. Quant au maillage territorial de la police et de la gendarmerie, il a subi de plein fouet la révision générale des politiques publiques (RGPP) avec ses 13.000 suppressions de postes de policiers et gendarmes. Le contact avec le terrain n’a cependant pas disparu : les Uteq (unités territoriales de quartier), remplacées par les BST (brigades spéciales de terrain) en 2010 ont pris le relai.

Doctrine d'emploi des polices municipales

Plusieurs faits divers marquants ont poussé les pouvoirs publics à prendre des initiatives pour améliorer les relations avec la population. Il en est ainsi de la généralisation des caméras piétons. En début d’année, le ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux avait lancé des "brigades territoriales de contact" de gendarmerie dans 24 départements. L’objectif : "renforcer la qualité de la relation qu’entretiennent les gendarmes avec les élus et la population, dans le cadre d’un véritable service de proximité".
La police de sécurité du quotidien s’inscrit bien dans cet esprit. Gérard Collomb dit vouloir "en finir avec des quartiers, des communes entières, qui se paupérisent, qui se ghettoïsent" et reconstruire une "société apaisée". "De véritables fractures spatiales ancrées dans nos territoires", a-t-il ainsi déclaré le 24 août, à l’occasion du 73e anniversaire de la Libération de Paris.
En tout cas, ces annonces n’ont pas manqué de raviver les vieux clivages qui avaient volé en éclat à l'issue de ces élections. Eric Ciotti a aussitôt dénoncé dans un communiqué une "vieille lubie de la gauche" couplée d’un "fiasco inédit qui n'avait pas fait baisser le sentiment d'insécurité des Français mais avait bien au contraire provoqué une explosion de la délinquance". "En pleine menace terroriste et face à une augmentation forte de la délinquance et de la criminalité, les priorités opérationnelles des policiers doivent être orientées principalement vers l'investigation et le renseignement", a poursuivi le député LR des Alpes-Maritimes, ancien "monsieur sécurité" de Nicolas Sarkozy.
Quoi qu’il en soit, la mise en place d’une telle police soulève la question de son articulation avec les polices municipales. Alors que les compétences de ces dernières ont fortement évolué, en particulier dans le contexte des attentats, et qu’elles sont aujourd’hui majoritairement armées, les syndicats et certaines associations d’élus réclament de longue date une "doctrine d’emploi" commune à chacune d'elles. En début d’année, l’association Villes de France avait demandé que "les pouvoirs publics apportent à tous les maires concernés, une clarification dans la doctrine d’emploi des polices, qui serait appropriée à la couverture de l’ensemble du territoire".

 

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