La loi d'orientation des mobilités toujours en attente de financements

Dans un webinaire organisé le 18 janvier, le Cerema a dressé un bilan d’étape de la mise en œuvre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui se déploie lentement. Si, en pratique, la conduite de projets a semble-t-il permis de laisser de côté la question des compétences, celle du financement reste entière.

Quatre ans après l'adoption de la loi d'orientation des mobilités ou LOM (voir notre article du 3 janvier 2020), le Cerema a souhaité faire un point sur sa mise en oeuvre au cours d’un webinaire organisé le 18 janvier dernier. Comme l’a rappelé Céline Mouvet, de la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGTIM), le texte avait suscité à son adoption "un vrai sentiment d’inquiétude", tant du côté des régions, qui redoutaient le morcellement des compétences, que des intercommunalités, qui craignaient le manque de moyens techniques et financiers. Toutes n’ont, loin sans faut, pas été dissipées. 

Une lente mise en musique

On le sait, la LOM se déploie lentement (voir notre article du 16 octobre 2023). 

• Figure désormais à l’actif, ou presque, la définition, par les régions, des bassins de mobilité. "La quasi-totalité du territoire est couvert", se félicite Nicolas Pitout, du Cerema. Seule la Bretagne manque encore à l’appel. Pour l’heure, la France compte donc 236 bassins, qui comprennent eux-mêmes 5 EPCI en moyenne, avec de grandes disparités : 14 en moyenne dans la région Grand-Est, contre 2 en moyenne en Centre-Val-de-Loire. 

• S’il l’on est encore loin du but, le baromètre irait également vers le beau pour les comités des partenaires. 214 de ces comités seraient installés, chiffre que le Cerema tiendrait d’Intercommunalités de France, mais que l’on peine à retrouver. L’Observatoire des politiques locales de mobilité relève par ailleurs que 10 régions ont institué leur comité des partenaires régional. Font encore défaut les régions Grand-Est, Centre-Val-de-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, la Corse, la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte, celui de la Martinique étant "en cours d’installation".

• Il en va en revanche autrement des contrats opérationnels de mobilité (COM). Céline Mouvet concède non seulement que le "démarrage a été un peu difficile", mais aussi que cela "reste très très compliqué’".  Pour preuve, le Cerema en recenserait seulement "8 opérationnels" : 4 en Nouvelle-Aquitaine et 4 en région Pays de la Loire – laquelle prévoit que ses 16 bassins de mobilité auront finalisé la démarche d’ici 2025 (2 COM seraient en cours de finalisation, et 5 devraient l’être d’ici la fin 2024). Évoquant celui adopté par le bassin angevin, Emmanuel Legay, chef de projet Mobilités à la région Pays de la Loire, indique que son élaboration aura nécessité pas moins de "15 mois de travail, 2 comités de pilotage et 14 réunions thématiques".

• La situation est encore pire côté plan d’action commun en faveur de la mobilité solidaire (PAMS), puisqu’aucun n’a encore été adopté à ce jour. "La plupart des régions se sont d’abord lancées dans les COM. Ainsi, nous faisons des PAMS une des actions des COM", explique Emmanuel Legay. Exception notable, la région Hauts-de-France, qui a fait le choix de développer les deux concomitamment, et qui devrait donc franchir la ligne d’arrivée en tête.  

Nécessaire…

Au-delà des chiffres – et si la question de la prise de compétences pourrait être rouverte, comme l’appelle de ses vœux Intercommunalités de France (voir notre article du 13 octobre 2023) –, Céline Mouvet observe que le passage à la pratique, via la conduite de projets concrets, a permis de "laisser de côté les discussions générales sur la compétence", pour favoriser sur le terrain une coopération désormais indispensable. "Avec la loi Notre, la loi Maptam, chacun restait dans son pré carré", souligne-t-elle, alors que pour faire naître "le choc d’offre, on est obligé de mutualiser et de nouer des partenariats". La fonctionnaire voit ainsi "émerger des objets de coopération" tels que "les syndicats mixtes SRU ou les SERM" (services express régionaux métropolitains voir notre article du 12 janvier). Cyprien Richer, du Cerema, met à son tour en avant "le nouveau souffle donné au vieux syndicat mixte SRU" – déjà relevé lors du dernier congrès de Régions de France (voir notre article du 28 septembre 2023). Un succès qu’il explique par les qualités de cet "outil souple et adaptable aux problématiques locales et au bénéfice d’une coopération à la fois horizontale et verticale". Le seul, ajoute l’expert, qui en outre "ouvre la possibilité d’une ressource, le versement mobilité additionnel, malgré ses limites". Tout sauf un détail alors que "la question des moyens reste non résolue".

 … mais chronophage, avec une coopération complexe

Cette coopération n’est pour autant pas aisée. Emmanuel Legay met en avant la difficulté pour les élus de faire vivre les multiples instances de coordination nécessaires à la mise en œuvre de la loi : comité régional des partenaires, conférence régionale des AOM (autorités organisatrices des mobilités), instances d’élaboration et de suivi des contrats opérationnels de mobilité, avec des comités de pilotage et des comités techniques dans chaque bassin de mobilité, qui viennent s’ajouter aux comités de lignes, à la conférence départementale des transports scolaires ou encore au comité de suivi sur l’accessibilité du réseau de transport régional. Le tout dans "un cadre juridique complexe" qui interdit les cofinancements, faute de clause générale de compétences pour les régions, et qui oblige ces dernières à nouer "de nombreuses conventions de délégations de compétences ou conventions de coopération public-public".

Quand l'enjeu du financement reste entier

Surtout, les différentes interventions montrent combien la crainte d’un manque de moyens financiers était justifiée. "Aucun financement spécifique n’a été prévu par la LOM, tant pour les régions que pour les AOM", déplore Emmanuel Legay, à qui Cyprien Richer fait un parfait écho. Céline Mouvet met elle aussi en avant "l’enjeu du financement de ce choc d’offres", en précisant qu’il s’agira notamment de déterminer "vers qui ces financements doivent aller, et à quelles conditions". Elle indique qu’un "point de rencontre sur le modèle économique des transports collectifs" est normalement prévu à la mi-juin, si le remaniement ministériel lui prête vie. "J’espère d’ailleurs avoir un ministre", indique-t-elle encore. Elle n'est pas la seule (voir notre article du 17 janvier).

 

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