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Sécurité - La justice administrative suspend la création de la "garde biterroise"

Le tribunal administratif de Montpellier a suspendu, mardi 19 janvier, l'exécution d'une délibération du 15 décembre 2015 du conseil municipal de Béziers qui avait décidé la création d'une "garde". La création de cette garde avait été annoncée par le maire de Béziers, Robert Ménard, le 1er décembre, dans le contexte de l'état d'urgence. Elle devait être "composée de citoyens volontaires bénévoles chargés d'assurer des gardes statiques devant les bâtiments publics et des déambulations sur la voie publique et devant alerter les forces de l'ordre en cas de troubles à l'ordre public ou de comportements délictueux", rappelle le tribunal, dans un communiqué.
Saisi par la préfecture de l'Hérault, le 23 décembre, le juge des référés estime appliquer "une jurisprudence constante" selon laquelle "la police administrative constitue un service public qui, par sa nature, ne saurait être délégué (Conseil d'Etat, 17 juin 1932, ville de Castelnaudary ; CE, 1er avril 1994, commune de Menton ; CE, 20 novembre 1997, commune d'Ostricourt)". Selon lui, les tâches dévolues à cette garde "sont partie intégrante, dans les communes, de la police municipale et doivent être exercées par le maire ou par des agents placés sous son autorité, sous le contrôle du représentant de l'Etat". Le conseil municipal de Béziers ne pouvait ainsi "légalement confier à des particuliers les missions de surveillance de la voie publique ou des bâtiments publics". En conséquence, l'ordonnance du tribunal demande à la mairie de suspendre l'exécution de la délibération du 15 décembre 2015 et enjoint le maire de Béziers "de mettre fin à toute action ou démarche visant à procéder à la mise en place opérationnelle de la garde et de retirer toutes les affiches relatives à cette création, le journal municipal de Béziers numéro 25 du 15 décembre 2015, ainsi que les articles du site internet relatifs à ce sujet", sous peine de 500 euros d'amende par jour de retard…

80 volontaires "aptes au service"

Dans le journal municipal du 15 décembre, la municipalité annonçait avoir "déja reçu 80 volontaires aptes au service", dont 30 prêts à "commencer à patrouiller sur le champ", précisant que la garde n'accepterait en son sein "que des personnes ayant l'expérience de la sécurité : gendarmes, policiers, pompiers, militaires à la retraite, etc.". La délibération du 15 décembre visait à contrecarrer "les pressions venues du préfet de région". "Nous lancerons un appel aux députés afin d'obtenir un texte qui encadre à l'avenir ce type de garde formée citoyenne", poursuivait l'article.
On se souvient que devant le Congrès, le 16 novembre, le président de la République avait évoqué la création d'une "garde nationale" composée essentiellement de réservistes de l'armée. Une idée reprise il y a quelques jours par Jean-Christophe Cambadélis. "Il nous semble opportun de faire appel au civisme et à l'esprit patriotique de nos concitoyens et de renouer avec une tradition issue de la Révolution française jusqu'en 1870 : les gardes nationaux", avait plaidé le premier secrétaire du Parti socialiste, lors de ses vœux à la presse, le 12 janvier. Il s'agissait selon lui de "mobiliser toutes les réserves des forces armées, la gendarmerie nationale, la police nationale et les unifier dans un dispositif unique", afin "d'épauler les forces de sécurité".

Collaborateur occasionnel du service public

Le juge des référés se fonde sur deux arguments supplémentaires pour distinguer ces deux dispositifs. Il souligne que la qualité de "collaborateur occasionnel du service public" mise en avant par la municipalité ne peut s'appliquer qu' "au profit des particuliers qui ont été sollicités, à titre temporaire et exceptionnel, pour exercer des missions de service public, en cas de carence ou d'insuffisance avérée des services existants ou en cas d'urgente nécessité". Il ajoute qu' "aucune disposition du Code de la sécurité intérieure, qui fait référence à la qualité de collaborateur occasionnel du service public pour les seuls 'service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales', 'réserve civile de la police nationale' et 'réserve communale de sécurité civile', qui ne sont pas mis en œuvre en l'espèce, ne permet par ailleurs de donner un fondement légal à la délibération en litige".
Enfin, le tribunal soutient que la référence au dispositif des "voisins vigilants" (auquel participe par ailleurs la ville de Béziers) ne peut davantage servir de fondement juridique à cette garde, "dès lors qu'un tel dispositif ne peut être mis en œuvre qu'avec l'appui et sous le contrôle de l'Etat". Dans un rapport de 2014 sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire, le député-maire PS de Gonesse Jean-Pierre Blazy, avait appelé à une évaluation de ce dispositif apparu en 2007 en France avant d'être encadré par une circulaire du 22 juin 2011. Il se disait favorable à une extension du dispositif à la condition d'y apporter des garde-fous "afin de prévenir toutes dérives". "Il convient de veiller, notamment, à ce que les parties prenantes ne s'arrogent pas des prérogatives dont seule la puissance publique est détentrice", précisait-il déjà, les habitants devant s'en tenir à la surveillance de la maison d'un voisin en l'absence d'occupant, au signalement de "démarcheurs trop insistants", au "signalement d'incivilités".
"Même si les circonstances imposent plus de sécurité et même si la sécurité est l'affaire de tous... la mairie de Béziers ne peut pas faire tout et n'importe quoi", a réagi dans un communiqué Jean-Michel Weiss, secrétaire général de la Fédération autonome départementale de la police municipale de l'Hérault (par ailleurs secrétaire national de la FA-FPT chargé de la police municipale).