Forêts : France Stratégie invite à une gestion adaptée aux caractéristiques de chaque peuplement

Dans une récente note d'analyse, France Stratégie préconise de dépasser le choix binaire entre "moindre exploitation" ou "exploitation accrue" de la forêt, en observant que la pertinence de ces modèles varie en fonction de l’état de chaque peuplement. Elle plaide en revanche à son tour pour une réorientation des usages, en privilégiant la production de matériaux à durée de vie longue au détriment du bois énergie, aujourd’hui favorisé. Ce qui nécessite une réorientation des aides et un développement de la filière. Mais sans doute aussi des incitations réglementaires qui tardent à se matérialiser.

"Il ne s’agit pas de choisir entre une intensification des prélèvements ou pas, mais d’adapter la gestion forestière aux caractéristiques de chaque peuplement." Dans une récente note d’analyse consacrée à la filière forêt-bois, France Stratégie préconise de sortir du conflit opposant frontalement les partisans d’une forêt laissée "à la nature" et ceux favorables à son exploitation intensive, en soulignant que chaque modalité présente avantages et inconvénients. 

À chaque situation sa stratégie

"Si à court et moyen terme la stratégie de moindre exploitation apparaît la plus adaptée quant à la préservation de la biodiversité et la séquestration de carbone, à plus long terme, du fait du vieillissement des peuplements et de leur vulnérabilité accrue aux effets du changement climatique, elle pourrait se révéler moins performante en matière d’atténuation", met notamment en relief l’étude, en évoquant en outre le "creusement du déficit de la balance commerciale" qu’elle implique (-8,6 milliards d’euros en 2021, avec "un déficit qui se creuse depuis deux décennies"). 

France Stratégie plaide donc pour un "travail local de caractérisation de l’état de santé, d’identification de la biodiversité et d’évaluation de la vulnérabilité des peuplements face aux effets du changement climatique", afin d’identifier et de protéger les forêts "à forte naturalité" (avec des peuplement anciens et matures) d’une part, et "de privilégier l’exploitation et le renouvellement de celles présentant ou qui pourraient présenter des difficultés de croissance" d’autre part. Tout en relevant que la réussite de cette exploitation accrue dépend d’une capacité à développer la filière tant en amont (capacité de fournir des plants de qualité en quantité suffisante) qu’en aval, afin de valoriser le bois récolté.

Des produits bois à longue durée de vie plutôt que le bois énergie

Pour France Stratégie, cette valorisation doit en revanche davantage passer par la production de matériaux à durée de vie longue (panneaux, isolants et bois d’ingénierie) que par le bois énergie, dont elle remet la neutralité carbone en cause, car ne tenant "pas compte des dynamiques temporelles". "Ce n’est que progressivement, sur une durée pouvant varier d’une décennie à plus d’un siècle […] que les émissions liées au bois énergie sont compensées par l’absorption supplémentaire de carbone par la forêt", préviennent ainsi les auteurs de l’étude. 

Cette réorientation jugée "souhaitable" des usages – encore récemment préconisée par l’Assemblée nationale (voir notre article du 12 mai) ou par l’Institut I4CE, après tant d’autres (voir par exemple notre article du 9 avril 2015)  –, doit en conséquence conduire à une réorientation des soutiens publics, les "fonds chaleur, éco-prêt à taux zéro, MaPrimeRénov’ et réduction du taux de TVA sur la vente de chaleur renouvelable" ayant "très probablement contribué à favoriser le développement du bois énergie au détriment des matériaux bois issus du bois industrie". Un constat déjà dressé par la Cour des comptes (voir notre article du 26 mai 2020). Comme souligné précédemment, cette réorientation des usages nécessite également "le développement des industries de première et de deuxième transformation", qui font aujourd’hui défaut – "La France exporte du bois brut bon marché et importe des produits transformés intermédiaires à plus forte valeur ajoutée", relève la note. Un développement préconisé quand bien même "il pourrait se révéler difficile de trouver des débouchés pérennes […] en raison d’un ralentissement du secteur de la construction", lui-même résultant "d’un ralentissement de la croissance démographique et de la mise en œuvre de politiques publiques de sobriété foncière".

Désincitations réglementaires ?

Dans sa note de l’an passé, I4CE soulignait que le développement de ces filières ne pourrait être atteint "qu’à différentes conditions, très ambitieuses et éloignées de la situation actuelle". L’institut en listait trois : que les panneaux et isolants en bois supplantent majoritairement les autres matériaux dans la construction ; que les surfaces rénovées s’accroissent aussi fortement que le souhaite la Stratégie nationale bas carbone 2, "ce qui correspond à une rénovation complète du parc des logements à un très haut niveau d’efficacité énergétique en moins de 30 ans" ; que l’export de ces produits se développe. Il appelait pour ce faire à l’identification "des bonnes incitations économiques et réglementaires pour élargir les débouchés des produits les plus prometteurs". Mais ces incitations, au mieux, tardent à prendre forme (voir notre article du 1er décembre 2022). Quand elles ne frisent pas la "désincitation" (voir la récente tribune de plus de 600 élus, architectes, promoteurs… publiée dans Le Monde dénonçant le projet d’arrêté sur la réglementation incendie).