Efficacité énergétique des bâtiments publics : les collectivités prennent de la hauteur

Le 3 juillet, le premier colloque d'Amorce sur la rénovation énergétique a fait la part belle aux initiatives des collectivités pour réduire, maîtriser et mieux suivre les consommations énergétiques de leur patrimoine.

Mairies, gymnases, bibliothèques ou locaux techniques, les collectivités ont une multitude de sites à chauffer l'hiver et rafraîchir l'été. Cette facture énergie pèse lourd sur leurs finances et justifie pleinement l'embauche d'un économe des flux. "À Nanterre il ne chôme pas, le volume est de 6.000 factures énergie par an", raconte, à l'occasion du colloque organisé par Amorce ce 3 juillet, Gaëlle Collignon, responsable du service ingénierie de cette ville. Sur les 160 sites chauffés, la moitié sont des écoles. Fortement impactée par la baisse de dotations de l’État, la ville n'a pu en réhabiliter que deux. Stabiliser les consommations des autres reste un beau challenge, relevé "en bannissant la climatisation, en profitant des moindres travaux pour isoler et en respectant les consignes de température". Dans l'exploitation se trouvent déjà des leviers. "Et dès qu'on construit il faut veiller à ce que les consommations du bâtiment livré ne plombent pas la facture globale", ajoute-t-elle. 

Convaincre les élus

Si les écoles Bepos (bâtiment à énergie positive) tendent à devenir la règle - à Haubourdin (Nord), la commune en a même démoli puis reconstruit deux en Bepos via un marché public global de performance - tout chantier de ce type reste encore un exercice délicat : "Des études jusqu'aux réglages du bâtiment livré, il faut batailler pour faire valoir l'efficacité énergétique sans tomber dans l'écueil du bâtiment façon usine à gaz, où au final rien ne marche", prévient Gaëlle Collignon. Ne pas céder, non plus, aux sirènes des modes architecturales : "Le tout vitré, c'est niet !" À l'appui de cette démarche, un schéma d'orientation immobilière et un argumentaire béton : tout mètre cube construit coûte dans cette ville 90 euros par an tous postes compris (ménage, énergie, maintenance), "ce qui a le mérite de sensibiliser les élus aux coûts, souvent négligés, d'entretien".

Rentrer dans cette gestion raisonnable - le terme de "sobriété" a été maintes fois prononcé - convaincre les décideurs (souvent nombreux), choisir les bons montages et financements (nombreux aussi) et viser des progrès (même s'ils sont lents à obtenir), c'est dans cette voie que s'engagent les collectivités. C'est aussi celle tracée l'an dernier à l'issue d'un groupe de travail sur la rénovation énergétique du patrimoine éducatif piloté par la Caisse des Dépôts et le plan Bâtiment durable (voir notre article). "Techniquement, les solutions existent", témoigne pour Montpellier Jérôme Alberge, responsable du service énergie de cette métropole. Revente d'électricité renouvelable et production solaire thermique y génèrent quelques recettes et économies. Et la gestion technique centralisée (GTC) sur les médiathèques a fait chuter de 20% la facture énergie. "Le premier constat, c'est qu'on surconsomme de l'électricité. En favorisant l'éclairage et la ventilation naturels, mais aussi des couleurs claires sur les murs, les gains sont au rendez-vous", poursuit-il.

Plus tabou est l'enjeu de réduction de la surface dévolue aux équipements municipaux. Un message difficile à faire entendre à l'approche des municipales. Nanterre visait 20.000 m² en moins : un objectif vite revu à la baisse. Notons enfin cette appétence à être accompagné, dans cette mise à niveau des patrimoines publics, par des outils numériques. "À Saint-Étienne, le numérique va nous aider à cibler les bâtiments à rénover en priorité et faire baisser les coûts de rénovation", résume Jean-Baptiste Calvi, directeur énergie de la métropole.

Bientôt un outil d'aide pour les collectivités

Ce colloque fut aussi l'occasion d'un point d'étape sur le projet européen Sherpa (cofinancement Feder), pour Shared Knowledge (partage de connaissances) for Energy Renovation in Buildings by Public Administrations. Pour Camille Filancia, chargée de mission chez Amorce, partenaire français de ce projet entrant après deux années de test dans une phase opérationnelle, la méthodologie trouvée sera utile à des projets d'amélioration énergétique de bâtiments de collectivités : "Nous capitalisons ces travaux pour proposer à l'automne prochain aux collectivités un guide et une signature d'engagement dans une stratégie de rénovation". Un timing raccord avec la publication du décret tertiaire, annoncé depuis neuf ans et actuellement entre les mains du Conseil d’État. "Ce décret dictera que tout bâtiment de plus de 1.000 m² doit faire l'objet d'un audit énergétique et rapporter ses consommations dans un outil national", déflore Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce. 

Plusieurs maîtres d'ouvrage publics ont souligné durant ce colloque l'intérêt de recourir à un contrat de performance énergétique (CPE) pour rénover un bâtiment sportif (piscine) ou d'enseignement. Selon les derniers résultats de l'observatoire des CPE, présentés le 2 juillet au ministère de la Transition écologique et solidaire, c'est encore un marché de niche avec un peu moins de 300 contrats passés depuis une dizaine d'années, dont seulement une poignée en phase exploitation. Pour les promouvoir et les massifier, la Banque des Territoires, la Fedene et le Syndicat national de l’exploitation climatique et de la maintenance (Snec) ont signé une convention lors du colloque. Elle vise à développer une solution de financement qui s'appuie sur la démarche dite d'"intracting". "Cet intracting sécurisé est une excellente solution pour les collectivités. Il finance 50% de leurs travaux en leur permettant de réinjecter les économies générées par la baisse de consommation dans de nouvelles opérations, selon le principe d’une chaîne vertueuse", éclaire Emmanuel Legrand, directeur du département Transition énergétique de la Banque des Territoires. Dans le Haut-Rhin, Saint-Louis vient aussi de signer le 1er juillet une convention d’intracting pour des travaux sur quinze bâtiments (écoles, médiathèque, centres sportifs, hôtel de Ville, mairies annexes, centre culturel) et un montant global de près de 700.000 euros qui sera réalisé en totalité d’ici 2021. 

 

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