Droit de passage Télécom : un livre blanc pour guider les collectivités
"Le cadre légal est clair, ce qui n’empêche pas la complexité", a résumé Schéhérazade Abboub, avocate au sein du cabinet Parme Avocats, coproducteur avec la Banque des Territoires et la société de conseil Strategic Scout d'un livre blanc "sur le droit de passage Télécom pour les collectivités territoriales", présenté lors du colloque organisé par la mission Ecoter à Paris, jeudi 28 mars 2019. Il en ressort que les collectivités et surtout les communes rurales connaissent peu le cadre légal. Ce livre blanc se veut une référence en la matière.
"On paie notre millefeuille administratif", dénonce Schéhérazade Abboub, avocate au sein du cabinet Parme Avocats. Elle vient présenter, au terme d’une matinée consacrée au "droits de passage Télécom pour les collectivités territoriales”, jeudi 28 mars, à Paris, le livre blanc ad hoc que son cabinet a coproduit avec la Banque des Territoires et Strategic Scout. Si le cadre légal est clair depuis 1996, il n’en est pas moins complexe. Car il prend ses sources en plusieurs codes : code général des collectivités territoriales, code général de la propriété des personnes publiques, code de l'urbanisme, code de l’environnement et code de la voirie routière.
Complexité
Les difficultés rencontrées tiennent aussi à la superposition des autorités publiques susceptibles d’accorder des titres d’occupation : au 1er janvier 2017, on recense pas moins de 36.000 communes, 1.268 EPCI à fiscalité propre et 101 départements gérant des domaines publics ou privés. "Les disparités dans les processus de traitement des droits de passage sur le territoire national nécessitent de s’interroger sur la mise en place de dispositifs de mutualisation de la gestion des droits de passage", estiment les auteurs du livre blanc. Car la situation est source d’insécurité juridique pour les opérateurs de communications électroniques mais également pour les collectivités territoriales. D'après le document, "la plupart des retours d’expériences font ressortir la nécessité d’une amélioration du processus global de gestion des droits de passage" et "l’impossibilité matérielle pour certaines communes, notamment les plus petites, de prendre en charge un tel processus".
Et pourtant, dans la perspective de l’objectif fixé par le gouvernement d’un déploiement intégral du très haut débit sur le territoire d’ici 2022, la gestion des droits de passage télécom va s’intensifier. Il y a donc un impératif d'amélioration. C’est l’objectif du guide : mettre à disposition des collectivités une synthèse du cadre juridique et des enjeux liés aux droits de passage pour les réseaux de communications électroniques. Car la complexité n'est pas qu'administrative et financière, du fait de l’implication de nombreux gestionnaires de domaines publics et de l’importante disparité tarifaire. Elle est aussi technique à cause des "différentes catégories d’infrastructures concernées par les droits de passage : fourreaux enterrés, câbles sur support aérien, armoires de rue, pylônes et points hauts de téléphonie mobile… ", exposent les auteurs du guide. Un autre sujet pointé du doigt lors du colloque est celui de l'accès aux données. En cas de litige entre les parties pour l'accès à l'information, c'est l'Arcep qui doit saisie. Mais concrètement, "comment ont été archivés les contrats depuis 20/30 ans ?", interroge Schéhérazade Abboub, ajoutant qu'"il arrive régulièrement qu'ils soient tout simplement perdus".
Guichets uniques
Sur 80 pages, le livre blanc permet d'aborder le droit de passage en quatre chapitres :
- Formation du cadre juridique des droits de passage télécom (p. 11- 22)
- Conditions d'octroi et régime juridique des droits de passage télécom : l'ensemble des règles régissant les procédures de délivrance des autorisations d'occupation domaniale par les gestionnaires du domaine public (p. 26 à 46)
- Dispositifs d'information, de coordination et de mutualisation applicables aux réseaux de communication électroniques (p. 47 à 66)
- Principales difficultés rencontrées actuellement dans le processus de gestion des droits de passage et liées au régime de propriété des infrastructures d'accueil des réseaux de communication électronique ainsi qu'aux différences de politiques tarifaires pratiquées par les collectivités (p. 67 à 80)
S'agissant de la mise en place d’un processus global de gestion des droits de passage, le livre blanc souligne qu'il faudra prendre en compte "les outils et les dispositifs existants". Il rappelle notamment la nouvelle directive communautaire 2014/61/UE du 15 mai 2014 (1) qui "pourrait servir de fondement au renforcement d’un dispositif global". Concernant le projet de déployer des guichets uniques, le guide suggère une "mise en place à un niveau départemental par certains syndicats d’énergie de dispositifs [...] ayant pour objet d’accompagner leurs collectivités membres dans le processus de gestion des droits de passage".
De nouveaux sujets sont aussi à anticiper, liés au déploiement de la 5G et à la multiplication prévisible des objets connectés. "Engie, JC Decaux, Suez, Bouygues et d'autres ont prévu d'occuper le domaine public en y déposant une multitude d'objets connectés. On se dit 'c'est juste un petit boîtier sur un abri-bus' mais ce n'est pas si simple !", prévient Schéhérazade Abboub. Le free floating qui s'est beaucoup développé dans les grandes villes en est un bon exemple. Quelles règles appliquer ? Comment cela va-t-il fonctionner ? C'est dès à présent qu'il faut réfléchir au sujet, préconise le cabinet Parme avocats.
(1) Directive communautaire 2014/61/UE du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit.