Délinquance des mineurs : la comparution immédiate fait (déjà) son retour

En déplacement à Valence, le Premier ministre a dressé un bilan d’étape de la consultation sur la justice pénale des mineurs qu’il a lancée il y a un mois à Viry-Chatillon. Si ni la (ré) introduction d’une procédure de comparution immédiate, ni la révision de l’atténuation de la peine ne font pour l’heure consensus, le Premier ministre a d’ores et déjà indiqué que la première serait bien mise en place. La seconde reste, elle, en discussion. Dans tous les cas, Matignon espère voir son projet de loi, qu’il tarde à déposer, adopté d’ici la fin d’année.

Comme il s’y était engagé à Viry-Chatillon le 18 avril dernier (voir notre article du même jour), le Premier ministre, Gabriel Attal, a dressé, ce 25 mai à Valence (voir encadré ci-dessous), un point d’étape de la concertation de huit semaines qu’il avait alors engagée sur la justice pénale des mineurs. Une justice qu’il entend à nouveau réformer, avec pour ambition de "mettre fin au sentiment d’impunité qui peut exister chez nos jeunes", et pour recette de sanctionner "plus tôt, plus vite et ne pas laisser la situation dégénérer". Et ce, dans la droite ligne du plan d’actions présenté par sa précédecesseure, Élisabeth Borne, en octobre dernier, en réaction aux émeutes de l’été (voir notre article du 26 octobre 2023).

Réintroduction d’une comparution immédiate

Bien que la consultation soit encore en cours, et bien que Matignon concède qu’il n’y ait pour l’heure "pas forcément un consensus", Gabriel Attal a fait part de sa volonté de (re) "mettre en place une forme de comparution immédiate pour les jeunes dès 16 ans". "Nous avons tranché", déclare le Premier ministre, qui considère "qu’il n’y a pas de raison qu’un jeune de cet âge ne puisse pas être sanctionné immédiatement après les faits".

Remettre en place, puisqu’une procédure similaire de "présentation immédiate" existait naguère, avant d’être supprimée par le gouvernement via l’adoption, en février 2021, d’une loi (voir notre article du 17 février 2021) ratifiant l’ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs présentée par Nicole Belloubet en 2019, code entré en vigueur le 30 septembre suivant (voir notre article du 28 septembre 2021). "Il faut être très pragmatique. Il y a peut-être des choses sur lesquelles on s’est trompé. Il y a peut-être des outils qu’on a supprimés et qui étaient intéressants", confesse l’entourage du Premier ministre. Reste donc à remettre l’ouvrage sur le métier. "La deuxième partie de cette concertation, c’est pour voir comment on opérationnalise la mesure", précise Matignon, qui hésite entre "retoucher un petit peu l’audience unique pour en faire un outil qu’on puisse utiliser plus facilement, avec une réponse pas dans 10 jours mais tout de suite", ou créer une procédure spécifique qui se rapprocherait de celle existante pour les majeurs. Dans tous les cas, Matignon rappelle que "ce sont des mesures qui nécessitent de passer par la loi, l’idée étant d’avoir une adoption avant la fin de l’année".

Possibilité de "placement en foyer au premier fait"

Gabriel Attal a également annoncé à Valence "une mesure nouvelle : au premier fait, on va permettre, pour certains jeunes, le placement en foyer pendant une quinzaine de jours", "notamment pour évaluer la situation et permettre une prise en charge adaptée". En "extrayant le mineur de son lieu de vie habituel", Matignon ambitionne à la fois de mettre un "coup d’arrêt" à la délinquance – tout en évitant "la désocialisation d’une très courte peine de prison" – et d’évaluer la situation du mineur "de manière beaucoup plus fine". Ce placement en foyer, géré par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), se fera sous le contrôle du juge, précise encore Matignon. Il faudra alors mesurer les moyens nécessaires à sa mise en œuvre, alors qu’un rapport sénatorial pointait récemment les difficultés rencontrées par la PJJ (voir notre article du 27 septembre 2022).

Des parents responsabilisés

"La responsabilité, c’est aussi chercher du côté des parents", assure Gabriel Attal. Le Premier ministre l’a réaffirmé (voir notre article du 12 décembre 2023), "le projet de loi permettra de sanctionner les parents de jeunes délinquants avec des amendes". Mais aussi "d’aller chercher la responsabilité des deux parents". "Aujourd’hui, c’est toujours sur la mère que ça tombe", déplore-t-il, évoquant le cas des parents séparés. Des parents qui devront en outre "signer à chaque rentrée [scolaire] un contrat des droits et des devoirs pour les responsabiliser". Le Premier ministre y voit une réaffirmation de son soutien aux enseignants. L’avenir dira si ce contrat produira d’autres effets.

L’atténuation de la peine encore en débat

Par ailleurs, alors qu’il avait tu le sujet dans son discours, le Premier ministre a précisé, en réponse aux journalistes, qu’il n’y avait pas de consensus sur la question de l’atténuation de la responsabilité des mineurs – ou, improprement, "l’excuse de minorité". "Nous continuons à y travailler", ajoute-t-il, "en nous gardant […] des propos d’estrade ou des solutions de facilité". La voie est étroite. "La jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire : si vous voulez abaisser la majorité pénale, vous devez abaisser la majorité tout court, avec le droit de vote et tout ce qui va avec", souligne Gabriel Attal.

Projet de loi et Beauvau de la délinquance reportés sine die

Reste désormais au gouvernement à présenter son projet de loi, lequel devrait, entre autres mesures, également introduire une composition pénale simplifiée pour sanctionner "les manquements légers répétés", "qui ne nécessitera plus la validation par un juge comme c’est actuellement le cas", comme l’a récemment précisé la ministre déléguée Prisca Thevenot. Il se fait attendre. "Voilà huit mois que nous attendons le projet de loi sur la responsabilité parentale et sur la réponse pénale en matière de délinquance des mineurs, […] et nous ne voyons toujours rien venir. Plusieurs fois inscrit à l'ordre du jour, l'examen de ce texte a été reporté sine die", déplorait, le 30 avril dernier, la sénatrice Agnès Canayer (Seine-et-Marne, LR) en séance publique. Il faudra encore faire preuve de patience, puisque la publication du texte avant la fin de la présente consultation serait quelque peu incongrue. Peut-être faudra-t-il attendre également la fin des travaux du "Beauvau de la prévention de la délinquance", annoncé en février par Sabrina Agresti-Roubache (voir notre article du 15 février) et qui devait se tenir le 23 mai dernier. Las, lui aussi a été reporté sine die. Au ministère, on table sur une réunion "mi-juin".

› La FAR se déploie à Valence

Le Premier ministre s’est initialement également rendu à Valence pour faire le point sur le premier déploiement des "forces d’actions républicaines" (FAR), promues par Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle et lancées par Élisabeth Borne après les émeutes de l’été (voir nos articles du 26 octobre et 6 novembre 2023). Outre des renforcements d’effectifs – "13 policiers en plus […], 4 renforts pour lutter contre le séparatisme, 6 personnels de justice supplémentaires, un conseiller principal d’éducation, un psychologue scolaire" – et divers abondements – "250.000 euros de l'État pour prévoir des caméras de vidéoprotection supplémentaires, […] une cité éducative avec un abondement de 150.000 euros de plus, un abondement de 250.000 euros au contrat de ville –, Gabriel Attal y a annoncé la nomination "d’un sous-préfet qui sera chargé, auprès du préfet, de s’occuper de cette mobilisation générale".

"Ce dispositif a vocation à être dupliqué dans d’autres endroits", précise Matignon, indiquant avoir "déjà en tête Besançon et Maubeuge pour de futurs déplacements". Un dispositif "à la carte", qui n’est pas sans rappeler les contrats de sécurité intégrée (voir notre article du 16 mars 2021) ou les opérations "place nette" (voir notre article du 17 avril).