Quartiers prioritaires : "près de 85% des mesures sont mises en œuvre"
Education, emploi, sécurité, rénovation urbaine, "lien social". Julien Denormandie a décliné ce 26 février en Conseil des ministres un nouveau bilan de la "mobilisation nationale" en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville lancée par le chef de l'Etat il y a deux ans et demi. Celui-ci avait reçu la veille des représentants du monde associatif pour évoquer avec eux la lutte contre le "séparatisme".
Deux ans et demi après le "discours de Tourcoing", autrement dit le lancement par Emmanuel Macron de la "mobilisation nationale" en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), suivi d'une "feuille de route" listant 40 mesures, l'heure d'un bilan.
C'est le ministre Julien Denormandie, chargé de la ville et du logement, qui en a assuré la présentation ce mercredi 26 février en Conseil des ministres. Comme il l'avait déjà fait en mai dernier d'ailleurs. En mettant en avant la nécessaire "double action" devant être menée dans ces 1.500 QPV : une "action de reconquête" ("Il y a des territoires où la sécurité est un enjeu essentiel, et où l'action régalienne de sécurité, de lutte contre le séparatisme, de lutte contre un certain nombre de réseaux, est au cœur de notre action") et une "politique de réussite républicaine" (ont été citées à ce titre les politiques en matière de lutte contre les discriminations ou d'accès aux services publics).
Ce bilan, le ministre l'a décliné en "cinq principaux programmes" : éducation, emploi, sécurité, "reconstruction rénovation" et "lien social". Selon le gouvernement, "près de 85% des mesures de la mobilisation nationale sont à ce jour mises en œuvre". On relèvera qu'il n'a pas été question des contrats de ville, prorogés jusqu'en 2022, ni de leur "rénovation".
Education – Sur l'éducation, que Julien Denormandie a qualifié de "mère des batailles", sont cités le dédoublement des classes, dont bénéficient "300.000 enfants", les stages de 3e (29.300 offres de stages cette année), le parrainage de jeunes et, surtout, les 80 cités éducatives. La finalité de ces cités éducatives; qui concernent aujourd'hui "plus de 200.000 enfants" : "permettre de fédérer tous les acteurs et d’offrir aux enfants une éducation de qualité sur le temps scolaire, périscolaire et extrascolaire" (lire notre article du 20 février). La prochaine réforme de l'éducation prioritaire n'a en revanche pas été mentionnée.
Emploi – Là aussi, une "priorité absolue". Et le ministre de rappeler que les QPV connaissent "un taux de chômage deux à trois fois supérieur" à la moyenne nationale. Ce taux "a diminué" mais le mouvement doit se poursuivre "encore plus rapidement qu'ailleurs", a-t-il souligné. Principal dispositif activé : les emplois francs, généralisés à tous les QPV depuis le 1er janvier. A ce jour, 20.000 emplois francs auraient été signés. Julien Denormandie a en outre évoqué le plan "15.000 bâtisseurs" (voir notre article du 21 février), la formation professionnelle avec le plan d’investissement dans les compétences "dont 2 milliards d’euros sont consacrés aux quartiers" et la publication récente des résultats d'un vaste testing (lire notre article du 7 février).
Sécurité – Sur ce terrain, il a été rappelé que la police de sécurité du quotidien se traduit notamment "par l’affectation dans 47 quartiers de reconquête républicaine de 864 policiers et gendarmes supplémentaires" et les "quartiers de reconquête républicaine" ont été mis en avant.
"Reconstruction, rénovation, réhabilitation" – "La rénovation urbaine est repartie sur de bons rails", a déclaré le ministre : "En un an, plus de 9 milliards d'euros ont été engagés, plus de 100.000 logements ont été rénovés, plus de 60.000 sont en cours de construction". Il est vrai que près de deux ans après sa relance, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) a pu se prévaloir d'une année 2019 exceptionnelle (lire notre article du 17 janvier). Julien Denormandie a tenu à mettre l'accent sur le fait que la rénovation urbaine, "c'est aussi des infrastructures publiques, et notamment des écoles". "On n'insiste pas suffisamment là-dessus mais c'est plus de 220 écoles qui sont en cours de rénovation". Il a, enfin, évoqué l'enjeu de l'habitat privé, avec le plan de résorption des grandes copropriétés dégradées (3 milliards d’euros mobilisés pour traiter 56.000 logements), dont un premier bilan a été tiré fin janvier par son comité de pilotage (lire notre article du 27 janvier).
"Lien social" – "La question du lien social", c'est aussi celle de "l'action conjointe de l'ensemble des acteurs – les collectivités locales, les associations et les pouvoirs publics", a relevé Julien Denormandie. Il a à ce titre évoqué la réception de représentants associatifs par Emmanuel Macron la veille dans le cadre de la lutte contre le "séparatisme" avec, à la clef, "des engagements en termes de postes, de financements…" (lire notre encadré ci-dessous). Pour le ministre, l'un des enjeux est celui du "dernier kilomètre" – ou comment faire en sorte "que les enfants et les jeunes soient accompagnés pour éviter que d'autres, qui ne respectent pas les valeurs de la République, ne s'en occupent". Là encore, les cités éducatives sont citées comme l'un des nouveaux piliers de cet accompagnement global.
"Séparatisme" : Emmanuel Macron entend "remobiliser" les associations
Emmanuel Macron a placé mardi les associations en première ligne dans la lutte contre "le séparatisme islamiste", en annonçant des moyens supplémentaires et le renforcement des contrôles pour éviter que ces mêmes associations ne fassent "le lit du radicalisme".
Une semaine après avoir annoncé de premières mesures à Mulhouse (lire notre article), le chef de l'État a reçu mardi 25 février pendant trois heures à l'Élysée les responsables de six grands réseaux d'éducation populaire et de trois associations locales pour les "remobiliser" dans "leurs actions de terrain pour faire reculer le séparatisme", a indiqué la présidence.
Le chef de l'Etat a à ce titre évoqué le déblocage de 100 millions d'euros supplémentaires sur trois ans pour les cités éducatives, qui concerne près de 450.000 jeunes dans 80 territoires. Cette enveloppe de 100 millions d’euros avait été annoncée le 20 février par les ministres de l'Éducation et de la Ville (voir notre article).
Sont également prévus le recrutement de 1.000 "adultes-relais" supplémentaires dans les quartiers en difficulté, le financement de 750 postes de coordinateurs associatifs (dispositif Fonjep), le versement de 45 millions d'euros pour le programme Tremplin Asso sur trois ans, ainsi que la simplification des démarches de recherche de financement.
Au cours de la réunion, Emmanuel Macron a dit vouloir "renforcer les outils de contrôle et de sanction pour s'assurer du respect des valeurs républicaines par les associations bénéficiant de financements publics", selon son entourage. Sera systématisée la signature de "contrats républicains" qui conditionneront les aides publiques au respect des principes de la République. "En cas de non-respect, l'État ou la collectivité pourra demander la restitution de la subvention", précise l'Élysée, en indiquant qu'une "disposition législative sera proposée dans le projet de loi à venir".
Le gouvernement entend par ailleurs renforcer l'enseignement des "valeurs de la République et de la laïcité" dans les formations des acteurs de terrain, comme celle du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa).
Emmanuel Macron a prévu de continuer à décliner la stratégie sur plusieurs semaines, avant et après les municipales des 15 et 22 mars, avec un deuxième déplacement lié à la politique de la ville envisagé la semaine prochaine en Île-de-France. À Mulhouse, il avait précisé qu'il ne s'agissait pas d'"un plan contre l'islam", qui serait "une faute profonde". "Notre ennemi est le séparatisme", avait-il insisté, en annonçant l'arrêt de l'accueil des "imams détachés" ou le contrôle renforcé des financements étrangers des lieux de culte.
À l'Assemblée nationale, les députés LREM ont présenté, également mardi, leurs axes de travail contre ce "séparatisme", en proposant notamment de "former les imams en France".
Les six réseaux présents à la réunion à l'Elysée étaient la Fédération Léo Lagrange, le Mouvement associatif, la Ligue de l'enseignement, la Confédération des MJC, l'Association de la Fondation étudiante pour la ville (Afev) et Unis-Cités. Ainsi que trois associations locales : Citoyenneté Possible (Seine-Saint-Denis), Décider (Essonne) et Ancrages (Bouches-du-Rhône).
Pour le président de la Ligue de l'enseignement, Joël Roman, l'État doit "instaurer enfin un vrai travail avec le monde associatif" car ce dernier a "un savoir-faire" dans ces domaines. "L'État ne peut pas tout faire tout seul", a-t-il souligné dans le quotidien La Croix.
C.M., avec AFP