Réutilisation des eaux usées traitées : deux arrêtés pour les usages agricoles et espaces verts publiés

Pour répondre aux tensions sur la ressource en eau, la réutilisation des eaux usées traitées (Reut) a fait l’objet de deux arrêtés fixant les conditions de production et d’utilisation dans le domaine de l’irrigation agricole et l’arrosage d’espaces verts. Un décret et un arrêté sont par ailleurs soumis à consultation pour poser un nouveau cadre réglementaire concernant certains usages domestiques.

Mise en avant par le plan Eau, la réutilisation des eaux usées traitées (Reut) fait l’objet d’une triple actualité réglementaire. Deux arrêtés interministériels sont en effet parus les 21 et 28 décembre derniers pour préciser certains seuils et conditions d'utilisation pour les usages agricoles et l'arrosage des espaces verts. Un projet de décret - accompagné d’un d’arrêté - concernant les usages domestiques des eaux non conventionnelles au sens large (y compris les eaux de pluie) est par ailleurs soumis à consultation publique, jusqu’au 26 janvier prochain. Les récentes évolutions réglementaires (décret du 29 août 2023) apportent des simplifications lorsque les projets respectent les exigences de qualité des eaux. Le premier bilan du plan Eau dressé en octobre dernier est d’ailleurs plutôt encourageant : sur les 1.000 projets de valorisation des eaux non conventionnelles visés sur l’ensemble du territoire d’ici 2027 (mesures 15 et 16 du plan), 419 ont été identifiés par le ministère de la Transition écologique, et 136 sont d'ores et déjà mis en service. 

Introduction de la notion de barrières

Les deux arrêtés publiés (irrigation et espaces verts) étaient attendus car la réglementation - l’arrêté du 2 août 2010 relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts - devait être modifiée pour se mettre en conformité avec le règlement (UE) n°2020/741 du 25 mai 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau. 

Pour l’arrosage des espaces verts (aires d'autoroutes, cimetières, golfs, hippodromes, parcs, jardins publics, petits espaces végétalisés de la compétence des collectivités tels que jardinières, espaces fleuris…, ronds-points et autres terre-pleins, squares, stades…), le texte reprend les seuils de l'arrêté de 2010, en introduisant la possibilité de mettre en place des "barrières" devant permettre d’atteindre le même niveau de qualité. Les prescriptions d’usage de l’arrêté de 2010 (par exemple, arrosage en dehors des heures d'ouverture au public) sont désormais qualifiées de barrières dans le nouvel arrêté. Ainsi, la nouvelle classe B de l'arrêté relatif à l’arrosage des espaces verts "est définie par des seuils de qualité équivalents à ceux de la classe A de l’arrêté de 2010 et fixe les mêmes prescriptions d’usage que celles de l’arrêté de 2010, désormais qualifiées de barrières", explique le ministère de la Transition écologique. Le texte détermine les usages possibles suivant quatre niveaux de qualité des eaux usées traitées. L’introduction de la notion de "barrières" permet d’utiliser des EUT de moindre qualité à condition de mobiliser des barrières appropriées pour atteindre la qualité requise. Le texte introduit également une démarche d’évaluation et de gestion des risques qui identifie les mesures préventives nécessaires afin d’adapter les modalités de gestion et de suivi à la nature du projet. 

La nouvelle classe A de l’arrêté "espaces verts", issue du règlement européen et reprise dans l’arrêté relatif à l’irrigation agricole, plus exigeante en termes de qualité des eaux, permet une utilisation avec moins de prescriptions ou de barrières. Il est précisé que les barrières s’appliquent à la zone ou aux produits qui font l’objet de l’utilisation des EUT. La mise en place de barrières ainsi que, le cas échéant, de mesures préventives rend possible l’utilisation d’eaux d’une qualité inférieure aux niveaux de qualité précisés à l’annexe I de chaque arrêté. Les mesures préventives correspondent notamment à des prescriptions relatives aux distances minimales à respecter entre les zones d’utilisation des EUT et les activités à protéger, au contrôle des accès ou à l'arrosage par aspersion. La nature des mesures proposées doit être adaptée en fonction de la nature du projet et de la configuration des points d'utilisation (vents dominants, fréquentation des abords, qualité de l'eau). L'annexe III fournit une liste indicative des mesures préventives. Pour rappel, l’arrêté du 28 juillet 2022 relatif au dossier de demande d'autorisation d'utilisation des eaux usées traitées précise les pièces constitutives du dossier conformément aux articles R.211-129 et suivants du code de l’environnement qui définissent la procédure d’autorisation des projets de Reut, y compris pour les usages liés à l’irrigation et à l’arrosage des espaces verts. 

Vers un troisième arrêté pour les usages domestiques

Le projet de cadre réglementaire (décret et arrêté) soumis à consultation va permettre la poursuite des usages domestiques déjà réalisés à partir d’eaux impropres la consommation humaine puisqu’il va codifier les dispositions déjà existantes issues de l’arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments qu’il a vocation à abroger, ainsi que les dispositions relatives à l’usage d’eaux grises, pouvant être autorisées actuellement à titre exceptionnel par autorisation préfectorale au titre de l’article R.1321-57 du code de la santé publique. Les eaux douces du milieu naturel, les eaux de puits et de forages privés, les eaux issues de l’exploitation de piscines collectives pourront être utilisées pour les usages domestiques visés. À savoir : lavage des sols intérieurs, lavage du linge, alimentation de fontaines décoratives, évacuation des excrétas, nettoyage des surfaces extérieures, dont le lavage des véhicules lorsqu’il est réalisé exclusivement au domicile, arrosage des jardins potagers, arrosage des espaces verts à l’échelle des bâtiments, dont les toitures et murs végétalisés. 

Pour la majorité des usages, aucune procédure administrative supplémentaire au cadre existant (notamment déclaration en mairie au titre du code général des collectivités territoriales) n’est requise. La procédure administrative relative à la mise en œuvre des eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques sera simplifiée avec l’instauration d’un régime de déclaration auprès du préfet (à l’exception des usages réalisés dans les établissements recevant du public sensibles soumis à autorisation préfectorale).

Concernant les couples eaux impropres à la consommation humaine / usages domestiques pour lesquels les connaissances scientifiques et les pratiques ne sont aujourd’hui pas suffisamment disponibles pour définir un cadre de prescriptions techniques garantissant la sécurité sanitaire des usagers, le projet de décret prévoit que des expérimentations peuvent être réalisées. 

 
Références : arrêté du 14 décembre 2023 relatif aux conditions de production et d'utilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage d'espaces verts, JO du 21 décembre 2023, texte n°39 ; arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux conditions de production et d'utilisation des eaux usées traitées pour l'irrigation de cultures, JO du 28 décembre 2023, texte n°84. 
 

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