Relation école-entreprise : les pistes de l'Afdet pour plus d'efficacité

Combien d'emplois seront créés dans les différents métiers ? Quels seront les besoins de recrutement des entreprises compte tenu des départs en fin de carrière ? Quels déséquilibres anticiper si, pour chaque métier, rien n'est fait pour corriger l'écart entre les besoins de recrutement des employeurs et le flux de jeunes sortant de formation initiale ? Dans un rapport publié début décembre 2024, l'Afdet livre son état des lieux de la relation école-entreprise et formule des propositions d'amélioration. Objectif : optimiser l'orientation, les qualifications et l'insertion professionnelle des jeunes en adéquation avec les besoins des territoires. 

Dans la relation école-entreprise, de nombreux progrès ont été réalisés en particulier dans deux domaines : celui de l'information sur les métiers auprès des élèves des collèges et lycées et celui des formations professionnelles en alternance qui sont suivies désormais par près de deux millions de jeunes, lycéens, étudiants ou apprentis avec pour objectif une orientation choisie, assortie d'un accès à la qualification et à l'emploi. Partant de cette toile de fond, l'Association française pour le développement de l'enseignement technique (l'Afdet) s'interroge : "Pour autant, les attentes des jeunes, de leurs parents comme celles des entreprises et en définitive de la nation, sont-elles pleinement satisfaites ?", questionne l'Association dans un rapport publié le 3 décembre 2024 portant sur les relations aux différents niveaux (local, régional et national) entre "l'école" - c'est-à-dire les collèges, les lycées professionnels, les lycées généraux et technologiques, les lycées polyvalents publics et privés sous contrat, les centres de formation des apprentis, l'Education nationale - et "l'entreprise", c'est-à-dire les artisans et petites entreprises, les PME-PMI, les grandes entreprises, et leurs organisations représentatives.

Multiplicité des dispositifs, dilution des responsabilités

"Le développement des relations école-entreprise se caractérise par des réussites incontestables mais il est aussi obéré par des difficultés conduisant à des pertes d'efficacité", estime l'Afdet. L'Association déplore une très (trop) grande diversité d'interlocuteurs représentant les entreprises "pas toujours faciles à identifier par les acteurs concernés" : établissements, entreprises, branches professionnelles, chambres consulaires, associations... Elle pointe aussi du doigt un nombre devenu excessif des dispositifs existants : comités locaux éducation économie (Clee), Regroupements territoriaux éducation-économie (RTÉÉ), Campus des Métiers et des Qualifications (CMQ)... Auxquels s'ajoute une pluralité d'instances territoriales : comités de bassin d'emploi (CBE), Territoires d'Industrie, Commissions du réseau emploi, etc. Le tout étant contraint par une "multiplicité de dispositions règlementaires (décrets, circulaires et notes de service) "successivement publiés, sans articulation d'ensemble" entraînant une "dilution des responsabilités". 

"Rôle de facilitateur"

Dans ce millefeuille, le rapport estime que les collectivités locales, souvent en lien direct avec les bassins d'emploi et de formation, jouent un "rôle de facilitateur" mais ne sont "pas toujours suffisamment associées". En collaboration avec les rectorats et les entreprises, elles pilotent des initiatives comme les Campus des Métiers et des Qualifications (notre article du 1er octobre), ces pôles d'excellence sectoriels qui adaptent les formations aux besoins des filières d'avenir, les comités locaux éducation économie (Clee), ces nouvelles instances prévues par la loi Plein emploi du 18 décembre 2023 et dont la mise en place est ralentie par les hésitations relatives au périmètre territorial ainsi qu'à leur coprésidence (notre article du 13 novembre) ou bien encore les comités territoriaux éducation économie (CTEE), outil stratégique de coordination territoriale qui permet une gestion concertée des projets locaux d'adaptation des compétences. Par ailleurs, la construction du réseau emploi défini par la loi Plein emploi place auprès de France Travail l'ensemble des acteurs de l'emploi, dont l'Etat, les missions locales et les collectivités territoriales. Dans son rapport, l'Afdet ne manque pas de souligner que "les acteurs du service public de l'emploi constituent un excellent point d'appui pour la définition d'une politique de formation initiale professionnelle ancrée dans les réalités territoriales". 

Huit propositions 

Pour améliorer les relations école-entreprise, l'Afdet avance donc huit recommandations. Elle suggère entre autres de simplifier l'organisation des partenariats école-entreprise, d'améliorer la qualité des formations en alternance et de développer le mentorat. A ce titre, l'Afdet cite des branches comme la métallurgie, où l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a mis en place des actions structurées pour attirer les jeunes et valoriser les métiers industriels. Le rapport propose aussi une refonte du dispositif d'orientation. Il suggère ainsi d'intégrer l'information sur l'économie, les métiers et les formations dans la formation des enseignants et de créer un espace d'orientation dédié dans chaque établissement. Le rapport cible enfin la carte des formations qu'il faudrait rendre "plus réactive et collaborative". L'Afdet propose que cette carte repose sur des processus de concertation étendue, des moyens accrus et la création de nouvelles instances de dialogue. L'objectif étant de "répondre aux besoins des bassins d'emploi en ajustant les formations de manière rapide, concertée et en lien direct avec les mutations du marché du travail". Cette approche territoriale permettrait "une meilleure adéquation entre les compétences des jeunes et les besoins en emploi".

Décalage "préoccupant" entre l'offre de formation et les besoins du marché 

D'ici 2030, plus de 1,2 million de postes seront à pourvoir. Les quatre métiers les plus créateurs d’emploi (entre +110.000 et 115.000 chacun) seraient les ingénieurs informatiques, les infirmiers-sages-femmes, les aides-soignants et les cadres commerciaux. Viendraient ensuite les aides à domicile (+100.000) et les ouvriers qualifiés de la manutention (+80.000), qui devanceraient les cadres des services administratifs et financiers et les ingénieurs et cadres techniques de l'industrie (respectivement +75.000). Il est à noter que les cadres du bâtiment (+60.000) et les personnels d'études et de recherche (+50.000) figureraient parmi les quinze métiers les plus dynamiques. Tous les métiers ne devraient donc pas disposer des mêmes viviers de main-d’œuvre... Or, le décalage entre l'offre de formation et les besoins du marché reste "préoccupant". "Des tensions sur le recrutement pourraient persister sans action corrective", prévient l'Afdet. Au niveau national, le rapport appelle à une "stratégie nationale claire, pilotée de manière concertée entre l'État, les régions et les partenaires sociaux". Il invite pour ce faire tous les acteurs – collectivités, entreprises, et éducation nationale – à "s'unir pour faire des territoires des moteurs de développement et d'insertion durable".