Politique du logement : la Cour des comptes estime que les services déconcentrés de l'État ne sont pas efficients
La Cour des comptes publie un référé sévère sur la mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de l'État. Elle formule deux recommandations, dont celle de rapprocher les DDCS (directions départementales de la cohésion sociale) chargées de la demande de logement social et de la politique d'attribution avec les DDTM (directions départementales des territoires et de la mer) qui suivent la production et accordent des agréments aux bailleurs sociaux. La seconde recommandation porte sur un meilleur partage des données.
"Les services déconcentrés de l'État ne sont paradoxalement pas impliqués dans le pilotage des deux outils les plus importants de la politique de logement, à savoir les allocations logement (environ 18 milliards d'euros par an) et les dépenses fiscales (environ 13 milliards d'euros par an)." C'est une des observations formulées par la Cour des comptes dans un référé rendu public le 21 janvier 2019, sur "la mise en œuvre de la politique du logement par les services déconcentrés de l'État".
Le référé s'appuie sur une enquête réalisée au premier semestre 2018, visant à "apprécier la faculté des services déconcentrés à décliner, au niveau local, les objectifs nationaux, en les adaptant aux particularités des territoires. Au terme de l'enquête, la Cour des comptes doute de la "capacité" de l'État "à être un partenaire solide pour les autres acteurs du logement".
Un unique service départemental pour rompre avec la "comitologie pesante"
Pour pallier cette "incapacité", la Cour formule deux recommandations. La première consisterait à "réunir le soutien de l'offre et la gestion de la demande de logement au sein du même service départemental interministériel de l'État". Aujourd'hui, on a d'un côté les DDCS (directions départementales de la cohésion sociale) chargées de la demande de logement social et de la politique d'attribution ; et d'un autre côté les DDTM (directions départementales des territoires et de la mer) qui suivent la production et accordent des agréments aux bailleurs sociaux.
De fait, les deux directions sont en général présentes toutes les deux dans les instances locales et relisent conjointement des documents stratégiques territoriaux comme les contrats d'utilité social (CUS) avec les bailleurs. Tout cela donne lieu à ce que la Cour appelle une "comitologie pesante".
Si pesante d'ailleurs que "certaines fonctions budgétaires, administratives ou de contrôle relevant de l'État ne sont plus considérées comme prioritaires", comme les conventions d'APL passées avec les bailleurs sociaux, les conventions Anah conclues avec les bailleurs particuliers… ou encore l'instruction des dossiers Dalo renvoyée dans le temps ou sous-traitée à des sociétés privées. Quant à la gestion du contingent préfectoral, elle serait, dans plusieurs territoires "de facto exercée par le bailleurs", les DDCS n'assistant que ponctuellement aux commissions d'attribution locales "préférant se limiter à un contrôle ex post du respect des obligations".
Le Premier ministre a une autre idée
Le Premier ministre ne semble pas a priori opposé à ce qu'il y ait un seul service départemental interministériel regroupant le soutien de l'offre de logement et la gestion de la demande de logement. Cette évolution entrerait dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État qu'il a engagée cet été. Mais une autre option semble avoir sa faveur : "un rapprochement des compétences en matière de solidarité et de fonctions sociales du logement avec les compétences d'insertion vers l'emploi". Rapprochement d'ores et déjà "à l'étude", précise-t-il.
Cette orientation se fonderait sur la "prééminences des questions d'accès à l'emploi par rapport à l'accès au logement", explique-t-il. Et "sur la volonté politique d'améliorer les résultats en matière d'insertion en lien avec les services en charge de l'économie, les entreprises, le travail et l'emploi".
Le partage des données, sujet récurrent
La deuxième recommandation serait d'"organiser et de garantir le partage des données locales utiles entre les administrations et les organismes publics du logement, de façon à pouvoir cibler plus finement les actions d'aide et de soutien au logement, notamment dans le domaine des aides fiscales (Ndlr : dispositifs Pinel, Scellier, CITE…)". Là-dessus encore, le Premier ministre semble d'accord, mais pour lui les choses ont déjà beaucoup avancé depuis le référé de la Cour des comptes du 17 janvier 2018 (voir notre article ci-dessous du 10 avril 2018). Un décret vient d'ailleurs tout juste d'être publié sur les échanges d'informations entre administrations (voir notre encadré ci-dessous).
La Cour s'est aussi intéressée aux missions des services départementaux, sans pour autant formaliser une recommandation. Elle estime que, dans un contexte de montée en puissance des compétences des EPCI en matière de logement, "l'État devrait se recentrer sur ses activités d'audit, de contrôle et de garant social en dernier ressort". Elle pose la question d'un "repyramidage progressif des effectifs vers des agents de catégorie B+ ou A". Le Premier ministre a répondu que le repyramidage des effectifs était de son point de vue "nécessaire" et qu'il "sera mis en œuvre progressivement par le ministère de la Cohésion des territoires et le ministère de la Transition énergétique".
Un décret tout récent relatif aux échanges d'informations entre administrations
Un décret daté du 18 janvier 2019 et paru au JO du 20 précise les modalités des échanges d’informations et de données entre administrations nécessaires à la réalisation de certaines démarches administratives. Sont notamment concernées, pour les particuliers, les procédures relatives à l’achat d’un bien et aux aides financières y afférentes, copropriété, location et protection de l’habitat.