Olivier Sichel et Patrick Jarry : Les EPL sont un pilier essentiel dans le développement de l’offre de santé.
Le Congrès des Entreprises Publiques Locales (EPL) approche à grands pas, avec une nouvelle édition tournée vers les nouvelles perspectives du mouvement de l’économie mixte.
A l’aube de ce rendez-vous annuel, Patrick JARRY, Président de la Fédération des élus des Entreprises publiques locales, et Olivier SICHEL, Directeur de la Banque des Territoires, ont répondu à nos questions sur le rôle majeur des EPL dans le développement de l’offre de soins dans les territoires.
Le mouvement de l’économie mixte n’a jamais été aussi fort et dynamique, pouvez-vous nous partager les dernières données de cet essor ?
Patrick Jarry : Le mouvement des Entreprises publiques locales poursuit en effet une croissance soutenue sur l’ensemble du territoire national depuis une dizaine d’années, dépassant récemment la barre des 1 400 structures. Cette dynamique de créations et de recompositions se vérifie pour chaque composante de la gamme : Sem, Spl, SemOp. On recensait ainsi 121 projets de création en fin d’année 2022. Ces données illustrent que le modèle EPL demeure prisé des collectivités et des élus locaux pour répondre aux nouveaux défis qu’ils rencontrent.
Elles constituent en outre de puissants leviers d’entraînement des territoires, y compris dans les moments difficiles. Bien qu’éprouvées tout d’abord par la crise sanitaire puis par une conjoncture économique internationale complexe, les EPL ont démontré à la fois leur robustesse et leur rôle d’amortisseurs en période de crise. A la mi-2023, 82% d’entre elles se disent confiantes concernant leurs perspectives économiques à moyen terme, c’est un signe clair de vitalité.
On pense souvent aux EPL en matière d’aménagement ou encore à leur rôle dans la transformation énergétique. Pourtant, les EPL ont déjà un savoir-faire dans la filière de la santé, pouvez-vous nous en dire plus ?
Patrick Jarry : Les EPL sont d’ores-et-déjà pleinement engagées dans la filière de la santé, à divers endroits de la chaine de ce service public d’importance, dont le guide à paraitre de la Banque des Territoire en partenariat avec la FedEpl montre de très nombreux exemples. Leur intervention est désormais reconnue dans certains domaines, tandis que d’autres champs s’ouvrent aux EPL, sous l’effet d’une demande de plus en plus forte des citoyens envers les collectivités locales sur ce sujet. Rappelons que leur champ d’intervention très large est un atout, leur permettant de se saisir rapidement de toute problématique émergente.
Les EPL répondent ainsi présent depuis plusieurs décennies en matière de construction et de rénovation des parcs immobiliers liés aux soins, notamment des hôpitaux et nous espérons la création prochaine par la loi d’une nouvelle forme de société publique locale hospitalière, dédiée à la gestion des services supports et du patrimoine immobilier. Certaines Sem ou Spl contribuent également à la lutte contre la désertification médicale, en construisant ou exploitant des maisons de santé pluridisciplinaire par exemple.
Plus de 6% des EPL sont déjà actives dans le domaine de l’action sociale et de la santé à proprement parler, que ce soit dans l’accompagnement et le maintien à domicile (dont les départements sont chefs de file) ou lorsqu’elles assurent la gestion des EPHAD ou de résidences adaptées pour personnes âgées. On observe que l’intégralité de la gamme est alors mobilisée.
Les Sem, Spl et SemOp constituent ainsi une réponse efficace et concrète aux besoins des collectivités qui font face à la binarité du choix entre l’Etat ou la seule initiative privée dans ces domaines.
Pourquoi la Banque des Territoires s’intéresse aux problématiques de santé et s’engage dans la lutte contre les déserts médicaux ?
Olivier Sichel : A la Banque des Territoires, notre engagement dans la lutte contre les inégalités sociales et les fractures territoriales passe notamment par le fait d’améliorer l’accès aux soins sur tous les territoires. Aujourd’hui, certaines zones connaissent de véritables difficultés de démographie médicale. Le désert médical français représente entre 9 et 12% du territoire, soit une commune sur trois et près de huit millions de citoyens concernés. Parallèlement, le nombre de maladies chroniques augmente et la population vieillit. Il y a donc une véritable priorité de permettre à chaque français de se soigner, tous les jours, sans avoir à avoir à parcourir de nombreux kilomètres, à attendre des délais excessifs ou à passer par l’hôpital.
Ainsi, en tant que partenaire privilégié des collectivités et EPL, nous soutenons le développement de projets de santé pensés pour s’adapter aux spécificités d’un territoire, le rendre plus attractif, tout en prenant également en compte les attentes des professionnels de santé.
Vous avez déjà communiqué sur vos convictions sur le rôle majeur de l’économie mixte, en quoi, pour vous, les EPL peuvent aider au déploiement des solutions en matière de santé dans les territoires et plus particulièrement pour lutter contre les déserts médicaux ?
Olivier Sichel : Les EPL sont les fers de lance d’un territoire ou des collectivités. De par leur modèle économique particulier, elles soutiennent et confortent des projets de développement territoriaux qui pourraient être délaissés par les opérateurs privés, et ce, jusque dans des zones peu attractives. Grâce à leur appui et leur expertise des territoires, elles sont un élément essentiel pour co-construire des projets en matière de santé, afin de lutter contre les déserts médicaux et répondre aux nouvelles attentes des citoyens.
Au-delà de l’investissement immobilier, elles jouent un rôle de conseil pour affiner une solution sur-mesure, en accord avec les enjeux du territoire. En effet, un projet de structure de santé viable repose sur de nombreux facteurs et doit aujourd’hui répondre, non seulement aux besoins des habitants, mais aussi à ceux des professionnels de santé. Aujourd’hui, nous savons que les Maisons de santé pluriprofessionnelles ou les Centres de santé constituent des moyens privilégiés pour attirer ces professionnels de santé car ils sont le signe d’attractivité. Par exemple, la Maison de Santé du quartier Bellevue à Nantes regroupe 17 professionnels qui couvrent la plupart des situations médicales, facilitant également la continuité des soins et un suivi médical précis aux patients. Ces structures pluriprofessionnelles nécessitent donc d’être soutenues, organisées et fédérées. En les structurant, avec un montage sur-mesure et des conseils adaptés, les EPL s’assurent alors de leur bon fonctionnement, du renforcement de l’offre de soins de proximité et du maintien du bien-être global de la population locale.
En juin dernier, avec la Fedepl, nous avons organisé avec succès une rencontre afin de partager sur les solutions côté Economie Mixte pour lutter contre les déserts médicaux. Nous poursuivrons le 21 novembre prochain avec une nouvelle Rencontre du Hub dédiée au rôle des EPL en matière de santé.