Les perspectives de recrutement en berne dans les collectivités
La part des collectivités envisageant de recruter prochainement est passée de 51% en 2023 à 43% en 2024. C'est la dernière édition du baromètre HoRHizons élaboré pour les associations d'élus locaux et les institutions de la fonction publique territoriale (CNFPT, CSFPT, FNCDG) qui le met en évidence. Présenté ce 28 janvier à la presse, ce panorama des tendances des collectivités en matière de ressources humaines témoigne d'un "revirement" lié à un contexte dominé par l'incertitude et la recherche d'économies.
"Seulement" 43% des collectivités et intercommunalités envisageaient à l'automne dernier de "recruter prochainement", selon la neuvième édition du baromètre HoRHizons, rendue publique ce 28 janvier au cours d'une conférence de presse au siège de l'Association des maires de France, à Paris. "Les intentions de recrutement régressent fortement", indique ce panorama des tendances des ressources humaines territoriales.
Partant de 36% en 2018, les intentions de recrutement des employeurs territoriaux n'avaient cessé de progresser par la suite, pour atteindre 51% en 2023, selon les précédentes éditions du baromètre. L'édition 2024, qui s'appuie sur les réponses d'un millier de responsables de collectivités ou intercommunalités (élus, directeurs généraux ou adjoints des services, DRH, secrétaires généraux de mairie), témoigne donc d'un "revirement".
Fonctions supports : intentions de recrutement en hausse
A l'inverse, en toute logique, la part des décideurs locaux déclarant qu'ils ne recruteront pas "prochainement" (55%) est en nette progression en 2024 (+7 points).
La période au cours de laquelle l'enquête a été menée par le prestataire, le cabinet Qualitest - à peu de choses près entre la présentation initiale du projet de loi de finances pour 2025 et le vote de la motion de censure faisant tomber le gouvernement Barnier - n'est pas étrangère à ce résultat. La plupart des responsables locaux ayant répondu avaient connaissance des mesures inscrites dans le projet de budget pour 2025 et devaient s'attendre à un impact fort de celles-ci sur les budgets locaux pour 2025.
Les collectivités répondantes envisageaient à l'automne dernier des recrutements d'abord pour remplacer des départs d'agents à la retraite : c'était le cas de près des deux tiers d'entre elles. Un peu moins de 9% des collectivités déclaraient des intentions de créations d'emploi, un chiffre en baisse ces dernières années (17,4% en 2020) et traduisant un souci de "maîtrise ou réduction des dépenses de fonctionnement". A noter que 25% des recrutements envisagés "visent à la fois à remplacer et créer des postes".
Les créations de postes concerneraient principalement les services techniques et les "fonctions support" (finances, RH, achats…) - avec, dans ces domaines, des intentions de recrutement en hausse - et le secteur de l’enfance-jeunesse. Dans le secteur du sport, les créations de postes sont, en revanche, envisagées à la baisse en 2024 (plus de 6 points de moins qu'en 2023).
Progrès notable de la protection sociale complémentaire
"Ces constats sont plutôt préoccupants, selon Vincent Le Meaux, premier vice-président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). L'élu n'est guère étonné. "Les dépenses de personnels servent de variable d'ajustement" aux collectivités. "En période d'incertitude, les chefs d'entreprise ne développent pas leur activité. C'est la même chose pour les collectivités, elles ralentissent sur les perspectives de recrutement", a abondé Thomas Fromentin, vice-président d'Intercommunalités de France en charge des ressources humaines. Il a noté toutefois "une contradiction majeure", parce que "les Français n'ont jamais attendu autant de services publics".
Contexte financier oblige, la maîtrise de la masse salariale est "un axe prioritaire de la stratégie RH" de plus de 80% des collectivités (+5 points). Igor Semo, vice-président de l'Association des petites villes de France (APVF), a déjà une idée dans ce domaine. "Les heures supplémentaires sont une charge qu'on peut peut-être un peu mieux maîtriser", a indiqué le maire de Saint-Maurice (Val-de-Marne). Mais "ces heures supplémentaires ne sont pas fictives, on va supprimer des événements le week-end, pour que les agents de voirie ne travaillent pas" sur ce temps-là, a-t-il souligné.
Au total, la maîtrise de la masse salariale est citée en troisième position parmi les priorités "RH" des collectivités, derrière "le développement de la formation et des compétences des agents" (83%) et "l’amélioration de la prévention, de la santé et de la sécurité au travail" (81%). A noter aussi : la quatrième place de "la mise en place d’une politique de protection sociale complémentaire des agents (mutuelle et prévoyance)". Plus des trois quarts des collectivités ont affirmé qu'il s'agit d'une priorité de leur politique RH, soit près de 16 points de plus qu'il y a un an. L'obligation pour les employeurs territoriaux de contribuer financièrement au 1er janvier 2025 au financement d'un contrat de prévoyance pour leurs agents a donc été vraisemblablement anticipée.
Tensions de recrutement un peu moindres
Citée par plus des deux tiers des collectivités, "l'adaptation du temps de travail et de son organisation" figure en cinquième place, le signe probablement que les collectivités entendent faire de ce sujet un levier d'attractivité.
Les tensions de recrutement demeurent en effet vives chez les employeurs locaux, même si elles tendent à régresser. A l'automne, 52,7% des employeurs territoriaux déclaraient rencontrer des difficultés à recruter et fidéliser leurs agents - contre 57,4% en 2023. En sachant que ce taux était bien plus élevé dans les plus grandes collectivités (supérieur à 81% pour les communes de plus de 3.500 habitants). Les communes de moins de 3.500 habitants sont moins confrontées à cette problématique, mais celle-ci y a probablement plus d'impact. Les effectifs y étant faibles, les collectivités doivent fermer des services lorsque leurs démarches de recrutement restent vaines, comme l'a pointé Chantal Gantch, représentante de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
Pour favoriser leur attractivité, près de 60% des collectivités se sont servies du régime indemnitaire en 2024, soit 8% de collectivités de plus que l'année précédente. A noter que près de 70% des collectivités déclarent par ailleurs avoir versé à leurs agents la prime en faveur du pouvoir d’achat - une prime que les collectivités, à la différence de l'Etat et des hôpitaux, avaient la liberté d'accorder, de surcroît en décidant de son montant en dessous d'un certain plafond).
"On a besoin de travailler sur les grilles"
Près d'une collectivité sur deux cite la participation à la protection sociale complémentaire comme un levier de l'attractivité. D'autres mettent en avant les actions en matière de qualité de vie (près de 39%), l'action sociale (plus de 26%) et le télétravail (23,5%).
"Le levier majeur de l'attractivité, c'est la rémunération et cette question doit être au cœur des enjeux sur lesquels nous devons travailler avec le ministre, on a besoin de travailler sur les grilles [indiciaires]", a estimé Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF, au lendemain d'une rencontre des représentants des employeurs territoriaux avec Laurent Marcangeli, le ministre de la Fonction publique. En matière d'attractivité, les élus locaux ont fait des propositions au cours de ces deux dernières années. "On a besoin d'actes [à présent], a lancé l'élue, visiblement agacée par les difficultés rencontrées ces derniers mois par les gouvernements pour porter des mesures, notamment dans la fonction publique.