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Case Law Analytics, interview de son président Jacques Lévy Véhel

Case Law Analytics est animée par une vision très forte. En quantifiant l’aléa juridique d’une affaire, chaque professionnel du droit a la possibilité d’affiner sa stratégie grâce à des éléments chiffrés. Afin de comprendre en quoi cette solution pourrait être intéressante pour les collectivités, nous avons eu le plaisir de rencontrer Jacques Lévy Véhel.

Temps de lecture : 4 minutes

 

Avant d’aller plus loin, pouvez-vous nous expliquer quelle est la proposition de valeur de Case Law Analytics pour les collectivités ?

Case Law Analytics analyse les décisions de justice dans lesquelles les collectivités sont concernées. Nous utilisons l’intelligence artificielle et la modélisation mathématique pour aider les personnes publiques à quantifier le risque juridique. L’idée n’est pas de prodiguer une réponse binaire sur l’issue d’une affaire mais plutôt de présenter  toutes les issues possibles avec leur probabilité d’occurrence.

 

Il serait intéressant que vous nous expliquiez le fonctionnement d’une intelligence artificielle pour démystifier cette technologie qui alimente bien des fantasmes !

L’intelligence artificielle développée par Case Law Analytics est le résultat d’une méthodologie qui demande une étroite collaboration entre juristes et mathématiciens. Il ne s’agit absolument pas de calculer de simples statistiques mais bel et bien de reproduire le raisonnement des magistrats.

Dans un premier temps, sur une problématique juridique bien définie, nous listons, en collaboration avec des magistrats et des avocats, l’ensemble des critères sur lesquels s’appuie le juge pour prendre sa décision. Généralement, le nombre de ces critères est d’entre 50 et 100.

Dans un second temps, nous prenons connaissance de toute la jurisprudence disponible sur cette problématique, que nous analysons à la lumière de ces critères.

Enfin, la dernière étape consiste à construire des formules mathématiques qui permettent de calculer, en fonction des critères d’analyse, les différentes issues possibles devant une juridiction donnée. Considérer plusieurs formules permet de rendre compte de l’aléa judiciaire ; en effet, le même dossier, présenté deux fois devant la même juridiction, ne connaîtra pas nécessairement la même issue.

 

Quels sont les domaines pour lesquels les collectivités font appel à Case Law Analytics ?

Deux types de contentieux ont été modélisés jusqu’ici pour les Collectivités : les marchés publics de travaux et les sanctions disciplinaires de la fonction publique. Pour les marchés de travaux, le conflit le plus répandu concerne une entreprise qui a remporté un marché et qui entre ensuite en conflit avec l’entité adjudicatrice pour diverses raisons. Dans ce cas de figure, c’est la collectivité qui est en défense.

Grâce à Case Law Analytics, en renseignant  les différents critères qui caractérisent son dossier, comme la juridiction, le lieu, le coût des travaux, les caractéristiques des prestations, etc. la collectivité pourra s’appuyer  sur des évaluations objectives de  la probabilité d’être condamnée et des montants de dommages qui devront être versés. Les réponses sont données sous forme de pourcentage et de graphique.

 

Case Law Analytics 2

© Case Law Analytics

Concernant les sanctions disciplinaires, imaginons la situation suivante. Nous sommes face à un agent, titulaire de la fonction publique depuis 5 ans. Il rejette absolument toutes les instructions de son supérieur hiérarchique. Par ailleurs, son comportement génère beaucoup de mésententes avec les autres collaborateurs comme en témoignent de nombreuses attestations. La collectivité a alors décidé de lui infliger une sanction disciplinaire, mais s’interroge sur le degré de celle-ci. Une sanction trop faible n’est pas appropriée, mais une sanction trop forte risque d’être annulée par le tribunal ou la cour d’appel administrative.

Selon le schéma ci-dessous, vous pouvez constater que Case Law Analytics a la faculté de dire toute sanction jusqu’à la radiation du tableau d’avancement a très peu de risque d’être annulée (2 %), alors que toute sanction plus grave qu’une exclusion temporaire de 4 à 15 jours a plus de 88 % de chances d’être annulée. Pour réduire le risque d’annulation, la collectivité a donc intérêt à infliger un abaissement d’échelon, voire une radiation du tableau d’avancement pour pratiquement annuler ce risque.

Case Law Analytics 3

© Case Law Analytics

Comme ces deux exemples le montrent, Case Law Analytics permet de rationaliser les décisions prises par la collectivité,  en considérant  :

  • le risque d’être condamnée ;
  • les montants en jeu.

Un autre cas d’usage concerne l’opportunité de faire appel d’un jugement défavorable, en mesurant ses chances d’obtenir une meilleure issue en appel. En sus de ces estimations fondées sur l’intelligence artificielle, nous proposons une fonctionnalité de « Jurisprudence associée », qui identifie les décisions passées qui comportent le plus de similitudes avec la situation en cours.

 

Quel est le délai de réalisation du projet avec une collectivité et quelles sont les principales difficultés rencontrées ?

Il convient de rappeler que l’essentiel de notre mission dépend de la qualité de notre base de données, en l'occurrence des décisions de justice. C’est la raison pour laquelle nous sommes ravis de pouvoir nous appuyer sur notre partenariat exclusif avec la maison Dalloz, qui nous permet de travailler sur des ressources fiables et exhaustives. Depuis deux ans, la plupart des contentieux que nous modélisons le sont en  co-développement avec un partenaire qui peut être une collectivité, un cabinet d’avocats ou une entreprise. Par exemple, dans le cadre d’une telle démarche, une collectivité pourrait faire appel à nous pour modéliser des contentieux dans le domaine de l’urbanisme. Le délai de réalisation pour co-créer un tel module est de 3 à 4 mois.

La condition principale pour que notre approche fonctionne est qu’il nous faut disposer d’une quantité suffisante de jurisprudence : en dessous de 200 décisions, il n’est pas possible de déployer une modélisation fiableL’étape la plus délicate est bien évidemment celle de la définition des fameux critères. Nous privilégions toujours ceux qui sont factuels mais nous devons aussi composer avec les critères “simulatifs” qui prennent en compte des données subjectives comme le contexte ou la répercussion sur la réputation.

 

Concrètement, comment fonctionne l’outil et quels sont les retours de vos utilisateurs ?

Case Law Analytics est un SaaS (Software as a Service), donc la collectivité n’a aucun logiciel à installer. Tout est disponible en ligne : seuls une adresse email et des codes d’accès sont demandés pour exploiter notre outil. Ensuite, sur l’interface, il suffit de renseigner les faits de l’affaire pour obtenir des réponses.

En conséquence, l’utilisation est très simple. En revanche, l’aspect graphique et les nombreuses données numériques peuvent perturber certains juristes peu à l’aise avec les chiffres. C’est pourquoi nous accordons une grande importance à la formation pour aider nos clients et partenaires à interpréter les résultats et surtout à définir des stratégies fondées sur ces résultats qui leur permettront de décider s’il est plus opportun de transiger, d’ester en justice, de provisionner tel montant au lieu d’un autre, etc.

Les collectivités qui sont déjà nos clientes apprécient de pouvoir fonder leur décision sur des éléments rationnels tels que la probabilité d'une condamnation, la quotité d’une sanction ou d’une indemnisation. Le logiciel explique également les critères qui pèsent le plus dans un jugement : avoir en tête un contexte global est indispensable pour comprendre le simulateur. Enfin, Case Law Analytics est aussi un puissant moteur de recherche qui identifie par mots clés et filtres toutes les affaires se rapprochant de la problématique de la collectivité.  

Chez Case Law Analytics, nous espérons contribuer à terme à une rationalisation des débats pour des échanges juridiques plus efficaces et rapides entre les parties. Notre souhait le plus cher est d’aider le juriste à objectiver son risque et de contribuer ainsi à désengorger les tribunaux.

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