Cumul des mandats : l'Assemblée dit non au retour du député-maire... mais le débat reste ouvert
L'Assemblée nationale a rejeté une proposition de loi centriste visant principalement à supprimer l'incompatibilité entre le mandat de parlementaire et les fonctions de maire ou adjoint au maire dans les communes jusqu'à 10.000 habitants. LREM et PS s'y sont opposés. Plusieurs voix de la majorité jugent cependant que le sujet pourrait resurgir prochainement.
Après quelques poussées de tension, l'Assemblée nationale a finalement rejeté vendredi 26 novembre une proposition de loi centriste visant principalement à assouplir la règle du non-cumul des mandats pour les parlementaires.
Le fait que les parlementaires, en vertu du principe voté sous le gouvernement de Manuel Valls, ne peuvent plus être maires, adjoints, présidents ou vice-présidents d'intercommunalité, de conseil départemental ou régional, continue de faire débat.
Pour mieux "reconnecter" à nouveau les parlementaires aux territoires, les députés UDI avaient mis à l'ordre du jour de leur "niche" vendredi une proposition de loi organique déjà adoptée en octobre par le Sénat. En jeu : supprimer l'incompatibilité entre le mandat de parlementaire et les fonctions de maire ou adjoint au maire dans les communes jusqu'à 10.000 habitants, soit 97% des communes françaises. Son auteur, le chef de file des sénateurs centristes Hervé Marseille, ne manque pas d'en référer à Emmanuel Macron, qui s'était interrogé début 2019 : "Faut-il permettre de ravoir des mandats locaux, du moins dans certaines proportions, sans être dans des exécutifs de premier plan, peut-être ?". Des propos tenus au sortir de la crise des gilets jaunes, durant laquelle il avait été reproché aux élus d'être coupés des territoires.
"Un équilibre à trouver"
Rappelant son expérience durant une quinzaine d'années de député-maire de Drancy (Seine-Saint-Denis), le patron du groupe UDI Jean-Christophe Lagarde a plaidé en faveur de ce "cumul mesuré, limité" – car "il y a un équilibre à trouver" –, réfutant tout "retour en arrière". Le groupe LR lui a apporté son soutien, soulignant par la voix de Brigitte Kuster que "notre démocratie n'est pas sortie renforcée" du non-cumul, contrairement à l'objectif affiché.
Mais la majorité s'est vivement défendue. "Vous affaiblissez la fonction de député", qui ne serait "pas efficace, pas utile", s'est élevée Aurore Bergé (LREM). "Qui est le plus déconnecté ? Celui qui a été député-maire pendant des dizaines d'années ? Ou est-ce celui qui a vécu dans une entreprise, un hôpital, une association, et qui vient apporter son expérience dans cet hémicycle ?", s'est interrogé Jean-René Cazeneuve, défendant ainsi le profil de nombre de macronistes arrivés en 2017.
La plupart des élus LREM se félicitent eux aussi du non-cumul. "Nous ne sommes pas des surhommes, on ne peut être partout", met en avant Sacha Houlié, qui ne se sent pas pour autant "déraciné" et s'oblige à de la "créativité" dans l'exercice de son mandat. "C'est une garantie de renouvellement, des élus à plein temps, la fin du cumul des indemnités, la prévention de conflits d'intérêts", liste la présidente de la commission des Lois de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, qui souhaite même avancer sur "le non-cumul dans le temps", une promesse du candidat Macron qui n'a pas été concrétisée. La gauche est venue appuyer la majorité, critiquant une proposition de loi centriste "décliniste et régressive", "un remède pire que le mal".
"Ce n'est pas tranché"
D'autres LREM en revanche sont moins allants, notamment parmi ceux ayant connu auparavant le cumul, qui leur donnait plus de force et d'indépendance, jugent-ils.
Preuve que le mandat parlementaire aurait perdu de son attrait : quelques dizaines de députés ont démissionné, préférant rejoindre en 2020 des mairies et en 2021 les nouveaux exécutifs des départements ou régions.
Le président de l'Assemblée lui-même affirme ne pas avoir de "tabou" ou "dogme sur le cumul". "Etre adjoint ou vice-président d'une collectivité" de taille raisonnable n'est pas "nécessairement antinomique avec le mandat de député", avait encore plaidé Richard Ferrand (LREM) mardi. Et de lancer : "On n'a pas assez réfléchi à la portée" du vote de 2014 car "nous avons consacré le pouvoir d'influence d'une nouvelle catégorie de cumulards" au niveau local, dans les mairies, intercommunalités, départements et régions. Il réclame "des règles équilibrées pour les uns comme pour les autres". Jean Castex serait sur la même ligne d'un "aménagement" du non-cumul.
"L'establishment LREM cogite beaucoup et ce n'est pas tranché. Le débat institutionnel plus global repart" à l'approche de 2022, relève une source parlementaire. Selon un membre du gouvernement, "c'est un beau débat, mais ça doit être dans un paquet global avec la question de la proportionnelle ou du pouvoir du Parlement. Pas dans une proposition de loi de fin de mandat".
A l'appui de la réflexion, une étude CSA commandée par l'Assemblée et publiée mardi montre que pour 70% des Français, un parlementaire doit "s'occuper en priorité des problèmes de son territoire d'élection". A l'inverse, 29% pensent que les "problèmes nationaux" sont prioritaires. Pour autant, 73% considèrent que la fin du député-maire est une "bonne chose", contre 25% qui pensent l'inverse. Richard Ferrand y voit "un peu une injonction paradoxale".